International
12H15 - mercredi 17 février 2016

Droit d’asile, l’art australien de l’esquive

 

« Les îles sont toujours des frontières face au monde », les mots de José Carlos LLOP sonnent juste pour décrire l’attitude de l’Australie face aux migrants, attitude résumée en une phrase choc en 2013 : « No way you’ll make Australia Home ».

Alors que les migrants font les gros titres de la presse européenne, on oublierait presque que l’Australie viole impunément des grands principes du droit international. En externalisant les demandes d’asile, Canberra ne laisse aucune chance aux migrants et devient un pays de non-droit.

Rappelons que les conventions internationales offrent à toute personne un droit à l’asile, au non-refoulement et de séjour provisoire. Les États signataires de la convention de Genève de 1951, dont fait partie l’Australie, sont donc obligés non pas d’octroyer l’asile mais de ne pas refouler le demandeur. Ne pas respecter cette obligation constitue une violation du droit international.

 

Penser les migrants comme un produit globalisé

La politique migratoire australienne se résume en un seul mot d’ordre : externaliser. À tout prix. Plus rien ne s’opère sur le sol australien. L’organisation est rondement menée en dehors de l’île avec une répartition des tâches astucieuses qui permet à Canberra de se défaire complètement du « problème » des migrants. Outre certains de ses territoires extérieurs comme l’île de Christmas, l’Australie dispose de trois principaux partenaires qui sous-traitent l’asile : la Papouasie Nouvelle-Guinée, Nauru et le Cambodge.

Avant même leur arrivée, les migrants sont interceptés au large des côtes australiennes pour être envoyés en Papouasie ou sur l’île Nauru. Et c’est là qu’ils déposent leur demande d’asile. Pendant le traitement de leurs dossiers, la plupart sont incarcérés dans des centres de rétention répartis sur plusieurs îles mais toujours hors du territoire australien. Quant à ceux qui reçoivent le statut de réfugié, selon les critères de la convention de Genève de 1951, ils ne séjourneront jamais en Australie et pourront être envoyé au Cambodge.

Depuis 2013, les deux pays ont signé un accord d’échanges de bons procédés : le Cambodge accueille un millier de réfugiés qui obtiennent l’asile australien contre 28 millions de dollars. Vente de réfugiés ou accord bilatéral, la coopération australo-cambodgienne défie les principes internationaux de protection des droits de l’homme en rejetant systématiquement les migrants hors de son territoire sans s’assurer de leur sort. Les migrants courent les pires dangers en traversant l’océan Indien dans l’espoir de trouver de meilleures conditions de vie pour finalement atterrir dans un pays, le Cambodge, dont la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Même si les autorités cambodgiennes plaident la « solidarité internationale » pour défendre cet accord bilatéral, sans mentionner la transaction financière, beaucoup de voix s’élèvent contre cette coopération puisque le Cambodge n’offre aux réfugiés que des décharges publiques en guise de logement. Qu’un pays pauvre et non respectueux des droits de l’homme devienne un refuge est en soi incohérent. Aussi, la coopération australo-cambodgienne a fait réagir la communauté internationale dont l’ONU et l’ONG Human Rights Watch, qui ont vivement critiqué cet « envoi de cobayes » d’après les mots de Phil Robertson.

Répartition des tâches sur plusieurs îles, accord financier, rationalisation économique, le traitement de l’asile en Australie correspond davantage au tayloro-fordisme qu’à un droit universel. Le migrant est désormais le produit qu’on exporte le mieux en Australie. Avec cette vision économique et autoritaire de l’asile politique, le pays redéfinit complètement ce concept.

 

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Tony Abbott ou la politique de l’autruche

 

Le rejet systématique des migrants, amorcé en 2013 par Tony Abbott, rappelle que les australiens entretiennent une relation des plus ambivalentes avec l’étranger. Les courants xénophobes n’ont pas épargné l’île-continent peuplée pour un quart de personnes venues d’ailleurs. Dans les années 1990, un violent courant anti-asiatiques s’abat sur la communauté suivi d’une vague antimusulmane dans les années 2000, marquées par les émeutes de Cronulla contre les Libanais. Cette hostilité a été encouragée par le gouvernement lui-même en 2010 et s’est illustrée de manière paroxystique en 2013 durant l’opération « frontières souveraines » de Tony Abbott.

 

no way

Suite à leur élection, les travaillistes ont bien tenté en 2007 d’inverser la tournure répressive et régressive que prenait la politique migratoire depuis quelques années avant de faire volte-face. Canberra a lancé les hostilités de l’été 2013 à coups de vidéos chocs mettant en scène le général Angus Campbell, commandant de l’opération et figure d’autorité pour décourager les téméraires. Le discours est simple : tous les immigrants illégaux seront systématiquement interceptés, aucune exception ne sera faite même pour les enfants non accompagnés. Il s’adresse même aux migrants avec un ton moralisateur et paternaliste en tentant de les dissuader : « Ne croyez pas les mensonges des passeurs. Ces gens vont voler votre argent et mettre en danger votre vie et celle de votre famille pour rien. » Le gouvernement australien pointe du doigt le commerce immoral des passeurs alors même qu’en 2015, l’Indonésie a ouvert une enquête sur les accusations d’un capitaine et de son équipage clamant avoir reçu des pots-de-vin de la part des services d’immigration pour détourner leurs bateaux. En mai 2015, le rapport indonésien « By hook or by crook », fondé sur des entretiens avec des demandeurs d’asile, l’équipage des bateaux et la police indonésienne, confirme les dires des passeurs et affirme l’existence d’autres cas similaires. Le crime transnational ayant été avéré par témoignages, l’Australie n’a toujours pas été sanctionnée par la communauté internationale.

La politique de l’autruche est à son comble quand Tony Abbott vante les succès de l’opération « Frontières Souveraines » en 2015 par l’absence de morts au large des côtes australiennes. Zéro mort au large des côtes de l’Australie, mais combien dans les centres de rétention ? Combien sont morts en retournant chez eux ? Que dire de cette manière de se dédouaner d’un problème quel qu’en soient les conséquences humaines tant que la souveraineté des frontières est préservée ?

 

 

Convention de Genève 1951

Article 33. — Défense d’expulsion et de refoulement

1. Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques.

2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu’il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l’objet d’une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays.

 

 

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