Europes
13H16 - jeudi 22 mai 2014

Slovénie : les problèmes internes prennent le pas sur les enjeux européens

 

La Slovénie souffre d’une classe politique « affairiste » et corrompue et tarde à sortir de la crise. Pourtant, et alors que les Slovènes craignent une intervention de la troïka européenne (BCE, FMI et Union européenne), les partis d’extrême-droite restent invisibles. 

La chef du gouvernement, Alenka Bratušek, qui vient de démissionner après avoir été à peine un an au pouvoir

La chef du gouvernement, Alenka Bratušek, qui vient de démissionner après avoir été à peine un an au pouvoir

Plus que les élections européennes qui ne passionnent guère les foules slovènes, c’est la crainte, pendant de longs mois d’hiver, de l’intervention de la troïka européenne qui a mobilisé l’attention des Slovènes.

Pour les Slovènes, la troïka, c’est le scénario noir de la Grèce, de l’Espagne ou de Chypre, le diktat de la communauté internationale ! La perte de la souveraineté, la précarité et la pauvreté ! Tout le monde avait peur de ce « mal », sauf la droite (le Parti démocratique slovène, situé au centre-droit) qui, dans l’opposition et à sa manière perfide, s’y attendait et s’en réjouissait ; du moins, c’était l’impression que l’on avait.

Quand la chef du gouvernement, Alenka Bratušek – issue du parti de centre-gauche Slovénie positive et qui vient de démissionner après à peine un an au pouvoir – nous dit que l’on a gagné la bataille, la droite, plongée dans des affaires de corruption liées au chef du Parti démocratique slovène Janez Janša (récemment condamné à deux ans de prison ferme pour corruption dans l’affaire Patria), se gausse : quelle victoire !

Le peuple aussi demeure dubitatif face au propos de la Première ministre sortante, car le chômage augmente (plus de 14 %), surtout chez les jeunes, la jeunesse prometteuse part massivement pour l’étranger, le pouvoir d’achat baisse et les plusieurs remaniements du gouvernement en un an n’ont rien apporté. Un exemple : notre dernière ministre de la Santé a démissionné après un mois d’activité. La Slovénie ne compte que deux millions d’habitants qui se connaissent presque tous : les intérêts, publics et familiaux, se croisent donc très vite et souvent.

Les européennes intéressent peu les Slovènes

Les hommes et les femmes politiques, et par conséquent les médias, s’abîment dans un vocabulaire désespérant, ne parlant que de la crise (le salaire moyen brut ne s’élève qu’à 1530 euros, soit 1005 euros net), de la dette publique (qui a atteint 14.000 euros par habitants et ne cesse de croître), de la corruption (la Commission de lutte contre la corruption est submergée de travail), des problèmes du secteur bancaire, de la perte de compétitivité économique, du manque d’innovation et, ce qui est plutôt gênant, du combat entre un secteur privé très dégradé et un secteur public jusqu’à maintenant assez protégé, voire du combat idéologique dont les racines très profondes remontent à l’opposition entre « rouges » (communistes) et « blancs » (nationalistes) du temps de la Deuxième guerre mondiale …

A cela s’ajoute que le maire de Ljubljana Zoran Janković, visé par une enquête pour faits avérés de corruption, a provoqué la démission de la Première ministre Alenka Bratušek après avoir repris les commandes du parti Slovénie positive. Depuis lors, la crise politique s’aggrave et des élections anticipées se dérouleront dès le mois de juin … Mais en ce qui concerne les élections européennes, la politique slovène reste polarisée entre la gauche et la droite et demeure toujours à l’abri des extrêmes ; aucun bouleversement à craindre sur notre scène politique de la part de politiciens comme Geert Wilders ou Marine Le Pen ; ils n’existent pas, on ne les voit et on ne les entend pas. Ce qui est nouveau, c’est le tirage au sort qui pourrait mener sept citoyens slovènes à  » un job de rêve  » au parlement européen.

Bien que les élections européennes approchent, les sondages montrent que les Slovènes ne s’en préoccupent pas vraiment. Les médias eux-mêmes n’y s’intéressent pas assez, car la Slovénie a évidemment beaucoup de « problèmes internes ». Avec la démission du gouvernement, les élections européennes ne feront certainement pas souvent la une. En outre, on aime penser que Bruxelles, ce n’est pas la Slovénie. En 2009, il n’y avait pas de quoi être fier de la participation électorale, qui n’avait pas dépassé les 28 %, et elle était encore plus faible parmi les jeunes. Huit députés européens ont été élus qui, hélas, manquent de charisme et de visibilité européenne (enfin, pas toujours, comme dans le cas de notre ancien député Zoran Thaler que la justice slovène vient de condamner à deux ans et demi de prison et 32.250 euros d’amende après qu’il ait reconnu avoir accepté d’influencer des lois européennes contre rémunération).

En cette époque « trop affairiste », on se plaint beaucoup en Slovénie. Et quand on se plaint du présent (les sondages montrent que ce sont surtout les générations au pouvoir et les plus âgés qui se lamentent le plus), ce sont surtout les jeunes qui ont peur de manquer l’avenir. Tandis que des pays comme l’Espagne ou le Portugal sont en train de sortir de la crise, la Slovénie est de nouveau très en retard. D’une certaine façon, eu égard à l’histoire de la société slovène et à la faible capacité de notre pays à se faire connaître, comprendre et respecter par l’Europe et le monde entier, être en retard semble être notre modus vivendi.

A lire sur les élections européennes

Journaliste slovène au quotidien slovène Delo (service international)

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