Edito
09H37 - samedi 26 juillet 2014

Une semaine en libertés… La chronique de Michel Taube – 26 juillet 2014

 

Polémique : Israël doit cesser définitivement ses bombardements sur les quartiers civils de Gaza

Lorsqu’un Etat assassine des civils de façon aveugle, la communauté internationale est légitime à protester et à agir pour que cessent ces violences. Opinion Internationale se devait de s’exprimer : dans le respect des droits respectifs et égaux des peuples israélien et palestinien, dans une double posture aussi de neutralité due à la distance et de juste milieu qui devrait être celle de l’Europe, et enfin au nom de principes qui seuls peuvent un jour ramener la paix entre les belligérants. Saluons la tenue à Paris aujourd’hui d’un Sommet international destiné à faire pression sur les belligérants pour un cessez-le feu définitif.

Les bombardements israéliens sur des immeubles habités par des civils à Gaza sont insupportables. N’auraient-ils pu être évités pour détruire les fameux tunnels dont la destruction est l’objectif de guerre affiché par Israël ? Nous nous étonnons du décalage entre la capacité chirurgicale du système de défense israélien à intercepter la plupart des roquettes tirées de Gaza et le caractère massif, aveugle des bombardements israéliens sur les quartiers civils de Gaza. Que l’armée israélienne renouvelle, jour après jour, de nouvelles frappes qui tuent autant d’enfants, de femmes, de citoyens et détruisent des espaces neutres comme des hôpitaux ou des bureaux onusiens, c’est inadmissible. Certes, le Hamas installe ses rampes de lancement dans des abris souterrains creusés au beau milieu de la population palestinienne – et se sert de celle-ci comme d’un « bouclier humain ». Jeudi dernier, l’agence de l’ONU pour les réfugiés, l’UNRWA, a découvert une vingtaine de roquettes cachées dans une de ses écoles à Gaza… Mais tout de même, ces morts innocents n’auraient-ils pu être évités par une armée aussi sophistiquée que Tsahal ?

Pire encore, le sentiment domine que les dirigeants israéliens font tout pour affaiblir les modérés palestiniens et légitimer leur pire ennemi, le Hamas, en lui donnant une aura de victime et de martyr auprès des Palestiniens et de la communauté internationale. Mais Israël joue avec le feu comme les Etats-Unis ont joué avec les talibans dans les années 80 en Afghanistan et avec Al Qaïda et Oussama ben Laden en Arabie saoudite dans les années 90. On sait où cela nous a mené.

Bien sûr, Israël est légitime à agir pour en finir avec les tirs de roquettes du Hamas à partir de Gaza qui troublent la sérénité et menacent la vie des Israéliens. Bien sûr le Hamas est une organisation terroriste bien que légitime aux yeux des Gazaouis. Rappelons que le Hamas tire ses projectiles sur Israël de manière totalement indiscriminée, cherchant à frapper au cœur de zones urbanisées pour faire le plus de morts possibles, notamment dans la population civile.  

Mais c’est Israël qui a créé, et depuis de longues années, la poudrière gazaouie et favorisé le Hamas. C’est Israël qui, du fait de sa position de force, aurait dû changer le cours des choses : la puissance dominante dans la région aurait pu seule s’imposer des concessions (en retirant des colonies de peuplement dans les zones à dominante de population palestinienne) contre une véritable paix avec son voisin de Cisjordanie. Ce choix historique aurait isolé définitivement le Hamas, fragilisé ce dernier auprès de la population gazaouie, et permis à Israël d’avoir comme seul interlocuteur légitime et crédible, le Fatah, la branche modérée des forces politiques palestiniennes.

Le chaos d’aujourd’hui est d’autant plus regrettable que des négociations pour un accord global de paix entre Israël et la Palestine ont eu lieu jusqu’à ces derniers mois. En vain, certes. Il est déjà loin ce dimanche de juin où le pape François reçut Shimon Peres et Mahmoud Abbas pour prier pour la paix.

Revenons à Gaza : la dissémination des roquettes et de toutes formes d’armes légères à moyenne portée est un phénomène nouveau et durable. On ne voit pas comment Israël les détruirait toutes sauf à envahir la bande de Gaza. Cette donnée militaire annonce à long  terme, nous le craignons, des années d’inquiétudes et d’angoisses pour les citoyens israéliens. Et à court terme, l’objectif de guerre d’Israël ne pourra être atteint sans de lourdes conséquences humaines pour les deux parties.

Offrons au Premier Ministre israélien Le contrat social de Rousseau qui explique pourquoi « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le même »… Nous ne voudrions pas qu’Israël l’apprenne à ses dépens par l’aveuglement de son sentiment de puissance.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire : Monsieur Netanyahou, changez de cap et faites le pari qu’avaient osé en leur temps Menahem Begin avec l’Egypte puis Yitzhak Rabin avec Yasser Arafat : celui de la paix des braves… 

 


Sondages : tensions communautaires et neutralité française

D’après une enquête de l’Ifop réalisée les 21 et 22 juillet et parue dans Le Figaro, les Français se disent en majorité neutres par rapport au conflit israélo-palestinien. Ils soutiennent l’interdiction de manifestations qui présenteraient des risques de troubles à l’ordre public, comme la Marche prévue ce samedi par le NPA de République à Nation. Ils sont enfin une majorité à imputer les violences de Sarcelles et Paris commises la semaine dernière aux tensions croissantes entre communautés plus qu’à l’activisme d’extrémistes. Si l’on prend ce sondage pour l’opinion des Français… nous ne pouvons que souscrire à cette position médiane des Français et les rejoindre dans l’inquiétude face à ces tensions croissantes. Elles sont une donnée nouvelle de la société française à combattre comme une priorité nationale. Seuls une stricte neutralité, le dialogue et la pédagogie pourront atténuer ces tensions…

 


Mot : excision

Nous ne sommes pas en Afrique noire où la pratique ancestrale de l’excision est en recul, grâce principalement à l’action des organisations de femmes.

Nous sommes à Mossoul en Irak. Cette ville a été prise d’assaut par les Djihadistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant qui veulent y édifier un califat entre Irak, Syrie, Turquie et Iran. L’horreur s’y installe… Une fatwa vient d’y ordonner l’excision de toutes les filles et de toutes les femmes entre 11 et 46 ans, soit potentiellement 4 millions de personnes. 

L’enlèvement de 200 lycéennes au Nigéria par la secte islamiste Boko Haram avait suscité l’opprobre internationale et la campagne « Bring back our girls ».

Nous lançons : « don’t touch their girls », « don’t touch them » pour toutes les femmes de Mossoul ! Elles sont une raison de plus pour que la communauté internationale se mobilise pour stopper ce régime d’outre-tombe. 

 


Posthume : la disparition tragique de Mahmoud Azab

IMG_3940Nous gardons précieusement de lui un exemplaire du Coran qu’il nous avait offert, les éditions d’Al-Azhar ayant une valeur particulière en Islam. Nous l’avions rencontré en février dernier lors de notre enquête au Caire sur les remous politiques qui ont secoué l’Egypte depuis la chute des présidents Moubarak et Mohamed Morsi. Comment un homme de paix et de dialogue pouvait-il justifier l’écrasement des Frères musulmans et le retour au pouvoir de l’armée avec l’élection annoncée de Abdel Fattah al-Sissi ? La réponse de Mahmoud Azab fut sans appel : la guerre fratricide de l’Islam du juste milieu contre l’islamisme.

Il représentait cet Islam du juste milieu, celui de l’université Al-Azhar, phare universitaire du monde musulman mais aussi cible privilégiée des attaques de la Confrérie des Frères musulmans.

Mahmoud Azab était le conseiller pour le dialogue inter-religieux du grand Imam et Recteur de l’université du Caire. Il est mort subitement le 29 juin dernier. Il avait vécu en France, étudié à la Sorbonne (comme le Recteur d’Al-Azhar), enseigné à l’IInalco comme grand spécialiste des langues sémitiques. Rares ont été les autorités en Europe à lui rendre hommage sinon le porte-parole du quai d’Orsay dans un communiqué le 1er juillet.

Nous étions revenu du Caire avec deux sentiments étranges : tout d’abord avec l’impression amère que des Mahmoud Azab devraient être des stars du monde arabe et des vedettes dans un pays comme la France qui compte 6 millions de musulmans… Ensuite avec la quasi certitude que ce qui se jouait au Caire se jouait tout autant en France : la faiblesse du dialogue inter-religieux et inter-culturel est une plaie et le terreau principal, avec la misère sociale, de la guerre des nations… Pour une raison simple que l’entretien avec Mahmoud Azab avait mise en lumière : il nous faut faire triompher coûte que coûte, dans chaque spiritualité, les forces modérées, les voix du juste milieu car elles sont les seules à accepter le dialogue et nous sommes plus que jamais dans un monde d’interactions, de diversité et de mélanges. Coûte que coûte et partout : dans les pays à dominante musulmane, mais aussi dans les pays laïcs, en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis, au Moyen-Orient et ailleurs…

Saluons sa mémoire et promettons-nous de nous en inspirer pour avancer…