La chronique de Patrick Pilcer
09H06 - jeudi 10 juillet 2025

Budget 2026 : le rabot est sorti, la tronçonneuse menace. La chronique de Patrick Pilcer

 

Le gouvernement Bayrou présente un budget 2026 sans hausse officielle d’impôts, sans réduction brutale de crédits. En apparence, c’est une année blanche. En réalité, c’est une illusion budgétaire. Le calme est de façade, mais les contraintes sont bien réelles.

Les taux d’intérêt ont augmenté, la dette continue de croître, et l’inflation alourdit la facture de fonctionnement de toutes les administrations. Résultat : à dépenses figées en euros courants, il faudra rogner sur tout. Ce que Matignon ne dit pas, c’est que ce budget est déjà une double peine : une hausse fiscale déguisée, puisque les tranches ne sont pas indexées sur les salaires, et une baisse imposée de la dépense publique, contrainte par les charges d’intérêt.

C’est donc officiel : le rabot est sorti.

 

Le rabot, faute de mieux… mais jusqu’à quand ?

Ce rabot budgétaire, chacun le sent déjà passer : tous les ministères doivent contenir leurs dépenses dans l’enveloppe 2025, alors que leurs coûts réels augmentent. Mais cette politique de l’évitement pourrait très vite voler en éclats. Car si une crise politique éclatait, si une nouvelle dissolution intempestive venait fragiliser la majorité, si les marchés perdaient confiance, la France pourrait basculer dans un scénario bien plus violent : hausse brutale des taux, fuite des investisseurs, creusement incontrôlé du déficit.

Et là, le rabot ne suffira plus : il faudra sortir la tronçonneuse.

Trancher, oui. Mais où, et comment ?

Il est encore temps d’éviter le saccage. Mais à une condition : tout repenser et accepter enfin de choisir ce que nous devons préserver, réformer, et couper.

Tout doit être mis sur la table :

  • Le mille-feuille territorial,
  • Les aides internationales sans évaluation d’impact,
  • Les redondances administratives,
  • Les dispositifs inefficaces,
  • Les fraudes fiscales comme sociales.

Prenons la santé. Plutôt que d’empiler les plans, faisons mieux avec moins : en investissant dans la prévention, ce qui est une autre façon, efficace, de diminuer nos dépenses médicales, en couplant carte Vitale, carte d’identité et carte de séjour, en mettant fin aux dérives de remboursement, en vérifiant si les bénéficiaires des aides y ont vraiment droit, en redonnant sens à la mission de soin.

Ce qui vaut pour la santé vaut pour l’éducation, la recherche, la justice, la sécurité, l’emploi : l’efficacité doit devenir le premier critère de décision publique.

 

Ne pas sacrifier les piliers de la solidarité

Mais attention : il est une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir. La tentation de rogner sur la générosité publique, en réduisant les incitations fiscales aux dons, serait une erreur majeure, une faute politique et morale.

Prenons l’exemple de l’association Vaincre le Cancer – NRB, que j’ai l’honneur de présider. Grâce aux dons en partie défiscalisés de nos soutiens, (et je ne peux que vous encourager à donner encore plus à notre association https://www.vaincrelecancer-nrb.org/faire-un-don/ ), nous avons pu ouvrir un centre de soins de suite entièrement gratuit, cofinancer des unités de recherche, et financer des équipements de pointe. Sans cette générosité, ce sont des soins qui ferment, des chercheurs qui partent, un retard considérable dans la lutte contre ce fléau, des patients qui perdent des chances de survie.

Menacer les Cerfas, ce serait punir les associations utiles pour sanctionner celles que l’État n’a pas su contrôler. Car oui, il est intolérable que certains abusent du système pour financer des activités étrangères à l’intérêt général, voire des causes radicalisées. Mais ce n’est pas la réduction de l’avantage fiscal qui est la solution — c’est le contrôle républicain, rigoureux, assumé.

Si l’Etat touche à la fiscalité sur les dons, c’est tout un pan de notre société qui s’effondrera immédiatement. Ce sera bien plus grave que les « Gilets Jaunes », ce sera les causes d’une véritable révolution…

 

Le vrai enjeu : l’efficacité ET le pouvoir d’achat

Et pendant ce temps, le vrai sujet reste ignoré : le pouvoir d’achat. Celui des actifs, des retraités, des indépendants, des entrepreneurs. Ceux qui travaillent, cotisent, prennent des risques. Ce sont eux qui attendent un signal, une respiration. Or, ils n’ont rien. Rien d’autre qu’un rabot.

François Bayrou le sait. Il a toujours un fin nez. Il a l’intuition politique de comprendre qu’il ne faut pas toucher à la générosité des Français. Il sait que le seuil d’acceptabilité fiscale est atteint, voire dépassé. Mais entre l’intuition et l’action, il y a un pas. Que propose-t-il sur la nécessaire hausse du pouvoir d’achat et sur l’efficacité dans nos services publics ?

 

Il est minuit moins le quart

L’État ne peut plus faire semblant. Il doit choisir. Choisir la rigueur plutôt que l’aveuglement, l’efficacité plutôt que l’addition, et surtout, la confiance plutôt que la défiance. Redonner à chacun le sentiment que son effort, sa solidarité, son engagement… comptent. Cela fait partie intégrante des Comptes Publics, même si cela n’apparaît que dans le hors bilan…

Oui, il est minuit moins le quart. Mais nous avons encore le choix de l’action courageuse plutôt que la coupe subie et du massacre à la tronçonneuse…

 

Patrick Pilcer

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers