
L’audition de François Bayrou devant la commission d’enquête parlementaire sur les violences sexuelles dans les établissements scolaires a offert un spectacle aussi affligeant que révélateur. Pendant plus de cinq heures, le premier ministre a été sommé de répondre non seulement de ce qu’il savait, mais surtout de ce qu’il aurait dû savoir. En vérité, plus que la quête de justice pour les victimes, c’est une tentative d’exécution politique en règle qui s’est jouée sous nos yeux.
Pendant plus de cinq heures, des parlementaires se sont transformés en juges et François Bayrou n’avait d’autre choix que d’adopter la seule stratégie qui vaille face à des enragés : la meilleure défense, c’est l’attaque.
La méthode du co-rapporteur Vannier ? Bien connue chez LFI. Substituer l’insinuation à la preuve, la mise en cause morale au fait établi, le matraquage d’accusations répétées à l’envi. Des méthodes staliniennes.
« Clou du spectacle » : rappeler à François Bayrou sa gifle donnée à un jeune voyou en 2002, en pleine campagne présidentielle, pour tenter de démontrer une soi-disant complaisance avec toutes les violences et crimes commis sur des enfants à Bétharram des années auparavant, est profondément indécent. En convoquant cette scène sans rapport avec l’affaire Bétharram, le co-rapporteur Patrick Vannier révèle son véritable objectif : abattre François Bayrou, peu importe les faits.
Rappelons que cette fameuse gifle de 2002 est le symbole d’une société qui tentait encore, il y a plus de vingt ans, de ne pas plonger dans le laxisme des temps modernes. Une gifle, une tape, appelez-le geste comme vous le voulez, n’est pas pédagogique, certes, mais c’est une punition qui, si elle est suivie de paroles et d’explications, peut conduire un jeune à prendre conscience de ses méfaits et de la mauvaise pente sur laquelle il va finir par se perdre.
Mais revenons à Bétharram ou plutôt à Bayrou : plus que la vérité et la justice pour les enfants victimes des violences sexuelles et des crimes commis par une institution scolaire obsolète, – scolaire et ecclésiastique devrions-nous ajouter -, c’est bien la tête de François Bayrou que Vannier veut se payer avant tout.
Le Béarn, les petites baronnies locales, la violence intrinsèque à l’Eglise catholique (le pape Léon XIV changera-t-il la donne ?), l’amnésie collective d’une époque où l’on préférait taire plutôt que combattre : oui, il y a là matière à réflexion et à agir. Mais ce n’est pas Bayrou qu’il faut juger, c’est tout un système, toute une société, ses silences, ses non-dits, sa lâcheté parfois.
Réduire ce drame collectif à une opération de destruction politique ciblée, c’est trahir la mémoire des victimes, et détourner l’opinion d’une question autrement plus grave : comment les institutions, familles, éducateurs, élus ont-ils pu fermer les yeux si longtemps ? Cette question fut à peine évoquée pendant cinq heures.
Aujourd’hui, ce sont les nouveaux chiens de garde de la moraline sélective qui hurlent. Médiapart, les Insoumis, certains parlementaires en quête de buzz permanent : ils jettent en pâture à la vindicte médiatique des hommes et des femmes dont le seul crime est, peut-être, d’avoir été sourds ou aveugles à une époque où l’on ne parlait pas, où l’on ne dénonçait pas, où l’on se taisait. Regarder une autre époque avec les yeux d’aujourd’hui est criminel.
Qu’on veuille faire la lumière sur les crimes commis, qu’on entende les victimes, qu’on réforme si nécessaire nos institutions : mille fois oui. Mais qu’on ne transforme pas cette exigence de vérité en une basse opération de règlement de compte. Car si l’amnésie collective est coupable, la chasse à l’homme ne l’est pas moins.
Pour la sérénité et le salut de cette commission d’enquête, il est temps que Monsieur Vannier démissionne.
Michel Taube

Bayrou, Bétharram et les nouveaux chiens. L’édito de Michel Taube



















