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13H31 - lundi 25 janvier 2016

Un ancien dictateur péruvien accusé de crime contre l’humanité

 

La justice péruvienne a ouvert une enquête contre l’ex-dictateur Francisco Morales Bermúdez pour enlèvement et transfert illégal de treize opposants au régime en 1978. Cette enquête constitue un précédent au Pérou. Nul n’y a encore été poursuivi pour des exactions commises pendant la dictature militaire (1968-1980).

 

Francisco Morales Bermudez

Francisco Morales Bermudez

 

En Amérique Latine, plusieurs pays s’efforcent d’élucider les crimes commis sous les régimes militaires des années 1960-1980. L’Argentine, le Chili ou encore l’Uruguay tentent depuis plusieurs années déjà de tourner une page sombre de leur histoire en poursuivant les responsables des dictatures. Au Pérou, les dirigeants de la junte (1968-1980), connue sous le nom de Gouvernement révolutionnaire de la force armée, n’avaient jamais été poursuivis, mais c’est en passe de changer. Un juge péruvien a autorisé l’ouverture d’une enquête contre Francisco Morales Bermúdez qui dirigea le pays entre 1975 et 1980. Cet ancien dictateur, âgé aujourd’hui de 93 ans, est tenu pour responsable de l’enlèvement et la déportation, en 1978, de treize opposants au régime.

 

 

Le Plan Condor : les heures les plus sombres des dictatures latino-américaines

À la fin du mois de mai 1978, la dictature de Morales Bermúdez fait face à un profond mécontentement populaire. En 1980, en raison d’une grève générale qui paralyse le pays, la décision est prise d’organiser l’élection d’une Assemblée constituante afin de transférer le pouvoir aux civils. Le 25 mai, alors que les Péruviens se préparent à aller aux urnes, le gouvernement militaire arrête treize opposants, parmi lesquels des militants de gauche, des leaders syndicaux et des journalistes, et les déporte en Argentine dans un avion militaire. Au même moment, les équipes péruvienne et argentine disputent le dernier match de la deuxième phase de poules de la Coupe du monde de football en Argentine, sous la dictature de Jorge Videla. Pour se qualifier, l’Argentine a besoin d’une victoire de quatre buts ou plus d’écart : le Pérou encaisse un 6-0.

 

Buenos Aires s’était engagé, en échange de la victoire sportive, à accueillir ces opposants et les faire disparaître, mais la pression internationale fut si importante que le gouvernement argentin et l’ambassade péruvienne à Buenos Aires acceptèrent de collaborer et de permettre l’évacuation des treize détenus vers le Mexique et l’Europe. Cette opération s’inscrivait dans le « Plan Cóndor », un plan de collaboration des dictatures du Chili, d’Argentine, de Bolivie, d’Uruguay, du Paraguay, du Brésil et du Pérou, pour éliminer leurs opposants durant les années 1970.

 

Plusieurs demandes d’extradition rejetées

 

Ces « arrangements » entre les dictatures argentine et péruvienne ont été dévoilés en 2012 par Norberto Oyarbide, un juge argentin qui enquêtait sur cette obscure manœuvre. Le juge a prouvé que la victoire de l’Argentine dans ce fameux match de la Coupe du monde était bel et bien le résultat d’une entente entre les deux dictateurs.

Suite à ces révélations, Oyarbide a demandé l’extradition et un mandat d’arrêt international contre l’ancien dictateur Francisco Morales Bermúdez. Dans son rapport, il qualifiait l’opération du 25 mai 1978 de crime contre l’humanité. L’ex-dictateur avait reconnu que son régime avait écarté les treize opposants, mais que cela n’avait aucun lien avec le Plan Condor. La Cour suprême péruvienne a néanmoins rejeté la demande d’extradition, la déclarant irrecevable. Il semblait que le Pérou n’était pas prêt à faire face à une telle situation.

Les secteurs les plus conservateurs, qui détiennent la quasi-totalité des médias péruviens, ont fait pression pour empêcher l’extradition de Morales Bermúdez. Ce dernier n’était pas pour autant lavé de tout soupçon. En 2007, la justice italienne avait déjà, sans succès, demandé son extradition. Elle accusait Francisco Morales Bermúdez et trois autres militaires péruviens d’avoir, en juin 1980, collaboré à l’enlèvement et l’homicide de quatre Argentins d’origine italienne détenus à Lima, puis torturés par le Service de renseignement péruvien pour être ensuite remis aux forces militaires argentines en Bolivie. Malgré le refus d’extradition, le processus pénal a cependant suivi son cours et un procès qui vise Morales Bermúdez, ainsi qu’une trentaine de membres de juntes militaires sud-américaines, s’est ouvert à Rome en février 2015.

 

Les victimes présumées appelées à témoigner

À Lima, la première audience s’est déroulée le 25 septembre dernier. Les victimes présumées ont été appelées à témoigner contre Morales Bermúdez, mais aussi deux autres accusés, Jorge Tamayo de la Flor, ancien chef des forces aériennes, et Fernando Enrique Velit Sabatini, ministre de l’Intérieur à l’époque. Beaucoup des déportés sont rentrés au Pérou une fois la dictature renversée et ont joué un rôle important dans la vie politique péruvienne. Certains ont créé leur parti politique et sont devenus sénateurs ou députés. L’un d’eux, Ricardo Letts, tentait depuis 37 ans de porter ce cas devant les tribunaux et espère que Francisco Morales Bermúdez sera poursuivi pour crime contre l’humanité afin que le délai de prescription ne puisse être retenu.

Morales Bermúdez était appelé à comparaître il y a deux semaines, mais son avocat a demandé un report d’audience, pour des raisons de santé. Jusqu’à maintenant, l’ancien dictateur a échappé aux poursuites, mais il devra, tôt ou tard, répondre de ses actes, que ce soit au Pérou ou en Italie.

Etudiante en science politique

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