International
09H40 - vendredi 28 novembre 2014

TRIBUNE : Bertrand Debosque : « Soutenons le Barreau du Burundi »

 

 

Les avocats sont souvent en première ligne dans la défense des libertés. Et ils en paient parfois le prix ! Surtout lorsque l’organisation qui les représente, le Barreau, est prise dans le feu des luttes fratricides pour le pouvoir… 

Plénière 3110-196

Le Conseil National des Barreaux français remet le prix « Avocat, acteur de la démocratie » à Gabriel Sinarinzi, Bâtonnier du barreau du Burundi – 17 novembre 2014

 

En octobre 2013, le barreau du Burundi par l’intermédiaire de son bâtonnier de l’époque, Isidore Rufyikiri, a exprimé ses craintes et son désaccord vis-à-vis d’un projet de révision constitutionnelle alors en cours au Burundi, estimant le projet contraire à l’Etat de Droit. Cette simple intervention a eu de lourdes conséquences : le gouvernement n’a eu cesse de créer les plus grandes difficultés au barreau du Burundi et à son bâtonnier, depuis lors…

En effet, en raison des propos tenus par le Bâtonnier, le ministère de la justice du Burundi a soumis au conseil de l’Ordre des avocats du Burundi une demande de radiation de l’avocat Isidore Rufyikiri en novembre 2013. Le conseil de l’Ordre refusant légitimement de statuer sur cette demande, des suites judiciaires ont été entreprises afin de permettre la radiation du bâtonnier. Ainsi, la Cour d’appel de Bujumbura, saisie par le parquet général sur la demande de radiation, s’est prononcée le 28 janvier 2014 en faveur de la radiation à vie du bâtonnier Isidore Rufyikiri, et ce au mépris de toutes les règles internationales relatives à la liberté d’expression de l’avocat.

La communauté internationale n’est pas restée muette : le Conseil National des Barreaux français (CNB) a apporté son soutien à ses homolgues burundais en adoptant une motion à l’unanimité le 15 novembre 2013 qui enjoignait le Burundi à respecter la liberté du bâtonnier Rufyikiri. Par une seconde motion, votée à l’unanimité le 14 février 2014, le CNB dénonçait la radiation du bâtonnier du Burundi intervenue quelques jours plus tôt.

Parallèlement, l’assemblée générale du CNB approuvait la signature d’une convention de partenariat avec le barreau du Burundi afin de renforcer la coopération entre les deux barreaux. Après la signature de cette convention à Bujumbura où je me rendais, une formation en déontologie comparée, dont les thèmes étaient tout sauf politiques, devait avoir lieu.  L’objectif était d’échanger sur le secret professionnel et la confidentialité des échanges entre avocats… Or, empêchée physiquement par des forces de l’ordre et des militaires armés, celle-ci n’a pas eu lieu au motif que les autorisations requises pour occuper la salle prévue pour la formation n’avaient pas été demandées.

Enfin, le nouveau bâtonnier du Burundi, Gabriel Sinarinzi, a reçu le 13 août dernier, une lettre du ministère de la justice par laquelle ce dernier exigeait le départ de l’Ordre des avocats, des locaux qu’ils occupent dans une aile du ministère. Ayant dû obtempérer, l’Ordre des avocats se retrouve maintenant sans locaux !

Sur place, face aux attaques répétées du gouvernement, la résistance commence à s’organiser. D’autant que depuis l’été, d’autres avocats sont poursuivis pour ce qu’ils ont pu dire ou penser, certains sont en détention.

La communauté internationale est également mobilisée sur le sujet. Le Conseil National des Barreaux n’est d’ailleurs pas le seul à soutenir le courage, l’engagement et la persévérance de ses confrères du Burundi. Il y a aussi le soutien du barreau belge, de la CIB et de bien d’autres barreaux.

Défense des Burundais contre l’arbitraire de l’Etat

Mais la principale résistance vient des Burundais eux-mêmes qui, entre autres choses, ont engagé des recours judiciaires : un pourvoi en cassation a été introduit contre la décision de radiation ; il a été – comme cela était prévisible – rejeté ; en revanche, nos confrères burundais fondent plus d’espoir dans le recours qui a été formé devant la Cour de l’Afrique de l’Est, qui rendra son arrêt dans le courant de l’année 2015.

L’indépendance de l’avocat consacrée par de nombreux textes internationaux est le corollaire indispensable de l’indépendance de la justice qui est fondamentale dans un Etat de droit et une démocratie. Le barreau du Burundi en est la démonstration vivante. Il doit être encouragé et honoré. Et quels que soient les aléas de la politique burundaise : le Burundi votera l’an prochain pour les élections présidentielles et des coalitions se forment entre pouvoir et opposition. Mais l’Etat de droit doit s’imposer à tous, même et surtout aux pouvoirs politiques…

Bravo à nos confrères et vive l’indépendance du barreau du Burundi.

Bertrand Debosque
Ancien bâtonnier

Arrêtons de dénigrer notre chère Tunisie !

En cette ère où les images ont un pouvoir émotionnel puissant et peuvent fausser la réalité, Nous, enfants de la France et de la Tunisie, et amis de cette terre d’Afrique du…