International
11H29 - mercredi 9 mars 2016

Honey Thaljieh, de Bethleem à la Fifa

 

Petite fille, Honey Thaljieh n’avait pas peur de grand-chose, ni des punitions de son père ni du regard des autres. Elle ne comprenait pas, ne voulait pas comprendre, pourquoi elle n’aurait pas le droit comme les garçons de tâter du ballon ? Son intrépidité a fini par convaincre, et son père et les autres. Elle a joué et gagné. Cofondatrice de l’équipe nationale palestinienne de football féminin elle est aujourd’hui installée à Zurich où elle dirige la communication entreprise de la Fifa.

Entretien avec Honey Thaljieh à l’occasion de notre semaine de la femme.

Honey Thaljieh ors d'une conférence organisée par l'ONU - Crédit photo : ONU - Tous droits réservés

Honey Thaljieh ors d’une conférence organisée par l’ONU – Crédit photo : ONU – Tous droits réservés

 

Comment l’idée vous est-elle venue de devenir footballeuse ? Cela a-t-il été difficile pour vous en tant que jeune fille ?

En fait, j’ai commencé à aimer le football à la télévision. Je regardais les matchs avec mon père et mes frères, et j’adorais. Après, j’ai observé les garçons qui jouaient dans la rue. Et un jour, je me suis lancée, en rentrant de l’école. Je leur ai demandé si je pouvais me joindre à eux. Au début, ils se sont étonnés. Ils ne comprenaient pas ce que je venais faire là. Pour eux, j’étais une fille. J’aurais dû rentrer chez moi. Mais j’avais un talent naturel. Je taclais, je marquais. Alors ils ne m’ont pas seulement laissée jouer avec eux, ils étaient contents de m’avoir dans l’équipe. Quand j’avais la balle au pied, j’oubliais tout. J’ai eu quelques problèmes pour faire accepter ça à mon père. Notre société est très patriarcale. Donc au début, il m’a punie. Mais malgré les punitions, j’y retournais, je continuais. Et finalement, c’est lui qui a abandonné. Après, les choses se sont enchaînées. Je n’avais pas prévu d’en faire mon métier.

Que signifiait le football pour vous ?

Pour moi, c’était un moyen, le seul en fait, d’échapper aux problèmes, aux tensions, de l’occupation israélienne… Avec le temps, j’ai compris que c’était bien plus qu’un simple jeu de ballon. Le football permet de changer la perception du monde et les stéréotypes. En Palestine et en dehors de Palestine. C’est un instrument d’affirmation de son identité, d’inclusion sociale, de résistance.

Entre les matchs de rue avec des garçons et l’équipe nationale, que s’est-il passé ?

À la fin de la deuxième Intifada, en 2003, la vie a repris. Je suis retournée à mes études, à l’université de Bethlehem. C’était une période très difficile pour nous tous en Palestine. On a vraiment failli perdre tout espoir à cette époque. Un jour, en marchant, tristement, dans les couloirs de la fac, j’ai découvert par hasard, par chance, une annonce du service des sports à la recherche de filles pour former une équipe de foot. Jusque-là, je n’avais jamais joué qu’avec des garçons. Je n’ai pas hésité. J’ai couru m’inscrire. Le directeur m’a reçue. Il m’a dit : « J’ai mis cette annonce il y a des années et vous êtes la première à vous y intéresser ». Ensemble, on a décidé de tout faire pour créer une équipe.

Cela n’a pas été facile. On a recruté des joueuses de basket, de volley, qui connaissaient donc déjà la pratique de sports d’équipe. On a commencé à cinq. En attendant d’avoir assez de filles, on s’est entraînées avec les garçons. Peu à peu, les médias se sont intéressés à nous. Du coup, nous avons reçu des appels de Jéricho, Ramallah, Jérusalem, de filles qui voulaient nous rejoindre. Il m’a fallu parfois convaincre les parents. Ça ne marchait pas toujours, ce qui est normal. Mais il est arrivé que ce soit les parents eux-mêmes qui nous appellent pour leurs filles. Voilà, petit à petit, on a fait tomber les barrières. Finalement on a réussi puisqu’on a maintenant dix-neuf clubs de football pour femmes et quatre équipes féminines nationales (en fonction des âges). Et aujourd’hui quand on a des matchs importants, même notre Président, Mahmoud Abbas, y assiste.

Le fait que vous soyez des filles ne posait aucun problème ?

Si, il y a eu des problèmes. Nous avons été confrontées à beaucoup de critiques. Certaines filles qui auraient eu envie de participer en ont été empêchées. Même pour moi, ça n’a pas été facile. Des voisins sont allés parler à mes parents pour leur dire qu’ils nous désapprouvaient. Que c’était une honte que leur fille fasse du foot. Que ce n’était pas dans notre culture. Pour eux, c’était un sport de garçons. Mon père non plus n’était pas pour, au départ, mais quand il a vu que j’étais sérieuse, que je poursuivais mon rêve et que je tenais bon, il a réalisé qu’il devait me soutenir. Et puis, quand mon nom est apparu dans les médias, ça l’a rempli de fierté.

Quelle est la situation des femmes palestiniennes de votre point de vue ?

Je suis fière de dire que les femmes arabes les plus éduquées dans le monde sont les Palestiniennes. Il y a plus de femmes que d’hommes dans nos universités. D’abord, et c’est un fait, parce que les femmes aiment étudier. Et aussi parce que les hommes doivent travailler avec leurs pères pour subvenir aux besoins de leur famille. De plus, notre système éducatif est bien meilleur que celui des autres pays arabes. Car nous sommes conscients de l’importance de l’éducation. On a encore des choses à changer dans la mentalité mais beaucoup de progrès ont déjà été faits. Nous avons même des femmes ministres !

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