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16H03 - vendredi 23 septembre 2016

Sandye Ngoua, opposante gabonaise en France : « Depuis l’étranger, on se sent impuissant. »

 

Le sourire encore facile malgré les événements, Sandye Ngoua fait partie des milliers de personnes qui manifestent leur colère à Paris suite à la crise post-électorale que connaît le Gabon. Nièce d’un ancien ministre, membre d’un parti d’opposition soutenant Jean Ping, cette nouvelle figure de la politique gabonaise est comme ses compatriotes, dans l’attente du verdict de la Cour Constitutionnelle qui se prononcera d’une heure à l’autre sur les résultats de l’élection présidentielle. Elle revient sur sa mobilisation, à 7.000 kilomètres de « la terre de ses ancêtres ». Dans sa ligne de mire, toujours le même homme : le président Ali Bongo, au pouvoir depuis 2009.

Sandye Ngoua

 

Comment décrivez-vous la mobilisation de la diaspora, trois semaines après l’élection ?

On n’a jamais vu autant de Gabonais se mobiliser à l’étranger ! Nous étions plus de 1.500 voire 2.000 à nous rassembler à Paris, alors qu’on n’est pas nombreux. C’est fort. Et là, samedi dernier, toute la diaspora, dans toutes les villes de France, dans tous les pays où on est représentés. Ces temps-ci, nous protestons devant le Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE), où de grandes entreprises se réunissent aujourd’hui.

Rencontrez-vous aussi vos adversaires pro-Bongo au sein de la diaspora ?

Ils ont beaucoup de mal à intervenir. Il n’y a aucune marche en leur faveur ! Et même sur les réseaux sociaux, ils sont discrets. Le représentant fédéral du PDG [parti au pouvoir, NDLR] à Paris a quitté son poste dernièrement et avoué, en larmes, qu’Ali Bongo avait truqué les élections. Cette fraude est tellement idiote qu’il croirait plus aux contes pour enfants !

Comment suivez-vous la situation sur place sachant que les réseaux sociaux sont fréquemment coupés ?

J’appelle, et ça passe. Mais on ne peut pas envoyer de SMS ni en recevoir en ce moment. Preuve que Bongo a tout d’un dictateur, il avait promis de ne pas bloquer les communications ! On a un peu d’internet depuis quelques jours, donc on reçoit quelques photos et beaucoup de témoignages. On peut voir que le gouvernement a recours à des milices, cagoulées et anglophones.

A Paris, vous avez organisé plusieurs manifestations, dernièrement au Trocadéro. Comment faire durer la mobilisation ? Ne craignez-vous pas un essoufflement ?

Nous sommes tellement déterminés à en découdre avec ce régime qu’on est prêt à rester six mois devant notre ambassade, jusqu’à ce qu’ils aient la peur au ventre en allant y travailler. On a une marche prévue samedi, du Trocadéro à l’ambassade. Et hier encore, des étudiants gabonais ont interrompu un meeting de Nicolas Sarkozy, qui nous a imposé ce monstre à la tête de notre Etat. Le gouvernement français doit réparer cette erreur.

N’est-ce pas une fois de plus confier son destin à l’ancienne puissance coloniale ?

Il ne faut pas se leurrer, le Gabon reste un protectorat français ! La France a énormément d’intérêts au Gabon, donc elle a tout intérêt à régler ce problème au plus tôt.

Mettre fin au pouvoir de Bongo pour Jean Ping en comptant sur l’aide de la France, n’est-ce pas poursuivre le protectorat ?

Jean Ping a gagné ! Il faut que la France sache ce qu’elle veut, encourager ou décourager la dictature en Afrique. L’élection a été truquée, au prix du sang.

Que préconisez-vous pour l’après Bongo ?

Il faut remettre à plat les institutions et revoir la Constitution, qui est trop favorable au pouvoir en place. Il faudrait limiter les mandats, puisque nos présidents meurent au pouvoir. Omar Bongo, le père d’Ali, est déjà resté 43 ans au pouvoir. Quand je suis née, il était déjà président. Quand mon fils est né, il était encore président. A sa mort, nous nous sommes dits « plus jamais ça ». Ce n’est pas une famille qui va rester au pouvoir pendant cinquante ans, surtout qu’elle ne réalise rien. La dette de l’Etat a été triplée en sept ans, aucune école n’a été construite, aucune bibliothèque non plus ! Il avait promis 5.000 logements par an, il n’en a pas fait 800 en sept ans !

Qu’est-ce qui est le plus dur quand on suit cela depuis la France ?

On se sent impuissant. Depuis le 27 août, je ne dors pas. Mon esprit et mon cœur sont au Gabon et j’ai peur pour mes parents. Tout ce que je peux faire pour eux, c’est marcher et mobiliser pour attirer l’attention de la communauté internationale pour arrêter ce qu’ils vivent. Là-bas, les hélicoptères tournent 24 heures sur 24, les militaires sont postés sur les toits et le domicile de Ping est encerclé. Personne ne peut dormir, tout le monde a peur de se faire tirer dessus. Il y a des milices partout. Ça me fait mal, et je suis en colère puisque notre pays n’a jamais connu cette situation. Bongo père avait tous les défauts du monde, mais nous étions en paix. Maintenant, nous avons atteint le point de non-retour. Aidez-nous. Aidez le peuple gabonais.

 

Propos recueillis par Noé Michalon

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