International
08H41 - vendredi 20 avril 2012

« Il est temps de restaurer les libertés publiques en France », entretien avec William Bourdon, avocat, chargé des droits de l’homme auprès de François Hollande

 

OI : quelle place ont les droits humains dans la campagne des présidentielles, selon vous ?


Aujourd’hui, les droits de l’homme ne sont plus seulement politiques et civils mais prennent une dimension de plus en plus transversale compte tenu des menaces multiples et complexes qui pèsent sur la planète. Les droits humains irriguent la parole publique dans toute sa pluralité. Comment réhumaniser la mondialisation ? C’est aussi l’enjeu de cette élection. Je ne prendrai qu’un exemple : les multinationales françaises multiplient les déclarations en matière de développement durable mais la réalité sur le terrain est parfois bien différente des proclamations faites dans les Assemblées générales annuelles ou sur les sites Internet. François Hollande a pris position en faveur de la responsabilité des maisons-mère s’agissant des dommages environnementaux causés par leur filiales dans les pays du Sud.

Et puis il y a le bilan catastrophique de Nicolas Sarkozy. A chaque fois qu’il a parlé de droits de l’homme, surtout au début de son mandat, il a très vite démenti ses paroles dans les faits. Le décalage entre ses promesses et ses actes a creusé un grand canyon depuis cinq ans. Souvenez-vous du voyage en avril 2008 de Sarkozy à Tunis auprès de Ben Ali où il est venu expliquer aux Tunisiens que l’espace des libertés progressait… On sait ce qu’il en est advenu… Souvenez-vous aussi du discours de Dakar sur « l’homme noir hors de l’histoire ». Bref, on a beaucoup parlé de droits humains mais ce ne furent que papillonnages médiatiques dans l’inconstance et la contradiction qui n’ont cessé de dégrader l’image de la France dans le monde.

J’ajoute que la stigmatisation des immigrés aura été l’un des seuls fils conducteurs de la politique de Nicolas Sarkozy pendant cinq ans. Cette politique discriminatoire a coûté très cher à la France, notamment pour son image internationale. On ne saura jamais à quel point ont été dévastateurs, jusqu’en Chine (qui les a exploitées avec beaucoup d’opportunisme), ces images de caravanes de Roms coupées en deux par des bulldozers il y a trois ans et instrumentalisées médiatiquement par le pouvoir pour stigmatiser une catégorie de la population.

OI : Comment François Hollande fera-t-il progresser les libertés publiques en France s’il est élu ?

Quand François Hollande scande « le changement, c’est maintenant », cela concerne naturellement la restauration des libertés publiques en France, au nom d’une toute autre idée de l’Etat et de la République. Son intention de retirer le mot « race » de la Constitution exprime une philosophie reposant sur le respect de la dignité humaine qui inspirera désormais l’action de la France.

Par ailleurs, François Hollande s’est engagé avant tout sur le respect scrupuleux par le pouvoir exécutif de l’indépendance de l’autorité judiciaire. La tutelle politique sur le judiciaire a fonctionné de façon caricaturale et dévastatrice ces dernières années tant elle a voulu freiner ou entraver des enquêtes décisives qui sont au cœur de la lutte contre la corruption. L’immixtion constante du pouvoir dans ces affaires démentaient les déclarations en forme d’affichage de Sarkozy à la fin des différents Sommets internationaux. Par ailleurs, François Hollande s’est évidemment engagé à laisser aller jusqu’au bout les enquêtes actuelles concernant les biens mal acquis par des dirigeants africains.

D’autre part, nous voulons en finir avec l’indignité des conditions de reconduction à la frontière et d’expulsion des étrangers : la France a été condamnée à plusieurs reprises ces derniers mois par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment en raison des conditions inhumaines et dégradantes des lieux de rétention mais également en raison du caractère non suspensif des décisions refusant l’asile politique à des demandeurs. Rappelons cette circulaire Guéant contre les diplômés étrangers souhaitant rester en France dénoncée unanimement comme une aberration morale mais aussi économique.

Enfin, François Hollande a aussi pris des engagements modernes sur des questions éthiques et de société comme le mariage et l’adoption des couples homosexuels.

OI : Qu’est ce que l’élection de François Hollande changera concrètement sur le plan international ?

Sur le plan international, la France a été totalement prise de cour par le printemps arabe. François Hollande souhaite désormais que la France soit à l’écoute des sociétés civiles et des forces démocratiques, véritablement ignorées par Sarkozy.

OI : François Hollande serait-il intervenu en Libye ? Nicolas Sarkozy a-t-il eu raison d’intervenir en Libye ?

Ce qui compte, c’est la constance et la cohérence. L’intervention en Libye, dont les conséquences sur les pays voisins – et la Libye elle-même, ont été sous-évaluées, ne doit pas faire oublier les compromissions historiques avec l’ancien régime tunisien et tant de dictatures.
L’essentiel est de mener une politique étrangère constante. Ceci dit, sur le fond, au vu des difficultés à obtenir des Nations unies des engagements forts en Syrie, je suis favorable à ce que l’on rouvre le chantier, évidemment chantier décisif, d’une réforme de la Charte des Nations unies qui suspendrait le droit de veto des membres permanents du conseil de sécurité quand il s’agit de résolutions visant à porter secours à des populations menacées de crimes contre l’humanité ou, plus délicat, de saisir la Cour Pénale Internationale. C’est la condition pour que le principe dit de responsabilité et de protection des populations en danger de mort et la justice internationale cesse d’être vécu par une partie du monde comme  tragiquement à géométrie variable.

Propos recueillis par Michel Taube

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