International
09H01 - jeudi 23 mai 2013

La difficile bataille de la baisse des tarifs d’envois de fonds

 

L’Union Africaine veut faire baisser les tarifs d’envois de fonds, estimant que l’argent ainsi économisé servira aux développements locaux. Mais de nombreux obstacles gênent cette entreprise aujourd’hui vaine, notamment la présence historique de deux Sociétés de Transfert d’Argent.

western+union

L’Union Africaine, la Banque Mondiale et la Banque Africaine de Développement font, depuis plusieurs années, un constat qui les amène à devoir repenser le système des envois de fonds : 30 millions d’Africains vivent en ce moment hors du continent et 40 milliards de dollars sont envoyés annuellement en Afrique, à 120 millions de bénéficiaires (dont 25,5 milliards de dollars pour la seule Afrique subsaharienne en 2010, avec, en tête, le Nigéria, qui fait entrer 10 milliards de dollars annuellement). Un chiffre vertigineux, qui représente 2.6 % du PIB africain, mais qui pourrait être bien supérieur si les envois de fonds n’étaient pas confrontés à deux obstacles majeurs : l’existence de services informels (les fonds sont souvent rapatriés par des amis, la famille, la communauté) et le montant des taxes, souvent élevées, pratiquées par les Sociétés de Transfert d’Argent (STA). Ces taxes, alors que la moyenne mondiale avoisine les 9 %, selon les données de la Banque Mondiale, dépassent largement les 12 % des sommes déposées (12,21 % en moyenne pour le premier semestre 2013) pour les envois en Afrique sub-saharienne, et peuvent parfois atteindre 20 %.

La Banque Mondiale estime qu’une « réduction des frais d’envois de l’ordre de cinq points de pourcentage par rapport au montant total devrait se traduire par un gain de 16 milliards de dollars supplémentaires par an pour les destinataires dans les pays en voie de développement. » Un gain estimable car, comme le souligne le Recueil de statistiques 2011 sur les migrations et les envois de fonds, réalisé par la Banque Mondiale, « ces flux ont démontré plus de résilience que les flux de dette privée et d’investissements en portefeuille ainsi que ceux des investissements directs étrangers », notamment parce que ces envois sont réguliers et continus. De plus, ces envois de fonds sont la principale source de capitaux extérieurs, juste derrière les investissements directs étrangers, dépassant l’aide au développement. Il est donc tout à fait légitime, venant de la Banque Mondiale, de vouloir baisser les taxations des établissements pour profiter de cette manne, au travers des bénéficiaires africains.

Pour tenter de lisser ces taux et de les aligner sur les chiffres mondiaux, le Projet Institut Africain pour les envois de fonds des migrants (AIR) a créé Send Money Africa, qui « fournit des données sur le coût de l’envoi et de la réception de montants relativement faibles (équivalant à 200 ou 500 dollars américains) en provenance de 15 grands pays expéditeurs dans le monde et en Afrique et à destination de 27 pays africains. » Premier objectif de ce service : « lutter contre les services informels », pour pouvoir maîtriser les chiffres des envois de fonds. Même si, concède l’OCDE, peu d’informations sur le blanchiment d’argent en Afrique sont disponibles, les autorités locales aimeraient que les fonds envoyés en Afrique le soient majoritairement par les services « officiels ».

Faire naître enfin la concurrence

D’après Richard Cambridge, chef du Programme Diaspora africaine à la Banque mondiale, « Send Money Africa stimulera la concurrence entre les prestataires de services et entraînera une réduction des coûts. Les expéditeurs et destinataires d’envois de fonds pourront ainsi bénéficier de services de transfert transparents, efficients et moins coûteux. » Car la difficulté actuelle de l’évolution des prix sur le marché des envois de fonds tient en seulement deux noms : Western Union et MoneyGram. Ces deux STA historiques détiennent conjointement 65 % du marché africain (40 % pour Western Union et 25 % pour MoneyGram), voire, dans certains corridors, 100 %, selon les chiffres du Fonds international de développement agricole (Fida). « Western Union a un gros avantage sur son produit, explique Moncef Kaouach, administrateur délégué de la Compagnie financière de la Méditerranée. En plus de la sécurité, cette société propose une immédiateté dans la mise à disponibilité des fonds, là où les autres organismes imposent un délai de 48 heures. » En effet, un établissement classique passera par des étapes de cleaning, imposant des délais de courrier, là où Western Union peut parer à toute urgence, grâce à un système de compensation. Alors, que peut changer Send Money Africa ? _67056827_money1Pour les utilisateurs réguliers et aguerris, il peut être un outil utile de comparaison. Mais tant que l’envoi via les établissements bancaires restera compliqué et coûteux, le quasi-monopole de Western Union et de MoneyGram subsistera en Afrique. Car l’arrivée de concurrents y est rendue difficile par la suprématie des banques – malgré la sous-bancarisation du continent africain – et par la loi PARMEC (Projet d’Appui à la Réglementation des Mutuelles d’Epargne et de Crédit) sur les institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit dans les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine, chargée de « restreindre l’offre des services de transferts internationaux aux banques agréées et aux administrations des postes. »

Développer d’autres circuits

Pour contourner ces freins au développement, de nouvelles sociétés de transferts de fonds, de nouveaux systèmes, hors du circuit de STA, commencent à voir le jour en Afrique. Le fort taux de pénétration du téléphone mobile en Afrique laisse entrevoir de nouvelles perspectives, en matière de transferts nationaux. Mais le problème majeur, concernant les envois internationaux (aussi bien pour les corridors sud-sud que nord-sud), réside dans l’implantation de banques et de sociétés de transfert de fonds. Car la sous-bancarisation en Afrique pose un véritable problème de développement, là où Western Union et MoneyGram ont réussi à créer des partenariats avec des établissements locaux, comme les buralistes (2.500 buralistes dans le monde pour MoneyGram en 2010, par exemple). L’avance de ces deux STA est donc considérable et leur permet de fixer leurs propres tarifs de taxation. Si Send Money Africa peut donc s’avérer être un outil utile pour le consommateur régulier, il risque bien d’être un simple coup d’épée dans l’océan du marché des envois de fonds, tant, d’après la Banque Mondiale de Développement, le travailleur émigré donne toute son importance à la rapidité et la fiabilité de la transaction, plutôt qu’au prix de cette dernière. De nombreux Africains préfèrent d’ailleurs transférer leur argent de main à main.

L’espoir de voir un jour les prix des envois de fonds baisser réside peut-être dans l’organisme à l’origine de la création de Send Money Africa : l’AIR, un projet doté d’une enveloppe de 1,7 million d’euros, initiative de la Banque mondiale, de la Commission européenne, de la Banque Africaine de Développement (BAD) et de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Inauguré en juin 2010, l’AIR « a pour but de renforcer les capacités de tous les acteurs (gouvernements africains, banques, expéditeurs et destinataires des transferts) pour les envois de fonds », dans un objectif qui est, finalement, la source de ce débat sur la baisse des tarifs d’envois de fonds : « mettre en œuvre des stratégies concrètes et des instruments opérationnels qui transforment les envois de fonds des migrants en outils de développement pour réduire la pauvreté. » Concentrant son action sur le développement de plateformes technologiques relatives aux systèmes de règlement des envois de fonds des migrants et sur la création de partenariats banques centrales africaines-prestataires de services d’envoi de fonds-agences non-bancaires, l’AIR espérait faire baisser les taux en 2012, puis 2013. Effectivement, ces taux baissent annuellement à coups de dixièmes de pourcents, à l’exceptions d’opérations spéciales de promotion lancées chaque année par les STA.

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