Edito
12H08 - jeudi 26 novembre 2015

La Gambie interdit l’excision, aussi au nom d’une certaine idée de l’Islam – le billet du 26.11.15

 

Le ministre de l’Information gambien a annoncé mardi 24 novembre que le président Yahya Jammeh avait décrété l’interdiction de l’excision en Gambie avec effet immédiat, justifié par le fait que, bien que la pratique soit très répandue, elle n’était nullement dictée par l’islam et devait donc être interdite.

Yahya Jammeh, président gambien -  Crédit : Jagga - Wikimedia Commons

Yahya Jammeh, président gambien – Crédit : Jagga – Wikimedia Commons

 

La Gambie est devenue cette semaine le 21e pays du continent africain à interdire la pratique rituelle de l’excision. Les législations évoluent cependant plus facilement que les mentalités : pour ceux qui accomplissent ou justifient l’opération diminuant le plaisir sexuel de la femme et hautement porteuse d’un risque sanitaire, l’excision serait une garantie de la pureté de la femme et accroîtrait ses chances de faire un mariage avantageux.

L’annonce, faite lundi au soir, lors d’un rassemblement dans la ville natale du président, Kanilai, a été saluée chaleureusement par l’assistance, notamment par les femmes, comme le relate le ministre de l’Information : la Gambie fait partie, selon un rapport de l’Unicef, des dix Etats dans le monde où cette mutilation du sexe féminin est la plus pratiquée, trois quart des Gambiennes l’ayant subi selon les estimations.

Alors que ce même rapport publié en 2013 notait qu’ « en termes de tendances, (…) dans plus de la moitié des 29 pays où les mutilations génitales et l’excision sont concentrées, les filles d’aujourd’hui risquent moins d’être excisées que leur mère », la Gambie faisait partie, au côté du Sénégal, du Soudan, du Tchad ou du Yémen, des pays où aucun progrès n’était observé de ce point de vue-là.

Peut-on pour autant considérer le président Yahya Jammeh, qui est arrivé au pouvoir en 1994 grâce à un coup d’Etat, comme une sorte de bienveillant « despote éclairé » ? Amnesty International y dénonçait récemment une nette détérioration des droits humains : reprise des exécutions dans les cas où la peine de mort est prescrite par la loi depuis juillet, tortures, conditions carcérales désastreuse, disparitions forcées, répression des opposants politiques…

Celui qui se pose ainsi en « protecteur des fillettes » a également fait passer l’année dernière une loi rendant le crime « d’homosexualité aggravée » passible de réclusion à perpétuité.

Enfin, Yahya Jammeh, dans un entretien donné au magazine panafricain New African, basé à Londres, à la question : « Combien de temps peut-on rester au pouvoir ? », répondit ceci : « il n’y a que Dieu qui peut déterminer combien de temps vous pouvez rester au pouvoir. ».

Si le président pouvait s’inspirer de sa décision contre l’excision dans l’ensemble de sa politique générale, nous en serions fort aise…

Directeur de la publication