International
10H05 - mardi 13 mai 2014

Ukraine et Russie : l’Union Européenne face à ses contradictions

 

Tribune. Alors que le 8 mai s’achevaient en France les célébrations de la victoire de 1945, non seulement l’opinion internationale avait les yeux tournés vers les mouvements qui, à Moscou, commémoraient la victoire sur les nazis le 9 mai, mais l’implication de la Russie en Ukraine continuait d’inquiéter l’Union Européenne. En parallèle, le même jour, nous célébrions la journée de l’Europe et de ses valeurs fondatrices, preuve que les calendriers et les rebondissements de l’actualité peuvent donner une tournure aux évènements dont on ne sait si elle est cocasse ou dramatique.

Ce même 9 mai, Vladimir Poutine profitant de cette journée de commémoration, allait en Crimée, ce qui pour Kiev fut une provocation quand les séparatistes crient haut et fort que ce gouvernement, qu’ils refusent, est dirigé par des fascistes, et que de nouveaux troubles avaient agité Marioupol causant une vingtaine de morts.

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© Allpix Press

Quel jeu joue exactement le Kremlin ?

Parallèlement, le Kremlin, qui éditait un rapport sur les atteintes aux droits de l’homme lors de la crise ukrainienne, appelait les séparatistes du sud-est à renvoyer à une date ultérieure le référendum portant sur l’indépendance des régions du sud-est. Si cette seconde déclaration, ainsi que l’annonce du retrait des troupes russes des frontières ukrainiennes, paraissent des gages de paix, n’oublions pas que la proposition de renvoi était assortie d’une demande auprès de Kiev de cesser la politique « anti-terroriste » à l’encontre des séparatistes. De son côté, l’OTAN remarque un manque de réactivité dans le repli des troupes russes.

Concrètement, le déplacement de troupes représente pour la fédération Russe un effort logistique et financier important, et ce coût non négligeable est le meilleur argument contre les défenseurs de la théorie alarmiste voyant les chars russes envahir Kiev.

Par contre, entretenir des troubles qui affermissent les séparatistes dans leurs désidératas et enveniment la situation et les relations avec un gouvernement aussi véhément que les séparatistes, est aussi efficace et moins coûteux. De plus, cela permet de se positionner officiellement en défenseur de la paix en prêchant pour un apaisement via un report du référendum dont ils savaient en faisant cette proposition qu’elle ne serait pas suivie, et dont le résultat promettait d’être favorable à la Russie. Prédiction qui s’est avérée exacte : 89% de réponses étant favorables à l’indépendance dans la région de Donestk.

Politiquement, la tenue des élections présidentielles, surtout si elles s’avèrent être un fiasco, est souhaitable pour Moscou qui aurait alors beau jeu de respecter la volonté des séparatistes en les ralliant à la fédération de Russie. Et ce d’autant plus facilement que l’Ukraine se montrerait ingouvernable, de facto une terre dangereuse pour la population russophone qui n’aurait alors comme seul rempart que la Russie.

Un autre schéma serait que les élections soient remportées par le Parti des Régions (dont est issu l’ancien président, et qui fait un retour en profitant de l’indignation due aux troubles des derniers jours) ou qu’il fasse un gros score. Ce parti, peut-être enterré un peu vite, serait un interlocuteur envisageable, voire de choix pour Moscou, ainsi qu’un revers cinglant pour les partisans du « regime change » parmi lesquels l’Union Européenne.

Des sanctions complexes à mettre en oeuvre à l’encontre de la Russie  

Pendant ces journées européennes, observons que la mise en place de sanctions de l’Europe à l’encontre de la Russie est délicate tant les intérêts économiques sont prégnants pour plusieurs Etats-nations d’Europe. A titre d’exemple, de nombreuses entreprises dépendent de leurs échanges avec la Russie et la vente des porte-hélicoptères Mistral signée entre la France et la Russie, qui déplaît aux Etats-Unis dans la logique des sanctions, peut difficilement être annulée. Comme la contractualisation a eu lieu avant l’expansion de la crise, les conséquences économiques d’une annulation pour la France seraient très lourdes, de par non-paiement du solde et du fait des pénalités encourues. De plus, le secteur de l’armement est un des fleurons de l’économie française : cette annulation contribuerait à une mauvaise presse voire au discrédit de ce secteur. Aussi le report de la vente à l’automne, et non l’annulation, a été annoncé par notre gouvernement qui tente ainsi de gagner du temps pour éviter une situation critique. Si annulation il y a, une des seules solutions viables afin de compenser la perte de cette transaction serait d’avoir un acheteur de substitution. Mais qui serait en mesure de procéder à un tel achat ? L’OTAN ou l’ONU pour qui l’utilisation de tels bâtiments resterait ponctuelle alors que leur coût d’entretien sera constant ? L’annonce du maintien de la vente franco-russe a été faite depuis. Doit-on y voir un marqueur quant à notre incapacité à maintenir nos vœux de sanctions ? Que penser alors de la tournée dans la zone d’influence caucasienne de la Russie tout juste entamée par  le Président Hollande ?

Les élections européennes s’annoncent délicates 

En cette Journée de l’Europe, il est certain qu’à la veille des élections délicates la concernant, et qui, hasard de calendrier, se dérouleront en même temps que les  présidentielles ukrainiennes, la crise de Kiev est un sujet sensible et aux multiples rebondissements.

Si beaucoup de candidats aux européennes insistent sur le rôle pacificateur et diplomatique de l’Union Européenne, on ne peut néanmoins faire l’impasse sur le rôle qu’elle a joué à l’origine des tensions en n’anticipant pas les réactions des uns et des autres à la lecture d’un accord qui ne pouvait qu’exacerber certaines susceptibilités. En effet, ce document montrait plus d’intérêt pour l’élargissement d’univers économiques européens que pour le bien-être des Ukrainiens qui, pour une large part, cernaient mal la teneur du texte.

En tout état de cause, alors que nous avons à peine fini de fêter la fin de la guerre de 1945, un Etat se meurt et les bruits de bottes grondent tout autant que les conflits politiques. Si les seconds sont moins sanglants que les premiers, ils sont tout autant porteurs de troubles et d’insécurité anxiogène et pourraient bien aggraver les premiers. L’Europe est effectivement un vecteur de valeurs démocratiques et de diplomatie, mais encore faut-il pour cela une Union Européenne qui croit en elle-même et en ses propres valeurs, une Europe qui soit unie dans ses décisions, sa vision diplomatique et géopolitique.

Cela s’avérera bien difficile si elle est agitée par des forces centrifuges multiples et préfère se replier sur soi, voire faire des choix qui l’orientent vers le nationalisme par la voix des nouveaux représentants d’Etats membres au Parlement européen.

Or, seul le résultat des élections à venir nous permettra de voir si nous serons en mesure d’avoir un rôle positif ou si nous ne pourrons être que des spectateurs horrifiés et impliqués des prochains événements.

Chercheuse et membre de l'Institut Prospective et Stratégie en Europe (IPSE)

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