Edito
08H16 - mardi 8 juillet 2025

Olivier Marleix, le suicide et la politique. L’édito de Michel Taube

 

Olivier Marleix, le suicide et la politique. L'édito de Michel Taube

La dissolution française a-t-elle tué Olivier Marleix ?

Le suicide est toujours un drame, une tragédie, mais lorsqu’il frappe un responsable politique de premier plan, il devient un séisme intime et national. La disparition d’Olivier Marleix, à 54 ans, bouleverse tous ceux qui l’ont connu, croisé, combattu ou admiré. Comme un écho tragique à Pierre Bérégovoy, ce geste désespéré vient rappeler que, derrière les tribunes, les amendements, les joutes oratoires et les plateaux télévisés, il y a des hommes — simplement des hommes — parfois broyés par ce que la politique ne montre jamais : la solitude, la tension, l’intransigeance morale.

Il était le plus sénateur des députés. À la fois discret et rigoureux, d’une élégance intellectuelle rare, il ne brillait pas par des éclats médiatiques mais par sa constance, sa loyauté, sa maîtrise des dossiers. Un parlementaire dans le sens noble du terme, respecté de tous les bancs. Il avait dirigé le groupe LR à l’Assemblée nationale avec une fermeté feutrée, sans jamais renier ses convictions. Loin des postures, proche des principes. La fidélité ne l’empêchait pas de penser librement.

On découvre qu’il travaillait à un livre. Déjà une forme de testament politique ? Le titre : La dissolution française. Tout un symbole. Peut-être ne voulait-il pas assister davantage à ce qu’il dénonçait : l’effacement progressif de la France, l’abandon de ses souverainetés, la décomposition lente de l’autorité républicaine, et l’impuissance croissante de ceux qui ont encore foi dans les institutions.

Issu d’une lignée politique, profondément attaché à sa terre d’Eure-et-Loir, Olivier Marleix était un homme enraciné et cultivé, pétri d’histoire gaullienne, lucide sur la fragilité de sa famille politique mais résolu à la faire renaître. Son regard d’admiration pour Georges Pompidou trahissait un goût pour le verbe juste et l’intelligence pragmatique. C’est cet équilibre qu’il cherchait sans relâche, entre convictions fermes et ouverture à l’autre.

Ironie de l’histoire : en 2024, Emmanuel Macron avait célébré le rachat des turbines Arabelle, fleurons industriels de l’ex-Alstom, devenu General Electric, dont il avait lui-même permis la vente aux Américains en 2014. Olivier Marleix, déjà député LR, spécialisé dans les enjeux énergétiques, avait saisi – en vain – la justice en 2019 pour qu’elle enquête sur les circonstances de cette vente du pôle énergie d’Alstom à l’américain General Electric. Olivier Marleix avait eu cs mots : « la souveraineté perdue par Macron ne se récupérera jamais complètement ».

Olivier Marleix avait encore tant à dire. Tant à faire. Et pourtant, il est parti. La classe politique est en deuil, au-delà des partis. Une France silencieuse lui rend hommage aujourd’hui. Celle qui devine que les plus utiles sont parfois les plus silencieux. Celle qui comprend qu’il faut parfois du courage pour simplement continuer.

Que son nom soit honoré à la hauteur de sa discrétion. Et que son départ nous oblige. À retrouver le sens du service, de l’écoute et du devoir. Olivier Marleix n’était pas une figure de l’ancien monde. Il était ce que le monde nouveau aurait dû rêver d’être.

 

Michel Taube

Directeur de la publication