Talents citoyens
10H31 - mardi 18 décembre 2012

Notre invité de fin d’année : Maxime Bonin, porte-parole de SOS Amitié, acteur de la presse et grand amoureux de l’Afrique

 

OI – Opinion Internationale vous fait découvrir un homme pluriel, invité de la Rédaction en cette fin 2012. Bénévole et porte-parole de SOS Amitié, amoureux des cultures africaines, acteur stratégique de la presse, il évoque de grands thèmes comme la solitude, la culture, la presse. Et suggère des lectures cadeaux pour les fêtes. Entretien polyphonique comme on aime à OI.


 

OI – Commençons par votre engagement pour l’Afrique. Vous avez lancé il y a 2 ans un site Internet pour faire découvrir les cultures africaines :www.africavivre.com .

Pourquoi Africavivre ?

 

 

Maxime Bonin : Africavivre est né d’un constat. J’ai effectué plusieurs voyages en Afrique. J’ai toujours passé des moments inoubliables. J’ai créé un attachement avec ce continent.

Quand on est de retour à Paris, après quelques heures de vols, on est soudainement coupé du continent africain. Comment revivre l’Afrique à distance, depuis la France ou l’Europe ? C’est évidemment à travers sa culture. De ce constat là est né Africavivre : donner à vivre l’Afrique, en France, à travers la musique, la littérature, le cinéma et les autres spectacles vivants.

Il y a eu aussi cette envie de médiatiser un peu plus et éventuellement donner la chance à certains artistes de se faire connaître.

Enfin, et surtout, je pense que c’est par la culture que l’on peut mieux appréhender le continent noir, casser certains préjugés.

 

Il n’y a pas une culture africaine, il y a des cultures africaines

 

J’ajoute qu’il y a des cultures africaines, selon les pays déjà. Nous nous sommes d’ailleurs limités à l’Afrique subsaharienne. On ne traite pas du Maghreb, qui à mon avis est une culture à part.

 

Les cultures africaines sont-elles engagées ? Que pensez-vous par exemple de la nomination de Youssou N’Dour, artiste sénégalais, comme ministre de la culture et du tourisme au Sénégal ?

 

Sans remonter à la période des indépendances où la revue « Présence africaine » a joué un rôle clé de mobilisation des intellectuels africains, je salue le choix de Youssou N’Dour qui est un artiste engagé. Il l’a démontré déjà dans ses chansons. Il a su aller jusqu’au bout de sa démarche. Ceci dit, il faudra le juger sur ses actes, ce qui sera le plus dur. La politique est une prise de risque.

 

Quels cadeaux de Noël offririez-vous pour mieux faire connaître les cultures africaines ?

 

La culture africaine est si riche et si diverse qu’il y a évidemment beaucoup de cadeaux à offrir. Je dirai que le dernier album « La guinéenne » de Mory Kanté, qui, à plus de 75 ans, revient avec un format grand orchestre accompagné de plus de 30 musiciens, pourra plaire à tout le monde.

 

Un livre « Congo, une histoire » de David Van Reybrouck (Actes Sud) est un ouvrage fabuleux qui retrace toute l’histoire du Congo belge qui est devenu la République Démocratique du Congo, ce pays hors norme. Et c’est écrit de façon assez ludique. Un roman total pour une histoire vraie. Un véritable ovni littéraire. Et le Prix Médicis Essai 2012.

 

Pour le cinéma, il y a de magnifiques coffrets. Arte a publié des DVD,  notamment des films d’Ousmane Sembène qui est le père du cinéma africain et nous fait replonger dans une actualité néo-coloniale.

 

Sur le site www.laboutiqueafricavivre.com ou www.africavivre.com, on peut commander une sélection de ces œuvres et accéder aussi à notre boutique d’artisanat africain, avec des objets issus du commerce équitable et réalisés par des communautés de femmes. On a des produits du Mali, d’autres d’Afrique du Sud.

 

Est-ce que l’Afrique est populaire en France à travers sa culture ?

 

Il y a une frange d’amoureux de l’Afrique. Par contre, je pense qu’il y a beaucoup de gens qui passent à côté de la culture africaine parce qu’ils n’ont jamais connu l’expérience de rencontrer une œuvre africaine. Car l’offre, si elle est foisonnante, est très mal distribuée, diffusée, promue. Et puis il y aussi des gens qui ont des préjugés. Or il y a matière pour une vraie culture populaire qui pourrait rencontrer en France et en Europe un large public.

 

 

Vous dirigez le plus gros site de vente en ligne d’abonnements à la presse française. Vous êtes donc bien placé pour évaluer l’état de la presse et, ce qui nous intéresse davantage ici, la liberté de la presse.

De votre point de vue, où en est-elle aujourd’hui en France ? En crise profonde ou en plein renouveau, notamment avec Internet ?

 

La presse papier diffusée dans les kiosques est vraiment en crise. Jusqu’aux années 90, vous pouviez lancer un journal et bénéficier d’une diffusion dans plus de 30.000 kiosques. Le sort de France Soir, passé d’1 million d’exemplaires à une liquidation totale, est symptomatique. Ce système reposait sur la loi Bichet de 1947 qui prônait la liberté de la presse et interdisait aux marchands de journaux de refuser de diffuser le moindre titre de presse. Ils étaient littéralement engorgés. Elle a été réformée en 2011 pour prendre acte du changement d’époque et tenir compte des coûts excessifs que cette loi entraînait pour les messageries de presse, ces organismes qui distribuent physiquement les journaux des imprimeries vers les revendeurs.

Il y a aussi de moins en moins de lecteurs de la presse quotidienne et, j’ajoute, il est devenu de plus en plus difficile (et coûteux) de lancer un titre aujourd’hui.

Enfin, l’abonnement se porte toujours bien et sur le web évidemment il y a une explosion de l’information.

 

La priorité est de donner du crédit à l’information


Est-ce que l’abonnement permet de freiner l’érosion de la presse papier ?

Pas complètement puisque les abonnements sont stables et les ventes en kiosque en recul. Les abonnements qui représentaient un tiers de la diffusion il y a 10 ans représentent aujourd’hui 40% de la diffusion. Donc, il y a un transfert de la vente en kiosque vers l’abonnement. C’est vrai que l’abonnement permet d’assurer une indépendance financière à la presse. Mais la visibilité, un titre de presse l’acquiert en kiosque. Mais on tend vers un modèle où l’abonnement occupera une place centrale.

 

 

L’essor de l’internet permet-il de sauver la presse et d’étendre la liberté de la presse ?

Je le pense vraiment. Internet a permis à des médias indépendants, à de petites structures d’obtenir une visibilité et d’avoir un écho plus important que ce qu’ils avaient auparavant. Donc on peut dire que la liberté de la presse est renouvelée et renforcée par Internet.

 

Comment jugez-vous la qualité de la presse française ? N’a-t-on pas aussi un problème d’offre ?

Je ne pense pas. On a la presse la plus diversifiée au monde avec 3.000 titres. La presse magazine s’en sort bien. C’est la presse quotidienne qui est en crise, notamment parce que nos voisins allemands, anglais et autres lisent beaucoup plus de quotidiens que les Français. Dans la presse magazine, on peut trouver ce que l’on a envie de lire et en général des magazines de qualité.

 

Et la presse gratuite ?

Économiquement elle peut dévaloriser un peu le contenu éditorial parce qu’on rend gratuite l’information. Mais elle permet aussi à un grand nombre de personnes de se familiariser avec un produit quotidien. 40% des lecteurs du quotidien gratuit 20 minutes ne lisent rien d’autre, ce qui prouve que cette presse capte un public qui ne lisait pas avant.

Il reste que l’on a toujours un problème de monétisation de l’information car elle est de plus en plus gratuite, ce qui pose la question de son modèle économique. Et la liberté de la presse dépendra aussi de la capacité des éditeurs à vivre de leur production. Le gros enjeu des années à venir sera de redonner du crédit à l’information. Et trop de publicité risque d’affecter ce crédit. Les abonnements sont l’avenir d’une presse indépendante.

 

 

Que pensez-vous de l’attribution du Prix Nobel de la paix à l’Union européenne ?

Je m’en suis réjoui. On ne sait pas comment aurait tourné l’histoire si l’Union ne s’était faite dans les années 50.

 

Et si vous aviez dû décerner votre Prix Nobel ?

Pourquoi pas un artiste africain ? Un Youssou N’Dour s’est battu pour la démocratisation du Sénégal. Il a contribué à écarter le président Wade sans faire trop d’éclats lui-même. Il l’aurait mérité : il a contribué à maintenir le modèle sénégalais, véritable exemple pour toute l’Afrique.

 

Alors, Maxime Bonin, venons-en à votre engagement avec SOS Amitié. Il nous a paru important de vous donner la parole sur l’un des maux les plus criants de notre société, surtout en cette période de fête : la solitude.

Vous êtes le porte-parole de SOS Amitié, la plus grande association de bénévoles qui écoutent les personnes seules, isolées, perdues. Vous avez également publié en septembre les résultats d’une enquête de l’Observatoire SOS Amitié des souffrances psychiques. Il apparaît avec force que la crise que nous vivons, loin d’être seulement économique, est une crise sociétale. Et qu’elle s’aggrave d’année en année.

Nous nous appuyons sur l’outil statistique le plus fiable du pays grâce aux données collectées à partir des 700.000 appels reçus par SOS Amitié chaque année. Nous avons là une vision cartographique de l’état psychologique de la société française.

 

700.000 appels reçus pour un total de 3 millions de tentatives d’appels ?

Seul un appel sur 4 trouve un écoutant au bout du fil par manque d’écoutants bénévoles. Nous avons donc besoin de bénévoles.

On voit un impact de la crise économique qui se fait sentir sur des problématiques nouvelles pour nous, comme le logement. Dans les années précédentes, on n’appelait pas SOS Amitié pour un problème de logement. Et depuis récemment, on note une montée des appels liés à l’immobilier.

Le problème sociétal que nous pointons du doigt est clairement l’individualisme de plus en plus important. Et donc une solitude qui est de plus en plus prégnante.

 


Quelles sont les trois plus grandes causes d’appels ?

La solitude, les problèmes psychiques et ensuite les problèmes relationnels. Les appels pour raisons psychologiques sont stables, les deux autres en augmentation.

 

La société ne sait plus écouter

 

Quel est le portrait de la société française que vous faites au vu de ce rapport ?

C’est surtout le portrait d’une France qui ne se parle pas suffisamment. Les gens n’arrivent pas à se confier. Ils n’arrivent pas à trouver d’écoute dans leur entourage. L’écoute est pourtant une valeur fondamentale de toute société et on la délaisse, on n’en parle jamais, on ne la transmet plus. Le lien social est distendu parce que les gens ne prennent plus le temps de se mettre à la place de l’autre, de l’écouter. On est seul, perdu, sans pouvoir s’exprimer.

 

Pensez-vous qu’en Afrique il existe des structures telles que SOS Amitié ? Sont-elles seulement nécessaires ?

Je crois qu’elles n’existent pas. Car en Afrique le lien familial et le cercle d’amis sont plus riches que dans les sociétés occidentales. Le sentiment de solitude y est moins fort.

 

Vous dénoncez dans votre rapport la société de performance qui amène des personnes à ne pouvoir supporter cette performance qu’exige la société. Et vous soulignez ce paradoxe que les personnes qui vous appellent le plus sont dans la tranche d’âge 25-45 ans, censée regrouper pourtant les personnes les plus actives et capables de performance. Qu’en pense le chef d’entreprise Maxime Bonin ?

C’est entre 25 et 45 ans qu’il faut réussir sa vie professionnelle, sa vie sociale, fonder une famille. Certains craquent et n’arrivent plus à assumer. Je me sens parfois en porte-à-faux, je suis le premier à demander une exigence optimale à mes collaborateurs. Mais en même temps, j’essaie de développer dans l’entreprise une atmosphère, une convivialité, des moments d’écoute et d’échange.

Mon engagement auprès de SOS Amitié m’a amené à mettre l’écoute au cœur du projet d’entreprise de Viapresse. L’écoute permet aux salariés de s’exprimer, d’exercer leur liberté d’expression. Et donc cela peut les libérer de certaines situations de souffrance. Ces éléments de solidarité sociale développent en même temps la productivité de l’entreprise. Ceci dit, il est plus facile de développer cette approche quand l’entreprise gagne de l’argent. Et c’est toute la tension que nous vivons parfois.

 

Pourquoi avez-vous plus d’appels d’hommes que de femmes ?

C’est peut-être lié aux exigences de cette société de performance. Les hommes sont plus sensibles à leur statut social et professionnel. Et leur orgueil social les pousse plus facilement à craquer lorsqu’ils ont perdu un emploi ou se retrouvent seuls.

 

Ce que vous dites est à rapprocher du fait que le taux de mortalité chez les hommes est le plus élevé dans l’année qui suit leur départ à la retraite. Ce qui n’est pas observé chez les femmes.

Alors, que dites-vous aux citoyens pour atténuer ces maux de la société ?

Nous avons créé la Journée nationale de l’écoute, le 13 novembre de chaque année. Nous voulons sensibiliser le grand public et nos gouvernants sur l’importance de l’écoute, la grande oubliée de nos sociétés modernes. La parole libère, elle atténue les souffrances. Encore faut-il avoir quelqu’un en face qui sache écouter. Nos écoutants l’apprennent dans une formation.

Mais l’écoute se vit au quotidien, avec ses proches, sa famille, ses voisins. On peut passer à côté de choses merveilleuses en ne sachant pas écouter l’autre.

 

Qui est le ministre de l’écoute ?

Le ministre de l’écoute, il n’y en a pas. Il y a un ministre de l’Économie Sociale et SocialeSolidaire pour la première fois, ce qui est déjà bien. Ou alors il devrait s’agir de la Ministre de la Santé, si l’on met en avant les problèmes de souffrance psychique.

Ségolène Royal en avait parlé avec son concept de démocratie participative. Et Martine Aubry, lors des primaires du parti socialiste, avec le projet de société autour du « care » qui vient des pays anglo-saxons. Avec le « care », toutes les parties de la société sont appelées à se préoccuper de l’autre, à l’écouter. Ce projet a été écarté. On n’en trouve plus d’équivalent aujourd’hui dans l’offre politique en France. Et je précise que je ne suis pas socialiste.

 

Vous avez besoin d’écoutants à SOS Amitié ?

On a besoin d’écoutants mais aussi de porte-paroles au sein de la société civile et des pouvoirs publics.

 

Combien d’écoutants avez-vous ?

1.500 écoutants. Seulement 200 en Île-de-France. Ce n’est pas beaucoup. Nous devrions être 6.000 pour répondre à tous les appels.

 

Vous ne suivez pas les appelants puisqu’ils sont anonymes ? Vous ne les orientez pas vers des organismes qui peuvent répondre à leurs problèmes ?

Votre question souligne combien on ne comprend plus ce qu’est l’écoute. L’écoute, ce n’est pas trouver une solution. Ou alors, l’écoute est déjà une solution en soi. Permettre à l’autre de s’exprimer, de prendre conscience qu’il est écouté, de reformuler ses pensées et de reprendre le fil de ses émotions pour y voir plus clair, c’est cela l’écoute. C’est la personne elle-même qui trouve ses solutions et commence par reprendre espoir.

 

Des personnes vous appellent pour vous dire qu’elles sont sur le point de se suicider.

Évidemment on reçoit des appels de suicidaires et de suicidants. Cela représente 3% de nos appels. Le suicide est devenu en France la première cause de mortalité.

L’écoute est la meilleure arme dans la prévention du suicide car l’écoute libère et redonne des pistes autres que le suicide à celles et ceux qui pourraient en être tentées. Mais nous ne sommes une soupape que d’un instant, d’une demi-heure, le temps d’un appel.

 

2011 a été l’année de la solitude comme grande cause nationale en France. Ce choix vous a-t-il été bénéfique ?

Oui, mais plutôt que de pointer le problème, à savoir la solitude, nous aurions préféré une année de l’écoute, car nous sommes là sur le terrain de la solution.

 

 

Propos recueillis par Cheikh Dieng et Michel Taube

 

 

 

Pour aller plus loin avec Maxime Bonin :

Offrez un abonnement à votre journal préféré pour Noël : www.viapresse.com

Une idée cadeau dans les cultures africaines : www.africavivre.com

Engagez-vous pour du bénévolat d’écoute : www.sos-amitie.org

Pour télécharger l’intégralité du rapport de SOS Amitié :http://www.sosamitieidf.asso.fr/qui-sommes-nous/observatoire-sos-amitie-des-souffrances-psychiques/

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