International
10H14 - lundi 2 décembre 2013

« J’émets de grandes réserves sur l’efficacité de la loi qu’on nous propose contre la prostitution »

 

Entretien avec le leader de la majorité sénatoriale au Sénat, le Sénateur – Maire de Dijon, François Rebsamen.

François Rebsamen, sénateur-maire de Dijon.

François Rebsamen, sénateur-maire de Dijon.

 

La proposition de loi actuellement débattue sur la prostitution n’est-elle pas trop idéaliste, alors qu’il eut peut-être été préférable de se contenter d’un volet de protection des prostitué(e)s ?

 

Il est vrai que cette proposition adopte une approche très théorique, pleine de bonnes intentions, et légèrement moralisatrice. A titre personnel, ce qui me choque le plus, ce sont tous les réseaux mafieux que génère la prostitution, et c’est donc à ce problème qu’il aurait fallu, à mon sens, s’attaquer en premier. Cette proposition de loi ne facilite point le démantèlement de ces réseaux, et pourrait même se retourner contre les prostitué(e)s elles-mêmes. Après la fermeture des maisons closes qui les a forcé(e)s à descendre dans la rue, après avoir, avec la loi Sarkozy, lutté contre le racolage passif – ce qui était une lutte dissimulée contre les sans-papiers – nous voilà face à une proposition de loi pleine de principes généreux et généraux, mais sur laquelle j’émets de grandes réserves quant à son efficacité. La pénalisation annoncée des clients – sera-ce une contravention ? un délit ? – ne me semble pas apporter une protection suffisante ni meilleure aux prostitué(e)s. Qui plus est, ce texte piège un peu tout le monde en se contentant de condamner moralement la prostitution. Evidemment que tout le monde est contre la prostitution ! Et après, que fait-on ?

 

Vous êtes un des spécialistes des questions de sécurité au parti socialiste. En quoi la politique de sécurité menée par Manuel Valls se différencie-t-elle d’une politique de sécurité de droite ? Par exemple sur le dossier des Roms.

 

Depuis plusieurs mois, je m’abstiens de tout commentaire sur la politique de sécurité du gouvernement mais des choses importantes ont été faites depuis 18 mois qui nous différencient de la droite, par exemple en ce qui concerne les étudiants étrangers, les facilités de naturalisation…

 

Rouvrir un débat public sur le droit de vote des étrangers

 

Concernant le droit de vote des étrangers aux élections locales, n’est-on pas en train de nous préparer un enterrement de première classe et définitif de cet engagement du candidat Hollande ? Le président de la République a annoncé en mai dernier vouloir attendre l’après-municipales pour saisir le parlement, puis l’Elysée a fait savoir la semaine dernière que le débat serait reporté à l’après-sénatoriales, ce qui repousse de facto un éventuel débat à 2015. Or, on sait que la gauche n’a déjà pas aujourd’hui la majorité des trois-cinquièmes nécessaire au Parlement et on peut craindre à un rapport encore plus défavorable fin 2014… Bref, y croyez-vous encore ?

 

Non seulement j’y crois, et de plus je me battrai pour. Nous nous sommes battus fin 2012 au Sénat dans un contexte assez violent d’opposition classique droite-gauche pour faire adopter une proposition de loi. Aucun élu de droite, même de centre droit, ne nous a soutenu alors que certains sont, j’en suis sûr, pour le droit de vote. Je pense, comme le président de la République, que le sort de cette loi dépend d’abord de nous, les parlementaires. Si une campagne de conviction n’est pas menée pour vaincre les réticences de la population, nous ne pourrons pas faire pencher la majorité au Parlement. Et cette responsabilité revient aux partis politiques, et pas seulement au PS. Mélenchon, au lieu de nous cracher dessus tous les jours, ferait mieux de nous aider à expliquer à l’opinion l’importance de ce droit de vote.

Sans discours explicatif, l’opinion publique reculera sur la question. Et comme sur les grands débats de société comme l’abolition de la peine de mort en son temps, il nous faudra chercher des femmes et des hommes de bonne volonté, à gauche comme à droite, pour s’engager dans ce combat, ce qui suppose une campagne d’opinion qui n’est pas menée aujourd’hui.

 

 

Vous êtes Maire de Dijon. Concernant les élections municipales et européennes à venir, pensez-vous que le Front national est devenu le premier parti de France, comme certains sondages de mauvaise augure nous l’annoncent ?

 

Je ne le crois pas. Si on analyse le vote Front National, on repère qu’effectivement, il y a une libération de la parole raciste et xénophobe, mais pour autant, nombre de chercheurs, que j’avais réunis il y a quelque temps pour une colloque sur la droitisation de la société, considèrent que la France est moins raciste et xénophobe qu’elle ne l’était il y a trente ans. Seulement, cela prend des formes différentes, selon les périodes économiques.

Là où dans les villes ont progressé le vivre ensemble, le lien social, la mixité sociale, le Front National recule. Et là où un discours démagogique et populiste domine, le FN progresse.

Il y aura des différences très fortes géographiquement et sociologiquement, tout d’abord entre les villes et les campagnes. Au-delà de 25km des grandes agglomérations, le vote FN explose. Dans ces territoires, les forces républicaines ont reculé à cause de facilités de langage.

Mais dans les villes, on a vu plusieurs fois le FN reculer. Je ne vois donc pas le FN devenir le premier parti de France. Pour ce qui est des Européennes, je ne crois pas aux sondages donnant le FN à 22 ou 24%, mais plutôt à des triangulaires, dont fera partie le FN.

Pour les municipales, l’essentiel sera pour nous de mener un combat d’explication, et de montrer le bien-fondé de la mixité, du vivre ensemble comme meilleur paravent contre les tentations populistes.

 

Croyez-vous encore en la France des droits de l’homme ?

 

J’y crois bien sûr. Le problème est aujourd’hui mondial, et non français. Est-ce que la valeur universelle que porte la civilisation occidentale des droits de l’homme est une valeur partagée par l’ensemble du monde et des religions aujourd’hui ? Doit-on conserver notre combat pour cette valeur universelle ? Je le crois. Mais l’affrontement est aujourd’hui avec une frange radicale de l’Islam qui ne porte pas cette valeur universelle. Nous devons soutenir les voies modérées de l’Islam qui sont selon moi majoritaires mais insuffisamment audibles. Mais il faut pouvoir porter cette valeur avec intelligence et avec les mots de toutes les communautés qui y aspirent dans le monde.

 

Comprenez-vous que la conception française de la laïcité ne soit pas comprise partout dans le monde, et notamment dans le monde musulman ?

 

La laïcité est à la fois une position universelle et une spécificité de notre histoire. C’est pourquoi le modèle de laïcité appliqué chez nous n’est pas le seul modèle de laïcité possible. Il faut donc préciser quelle est cette laïcité transposable dans d’autres pays.

 

Propos recueillis par

Directeur de la publication

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