International
13H45 - jeudi 10 mars 2016

En Syrie, des forces armées russes au sol

 

L’information est passée quasiment inaperçue, pourtant elle en dit beaucoup sur la réalité géopolitique en Syrie. Le 18 décembre dernier, le Wall Street Journal rapportait la mort en octobre de neuf combattants russes, tués par des tirs de mortiers dans une base au Nord-Ouest du pays.

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Soldats russes – Crédit photo : domaine public – Wikimedia Commons

 

 

Cette nouvelle, révélée par « trois sources », confirme ce que les observateurs suspectaient et que Moscou continue de nier : des hommes armés, organisés et entraînés agissent actuellement sur le territoire syrien, pour le compte de la Russie qui assure pourtant ne mener que des frappes aériennes depuis sa base de Lattaquié.

 

Groupe organisé

La présence de forces armées russes sur le territoire syrien avait déjà été notée : les Slavonic Corps, un groupe de mercenaires, s’étaient fait remarquer par leur participation à des combats, avant de se retirer précipitamment et de rentrer en Russie. Moscou avait nié quelconque soutien à la structure, éludant la question de la capacité d’un groupe armé à passer les frontières, dans un pays où les milices privées sont en théorie interdite. Dès leur retour en Russie, les dirigeants des Slavonic Corps ont d’ailleurs été emprisonnés.

 

Côté média russe, personne n’a évoqué ces faits, hormis le site d’information Fontanka, propriété alors et jusqu’en décembre dernier de Bonnier Group, un groupe de presse suédois, qui s’était laissé aller à quelques indiscrétions sur la nature exacte du groupe identifié en Syrie. Depuis, une nouvelle législation interdisant aux entreprises étrangères de posséder plus de 20 % du capital d’un média russe, le groupe Bonnier a revendu 80 % de sa participation à Ajur-Media, un groupe de presse local.

 

Selon les informations, à l’instar des Slavonic Corps, le groupe ayant agi en Syrie serait un groupe armé « privé » nommé « OSM » et dirigé par un certain « Wagner », lui-même ancien colonel du Pstsnaz (les forces spéciales russes) et ex-membre des Slavonic Corps. Mais là où les premiers s’étaient distingués par un échec flagrant sur le terrain, avec des hommes souvent mal préparés, pas toujours payés, OSM se montre beaucoup plus professionnelle.

 

Selon les révélations de Fontanka en effet les membres du groupe OSM évoluent en Russie dans des conditions apparemment incompatibles avec la clandestinité. S’entraînant à Molkino, non loin de Krasnodar (Sud de la Russie), ils utilisent notamment, selon les journalistes, des missiles antichars russes Kornet. Un matériel pour le moins cher et « voyant », et donc naturellement très difficile à dissimuler à une autorité souveraine et organisée comme la Russie. Ce matériel nécessite de plus un niveau d’expertise militaire laissant présumer un « encadrement » minimum. Les mercenaires du groupe OSM sont en outre payés 240 000 roubles par mois (2 750 euros soit environ 7 fois le salaire moyen en Russie), avec une garantie de paiement, encore une différence d’avec le groupe précédent.

 

Stratégie occulte

L’existence d’un groupe militaire privé (voire plusieurs, à prouver) et son intervention sur le territoire syrien étant clairement établi, reste la question se savoir si Moscou sait. Sous-entendu : Moscou dirige-t-il ?

Si, dans l’absolu, on ne peut pas blâmer la Russie de posséder des milices armées privées et de leur confier des missions – les États-Unis et la France, pour ne citer qu’eux, ne s’en privent pas non plus – cela irait totalement à l’encontre du discours de Vladimir Poutine sur la scène internationale. Primo parce que la législation russe interdit formellement les sociétés militaires privées, ce qui lui permet au passage de critiquer les pays, comme son rival américain, où elles sont autorisées. De plus, ce vide juridique permet au gouvernement central de ne pas avoir à rendre de comptes notamment sur les actions du groupe OSM. Voire de réserver à ses membres si les choses tournent mal le sort des Slavonic Corps. Secundo, après avoir longtemps été partisan, en surface, d’une non-intervention, la Russie a finalement décidé de se mêler officiellement de la question syrienne, mais uniquement via « des frappes aériennes », car pour Vladimir Poutine, il est hors de question d’intervenir sur le sol syrien, du moins de manière visible, au risque de réveiller le traumatisme du bourbier afghan.

 

Au-delà de révéler le jeu trouble de Moscou en tant que soutien, voire commanditaire, des agissements d’un groupe occulte, cette affaire lève un voile inquiétant sur la stratégie russe. En effet, si les Slavonic Corps, déjà fortement suspectés d’être directement aux ordres du Kremlin, restaient une force peu performante, le groupe OSM, mieux équipé, mieux entraîné et visiblement mieux financé, témoigne de l’implication croissante de la Russie dans les combats au sol. Un facteur qui risque d’accroître l’instabilité sur le terrain, d’autant que le récent échec des négociations de Munich ne laisse pas entrevoir d’issue à court terme.

 

Autre inquiétude : les groupes armés privés, même sous tutelle étatique, sont un vecteur de trafic d’armement vers les belligérants. La Toile russe s’intéressant aux questions de défense s’émeut d’ailleurs de signes indiquant que circulent en Russie des tanks T-90 et des véhicules de combat BTR 82A. Une information à prendre avec précaution mais qui n’est pas sans rappeler un précédent inquiétant : la perte de contrôle des armements en Libye. Qui ont contaminé depuis toute la zone subsaharienne.

 

Michel Borsky

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