International
13H30 - mardi 13 décembre 2011

Vote des étrangers : entretien avec Vincent Rebérioux, vice-président de la Ligue des Droits de l’Homme

 

Le vice-président de la LDH revient pour Opinion Internationale sur le débat qui oppose actuellement le Sénat, à majorité socialiste, et le gouvernement sur le droit de vote pour les étrangers extra-communautaires aux élections locales.

 

Pourquoi réclamez-vous le droit de vote des étrangers non ressortissants de pays de l’Union européenne aux élections locales ?

Vincent Rebérioux : Le monde a changé depuis trente ans. On voit bien, par exemple, que l’on est dans l’optique, pour les étrangers, d’une immigration sans retour, bien différente de l’esprit des années 60 ou 70. Les étrangers sont des citoyens dans tous les actes de la vie quotidienne : élections des parents d’élèves, des conseils de prud’hommes, des délégués du personnel, ils ont des responsabilités associatives… Le seul domaine où on leur refuse la citoyenneté, c’est dans l’élection de leurs représentants politiques locaux. Nous rappelons enfin que, depuis 2001, les ressortissants de l’UE ont le droit de vote aux élections locales, conformément au traité de Maastricht. Il n’est pas juste de créer plusieurs « catégories » d’étrangers sur la question.

 

Que répondez-vous aux critiques, notamment celles du ministre de l’Intérieur Claude Guéant, soulignant le risque de dérives communautaires du droit de vote des étrangers ?

Vincent Rebérioux : Sérieusement, rien ne permet d’affirmer cela. Lors des deux dernières élections municipales, on a vu émerger des « listes communautaires » dans certaines villes de banlieue. Ces listes d’ailleurs avaient plutôt un positionnement réclamant une plus grande prise en considération de la diversité. Dans tous les cas, elles n’ont jamais fait plus de 3 % des voix. Les gens ne votent pas pour un candidat au prétexte qu’il leur ressemble.

 

Tous les sondages montrent que, depuis dix ans, les Français sont favorables à environ 60 %  au droit de vote des étrangers. Pourquoi le gouvernement en place est-il si réticent à envisager le débat ?

A droite, de nombreuses personnalités sont favorables au vote des étrangers. Beaucoup de maires de banlieue se rendent bien compte qu’ils ne peuvent pas être les élus d’une minorité de citoyens.

Si le gouvernement ne se fait pas le relais de la mesure, je pense que c’est principalement à cause de la pression du Front National sur la question, qui une fois de plus agite la « peur de l’étranger ». Je rappelle d’ailleurs qu’en 1981, le droit de vote des étrangers faisait partie des 110 propositions du candidat François Mitterrand, mesure qu’il n’a jamais mise en place une fois élu, pour les mêmes raisons probablement de pression de l’extrême-droite. Même aujourd’hui à gauche des gens, je pense notamment à Malek Boutih, sont contre la mesure, en prétendant que ce n’est « pas le moment » et en pointant la menace du Front National.

 

Pourquoi la plupart des actions en faveur du droit de vote pour les étrangers ne portent que sur les élections locales sans jamais envisager les élections nationales ?

Certains partis ou associations, notamment Europe Ecologie et le Parti communiste, se sont prononcés en faveur du droit de vote des étrangers à toutes les élections, c’est donc un débat qui a du sens. A la Ligue des Droits de l’Homme, nous ne nous positionnons pas sur la question, nous préférons insister sur la notion de « citoyenneté de résidence » qui pour nous justifie le vote au niveau local. Le droit de vote aux élections nationales renvoie à de complexes questions sur la souveraineté où le débat en ce moment est vivace. Nous pensons donc qu’il n’est pas encore temps de faire valoir cette revendication.

 

Propos recueillis par Damien Durand


Photos :
Titre : votation citoyenne pour ou contre le droit de vote des étrangers (LDH)
Article : un panneau appelant à une votation sur le droit de vote des étrangers (LDH)

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