Edito
19H59 - mercredi 14 juin 2017

Lutte contre l’Islam radical, crises diplomatiques, COP21 et 22… Emmanuel Macron rend visite à Mohammed VI. L’édito de Michel Taube

 

Emmanuel Macron a donc réservé sa première visite bilatérale hors d’Europe au Royaume du Maroc.

Officiellement pour faire connaissance avec son homologue Mohammed VI. Certes il s’agit d’une visite privée mais quand le président de la République se déplace, surtout lorsqu’il a une idée très jupitérienne et personnalisée de sa fonction, le déplacement est somme toute très public.

Le Maroc et la France ont des intérêts stratégiques en commun, à la fois intérieurs et d’ordre international.

Tout d’abord, chacun des deux pays dispose d’un rayonnement particulier et est exposé à un risque majeur face à la montée de l’islam radical.

Le Royaume du Maroc est confronté à des inégalités sociales qui font le lit de l’extrémisme, c’est certain. Mais surtout le Roi du Maroc est Commandeur des croyants, il incarne une conception contextuelle et éclairée de l’Islam, il assume publiquement la multicultarité de son peuple, inscrite jusque dans sa Constitution. En ce sens, le Maroc est un rempart idéologique puissant dans la guerre qui ensanglante le monde musulman et la planète entière. Le discours du Roi le 20 août 2016, salué dans le monde entier, est une leçon de théologie pour tous les musulmans à la recherche d’arguments pour résister à toute tentation islamiste. Ces mêmes raisons font du Maroc et du Roi une cible privilégiée des islamistes radicaux.

Côté français, la laïcité souvent incomprise, l’engagement de la France au Moyen-Orient et surtout au Sahel, le fait que notre République compte la plus forte communauté musulmane d’Europe, donnée que les Français tardent à accepter, exposent aussi notre pays à des attaques terroristes et à un défi crucial à relever urgemment.

Les deux chefs d’Etat gagneraient à investir des millions d’euros, autant que dans le dispositif sécuritaire qui est fort collaboratif entre les deux puissances, dans la promotion d’un contre-discours anti-islamiste et dans la formation d’imams modernistes au Maroc et laïcs en France, d’éducateurs et de travailleurs sociaux, meilleures solutions de prévention des radicalisations qui sapent nos jeunes générations dans les deux pays.

Sur la scène internationale, le Maroc et la France ont une posture similaire face aux conflits majeurs : les deux chefs d’Etat ont appelé à la retenue dans la crise sunnites – chiites qui couve derrière la guerre diplomatique entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Le Maroc a même proposé sa médiation. En Afrique du nord et au Sahel, les deux partenaires s’efforcent, chacun à sa manière, de soutenir un Mali que nous craignons malheureusement au bord, à nouveau, de l’effondrement, et de trouver la solution impossible pour rebâtir la Libye.

Le dernier intérêt commun à Paris et Rabat est de sauver l’Accord de Paris qui est entré en vigueur la veille de l’ouverture de la COP22 à Marrakech en novembre dernier… Trump se croit tout puissant en retirant les Etats-Unis de cet Accord universel auquel les dirigeants français et marocains ont largement contribué. Nul doute que Mohammed VI et Emmanuel Macron réaffirmeront l’engagement de la communauté internationale pour lutter contre le réchauffement climatique, avec ou sans Trump.

Michel Taube

Directeur de la publication