
Bonjour Fabienne Delahaye, vous êtes la fondatrice du Salon du Made in France. Qu’est-ce qui vous a donné, au départ, l’envie de créer ce salon qui tient sa 13ème édition à Paris (Porte de Versailles) du 6 au 9 novembre ?
Fabienne Delahaye : mon métier, c’est de créer des salons ex nihilo. En m’interrogeant sur notre pays, ses compétences et ses savoir-faire, je me suis demandé comment la France avait pu en arriver à faire produire ailleurs ce qu’elle savait faire chez elle, avec la désindustrialisation et toutes ses conséquences : chômage, perte de savoir-faire, impact environnemental. Le modèle qu’on nous a vendu (produire là-bas et garder ici les services à haute valeur ajoutée) ne tient pas la route.
J’ai donc voulu promouvoir, dans tous les secteurs, des entreprises qui fabriquent en France et leur donner une visibilité qu’elles n’ont pas, faute des marges que font leurs concurrents délocalisés. Ensemble, une fois par an, on peut parler d’elles, montrer, vendre, et rappeler qu’acheter français crée de la richesse sur le territoire.
Bref, mon ambition a été dès le départ de rendre visibles celles et ceux qui fabriquent ici en France, préservent l’emploi, la planète et respectent nos normes sociales, sanitaires et salariales.
Il faut le marteler : un produit fabriqué en France crée trois fois plus d’emplois qu’un concurrent importé ! Notre modèle social repose sur le travail et la richesse produite : plus on délocalise, plus on s’appauvrit.
Quels seront les enjeux et les temps forts de la 13e édition ?
Malgré un contexte économique et politique incertain, le salon est complet. Nous avons même plus d’entreprises que l’an dernier, et déjà 15 % de visiteurs inscrits en plus à date comparable. Nous vivons enfin cette prise de conscience citoyenne que nous avons contribué à susciter. J’entends par exemple des visiteurs modestes nous expliquer qu’ils font l’effort de faire des achats pour un « Noël made in France » parce qu’ils savent ce que la désindustrialisation cause à leur territoire. C’est très fort.
Le BHV Marais a ouvert un de ses étages à Shein. Ne vaudrait-il pas mieux un espace permanent made in France plutôt que ce type d’offre ?
Au-delà de ce cas, deux choses me mettent en colère. Tout d’abord, il ne peut y avoir réindustrialisation sans volonté déterminée de l’État. On ne peut pas laisser entrer des produits qui ne respectent aucune des normes qu’on impose à nos entreprises ici. Beaucoup de petits colis n’acquittent même pas la TVA, c’est absurde.
Deuxièmement, il faut orienter la commande publique vers les entreprises qui fabriquent en France. Qu’on ne me dise pas « c’est plus cher » : ce qui nous coûte une fortune, c’est d’enrichir d’autres pays avec nos impôts au lieu de soutenir nos producteurs. On leste le sac à dos des entreprises françaises et on déleste celui des importations, parfois avec des risques sanitaires avérés. Ce n’est plus tenable.
Le salon du Made in France est-il « 100 % français » ou accueille-t-il aussi des acteurs étrangers ?
Peu importe d’où l’on vient, ce qui m’intéresse, c’est où l’on va. Le critère, c’est fabriquer sur le territoire. Une entreprise aux capitaux étrangers mais qui produit en France a toute sa place au salon. C’est le made in, la transformation ici. Qui possède le capital m’est indifférent.
Dans un de nos derniers éditos, nous appelons les Français à « faire le bon choix » du made in France. Quel est votre message à nos décideurs pour cette 13ème édition du Salon ?
Le made in France fait désormais consensus. Il faut enfin des actes : réciprocité des normes, commande publique préférentielle, politique assumée de réindustrialisation. Les Français sont prêts à faire leur part. A l’État de créer les conditions du jeu équitable.
Propos recueillis par Michel Taube




















