Edito
09H14 - dimanche 27 juillet 2025

Thierry Burkhard, une carrière pour la France. L’édito de Michel Taube

 

Thierry Burkhard, une vie pour la France. L’édito de Michel Taube

Il y a des carrières qui forcent le respect. Des vies entières au service de la nation, construites dans le silence, l’humilité, la rigueur et l’honneur. Celle du général Thierry Burkhard est de celles-là. Alors qu’il quitte le commandement des armées françaises à quelques jours de ses 61 ans, la République doit s’incliner devant un soldat, un chef, un visionnaire. Un homme dont la vie entière n’a eu qu’un cap : la défense de la France.

Né à Delle, dans le Territoire de Belfort, passé par Saint-Cyr, parachutiste de la Légion étrangère, vétéran de la Guyane, de l’Irak, des Balkans, du Tchad, du Gabon, d’Afghanistan et de Côte d’Ivoire, le général Burkhard incarne cette génération d’officiers pour qui l’expérience du terrain forge la pensée stratégique. Et sa pensée n’a cessé de devancer l’époque. Avant même l’agression de l’Ukraine par la Russie, il avait compris que le modèle d’armée expéditionnaire issu de la fin de la guerre froide n’était plus adapté. Il fallait préparer la France à la guerre de haute intensité, aux conflits entre puissances. Il fallait durcir l’entraînement, retrouver l’esprit de la division, remettre les soldats dans la sueur des manœuvres grandeur nature. Il l’a fait.

Mais il a aussi compris que les guerres du XXIe siècle ne se gagneraient pas seulement sur le terrain, mais dans les têtes. Il a su anticiper la montée en puissance de la guerre informationnelle. Sous son autorité, nos armées ont structuré un véritable commandement de la lutte cognitive, en Afrique comme sur les réseaux, pour répondre aux attaques hybrides, à la désinformation, à la propagande. Dans un monde où les perceptions comptent autant que les faits, Thierry Burkhard a donné aux militaires les moyens de penser et de riposter dans cette nouvelle bataille.

Saluons aussi son courage intellectuel. Le 11 juillet 2025, lors d’une conférence de presse rare, il a désigné sans détour la Russie comme la menace prioritaire pour la France. Il n’a pas tremblé. Il a dit la vérité. Et à ceux qui ont cru voir dans son départ une sanction, rappelons que cette transition était prévue de longue date et qu’Emmanuel Macron lui avait demandé de prolonger sa mission en 2024, tant sa confiance était grande.

Sous son autorité, et avec le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le général Burkhard a su aussi faire évoluer l’image de l’armée trop longtemps perçue comme la grande muette. Une mutation qui ne fait que commencer mais qui ait entrer nos armées dans ce nouveau monde d’hyper-communication.

Le général Burkhard n’a pas seulement commandé. Il a transformé. Il a incarné l’autorité, mais aussi l’élégance du commandement. Commandeur de la Légion d’honneur, père de trois enfants, il quitte les fonctions les plus hautes de la hiérarchie militaire avec la dignité des grands serviteurs de l’État. Il laisse à son successeur, le général Fabien Mandon, un héritage redoutable mais solide : celui d’une armée qui a retrouvé son cap stratégique, son exigence opérationnelle, sa mission de protection du territoire et de la paix. Soulignons que le fait de désigner comme son successeur un homme de l’air participe de la mutation stratégique de nos armées : notre défense, notre sécurité se joueront de plus en plus dans l’espace et dans les airs, des mini drones aux satellites les plus complexes.

A 61 ans, on est encore jeune à notre époque ! Nul doute que le général Burkhard continuera de servir la France. Autrement mais avec vision et lucidité. 

Dans un monde en feu, où les menaces s’accumulent à nos frontières comme à l’intérieur, nous aurons encore besoin de l’esprit Burkhard. Cet esprit de lucidité, de discipline et de patriotisme, qui nous rappelle que la France tient debout parce que certains, dans l’ombre, veillent sur elle. Respect, général. Et merci.

 

Michel Taube

Directeur de la publication