International
14H15 - jeudi 12 novembre 2015

Derrière le rapprochement apparent avec l’Europe, le cavalier seul de la Russie

 

Dans une acceptation large de la définition géographique de l’Europe, le Vieux continent ne compte pas une, mais deux zones intégrées. L’Union européenne bien sûr, mais également la moins connue l’ «UEEA pour «Union économique eurasiatique», la zone d’intégration régionale entièrement centrée autour de la Russie. Qu’on en juge: outre cette dernière, les autres membres en sont l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et le Kirghizistan. C’est peu de dire que cette structure est entièrement tournée vers la Russie entourée d’Etats satellites.

Outre la confirmation de la domination géopolitique de la Russie sur la région du Caucase, l’UEEA a également une autre fonction diplomatique: amorcer un rapprochement «d’égal à égal» avec l’Union européenne. Avec un but bien précis: les intérêts de la Russie.

 

La façade d’une volonté de coopération

En 2010 déjà, Vladimir Poutine lors d’un sommet à Berlin, annonçait son souhait d’une zone de libre-échange allant «de Lisbonne à Vladivostok». En attendant de prétendre recouvrir toute la zone, Moscou s’appuie sur la respectabilité que lui apporte l’UEEA et sur l’attractivité de la Russie auprès de certains États européens pour revenir dans le jeu.

 

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Vladimir Poutine – Crédits : www.kremlin.ru / CC

 

Le cas de la Grèce, et ses grandes difficultés financières demeure le plus emblématique. Le Premier ministre grec actuel Alexis Tsipras s’était déjà rendu à Moscou en 2014 en tant que chef du parti d’opposition Syriza. Bien qu’il n’ait officiellement fait aucune demande d’aide financière à la Russie, ni lors de sa visite à Moscou en avril dernier en tant que Premier ministre au summum de la crise, ni en juin au Forum économique international de Saint-Pétersbourg (où seul un représentant de l’UE), ni en juillet, après le référendum, lorsqu’il a eu un échange téléphonique avec Vladimir Poutine. Le président russe d’ailleurs vient de déclarer une nouvelle fois le soutien de la Fédération de Russie aux Grecs, souhaitant que le pays «surmonte ses difficultés».

Mais dans le même temps, Andreï Kostine, le PDG de VTB, la deuxième banque nationale, a declaré que la Russie serait prête à acheter des actifs grecs issus des privatisations (ports, aéroports, chemin de fer, entreprises du secteur de l’énergie), mais n’octroierait pas de prêts. Selon lui, «la crise grecque est un problème européen, l’UE doit donc le résoudre». Une position similaire à celle que la Russie avait adoptée lors de la crise à Chypre en 2013.

D’autres pays européens se laissent également «séduire» par les sirènes d’un rapprochement UEEA-UE. Au premier rang d’entre eux, l’Italie. Matteo Renzi en effet a toujours assumé une position assez conciliante vis-à-vis de la Russie et notamment sur la question de la coopération économique. Lors d’une allocution prononcée à Rimini le 25 août dernier, le chef du gouvernement transalpin a notamment pointé du doigt ceux qui, dans l’Union européenne, adoptent des positions hostiles à Moscou: «Penser à bâtir l’Europe contre la Russie, comme veulent faire certains pays récemment entrés (dans l’Union européenne, ndlr), est une erreur tragique». En ligne de mire: les pays de l’UE bordant la Fédération de Russie qui s’inquiètent de l’expansionnisme russe et qui voient dans la volonté de rapprochement économique de Vladimir Poutine un leurre.

Cette déclaration clivante de Matteo Renzi fait suite à une visite de l’Exposition universelle de Milan par le président russe, l’une de ses rares visites en Europe occidentale. Il i n’avait plus été invité nulle part dans une rencontre bilatérale européenne depuis celle du 6 juin 2014 en Normandie (ayant inauguré le concept de «format Normandie»), jusqu’à la rencontre de ce vendredi 2 octobre. Lors de son déplacement italien, Vladimir Poutine a rappelé les difficultés que croisaient les 400 entreprises transalpines présentes en Russie du fait de l’embargo. Pour le président russe le montant des pertes pour ces sociétés avoisinent un milliard d’euros». Une communication diplomatique visant à souligner le manque à gagner potentiel des entreprises d’Europe de l’Ouest d’un refus de la coopération. Sauf que ce ne sont pas elles qui ont le plus à perdre en comparaison des résultats désastreux des entreprises russes.

Ces dernières, au début de l’année 2015, devaient en effet à leurs créanciers 376 milliards de dollars auxquels s’ajoutent les 176 milliards de créances des banques russes à l’étranger, selon les chiffres de la Banque centrale de Russie. Sur la seule année 2014, 152 milliards de dollars de capitaux ont fui la Russie. Une situation que l’embargo et le maintien à un niveau bas des hydrocarbures n’ont pas dû arranger. Et seul le très faible niveau de la dette du pays (12% du PIB seulement au début de l’année) a permis à la Russie de ne pas imploser économiquement en 2015. Et même si les créanciers occidentaux de ces entreprises noyées sous leur passif, à commencer par des banques françaises comme la Société Générale, sont dans une situation délicate, et si l’embargo fait souffrir certains secteurs comme l’agriculture, la Russie n’est pas en position de force et n’a que peu à offrir dans le cadre d’une collaboration UEEA/UE. Si elle a peu à donner, elle a par contre bien plus à prendre.

D’autant que la Russie n’hésite pas à utiliser des armes légales discutables comme moyen de pression quand des entreprises étrangères décident d’y investir. Auchan en a fait l’expérience lorsque l’enseigne s’est vu infliger des sanctions « sanitaires » par les agences nationales russes, à partir de méthodes d’analyse douteuses. Un moyen de pression comme un autre, mais qui fait douter des intentions réellement bienveillantes et constructives de Moscou.

Le seul objectif de Poutine: les intérêts de la Russie


Si la Russie peut s’appuyer dans certains Etats européens soit sur une bienveillance des dirigeants, comme en Italie, soit sur des groupes politiques qui annoncent une volonté de rapprochement, comme en France, c’est parce que la Russie a réussi à distiller l’idée qu’elle peut avoir des intérêts communs avec l’Europe de l’Ouest. Or il n’en est rien. Car derrière l’économie reste les intérêts diplomatiques sur lesquels Moscou donne la priorité, sans chercher le moins du monde à s’aligner sur le positionnement de l’Union européenne. Et son action unilatérale en Syrie montre qu’elle ne craint de mettre l’UE dans l’embarras : la guerre contre contre l’islamisme radical font de la Russie et de l’Europe des alliés naturels, mais le soutien de Moscou au régime de Damas vient jeter le trouble dans cet intérêt commun apparent.

Les forces de Moscou sont pour l’instant intervenues pour frapper, par voie aérienne, des groupes qui ne sont pas identifiés comme les groupes les plus radicaux. Un signe que la présence, plus que l’éradication de Daesh, vise surtout à retarder la chute du régime de Damas.

Pourquoi cette présence russe ? La plupart des analystes s’accordent à dire que Vladimir Poutine tient à conserver un accès sécurisé sur la Méditerranée, via sa base navale russe de Tartous, la première au Proche-Orient depuis la chute de l’Union soviétique, et à contenir tout dérapage incontrôlé de la situation d’un pays étant un allié clé dans la région.

 

Mais une analyse plus fine amène d’autres hypothèses. La première, cohérente avec le jeu trouble de la Russie de la Libye à la Syrie, est la volonté de conserver un contexte de tensions graves dans la région pour espérer faire repartir à la hausse les cours du pétrole. Sur les 376 milliards dollars de dettes des entreprises russes pour 2014, Rosneft – leader du secteur pétrochimique en Russie – à elle seule en représente 48, soit 13% de l’endettement des sociétés russes. Une stratégie qui pourrait être bénéfique pour la Russie… mais catastrophique pour l’Europe de l’Ouest qui doit une bonne partie du timide redémarrage de la croissance à des hydrocarbures bon marché.

Autre hypothèse: le maintien d’une situation délétère en Syrie va continuer à alimenter les flux de migrants embarquant vers l’Europe. Une situation qui crée à la fois la discorde parmi les Etats membres de l’UE, et qui pourrait être une cause d’affaiblissement de l’Europe à plus long terme. Une stratégie qu’a démenti fermement Vladimir Poutine (sans même d’ailleurs qu’elle ait été évoquée…) lors d’un discours au Tadjikistan dans le cadre du sommet de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) regroupant plusieurs ex-républiques soviétiques. « Si la Russie ne soutenait pas la Syrie alors la situation dans ce pays serait encore pire qu’en Libye et le flot de réfugiés serait encore plus important » a déclaré le président russe.

Mais le soutien russe (de même que celui de l’Iran et du Hezbollah) au régime syrien qui a déclenché ce conflit en réprimant les manifestations civiles lors du Printemps arabe a conduit à le prolonger et à radicaliser chacune des parties. Et surtout a empêcher que cette guerre puisse se finir à court terme alors que Bachar el-Assad et son régime étaient au bord du gouffre. Son armée en cinq ans de conflit est passée de 300.000 à 80.000 soldats pas tant du fait des pertes que des désertions. L’Armée syrienne libre, qui était le premier adversaire de Bachar el-Assad, avait une chance de vaincre au début du conflit. Et cette organisation était loin de représenter le danger pour la stabilité dans la région que le Front al-Nosra et que Daesh, dont la Russie porte un part de responsabilité de l’émergence. Le conflit promet donc de durer et de voir se multiplier les horreurs de cette guerre que la journaliste Garance Le Caisne décrit dans son livre sorti en Europe « Opération Cesar »

 

Michel Borsky
                                                                                                                  

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