
J’effectue depuis quelques jours un voyage de solidarité avec le peuple d’Israël, durement éprouvé après la guerre contre l’Iran. Trump, certainement à cause du décalage horaire, a appelé ce conflit la guerre des 12 jours. Il a tort, le bon nom devrait être la guerre des 12 nuits, car l’essentiel des missiles balistiques et des drones iraniens tombaient la nuit, obligeant les Israéliens à dormir habillés, prêts à foncer vers les abris.
Mes différentes rencontres m’ont permis de mieux ressentir l’état d’esprit de nos amis et alliés israéliens, et l’évolution du paysage politique au moment où la coalition au pouvoir actuellement pourrait vivre ces dernières heures. Nous sommes certainement à quelques semaines de nouvelles élections législatives en Israël.
Dans une démocratie fatiguée, unie par les attaques barbares du 7 octobre 2023 et par les frappes massives iraniennes, mais fracturée par la guerre et le ressentiment, Naftali Bennett pourrait bien incarner une résurgence inattendue de l’espoir israélien.
Alors que les rumeurs d’élections anticipées se font plus précises, que la coalition de Benjamin Netanyahu se fissure sous le poids des contradictions internes – entre ultra-orthodoxes, extrême droite messianique et réal–politiciens désabusés – un homme fait son retour avec calme et détermination : Naftali Bennett, ancien Premier ministre éphémère, stratège discret, républicain convaincu.
Il revient sans fanfare mais avec méthode. Il ne promet pas la lune, mais propose une boussole.
Un bloc au centre-droit, sans dogme
Bennett n’est pas un homme de slogans : c’est un homme de solutions. Sa nouvelle formation, sobrement baptisée “Bennett 2026”, n’arbore ni drapeau populiste, ni messianisme religieux. Elle se positionne là où une majorité silencieuse attend une alternative : au centre-droit pragmatique, rationnel, libéral sur le plan économique, attaché à la cohésion sociale, résolu sur les questions de sécurité, mais aussi respectueux de la diversité et de la République israélienne dans ce qu’elle a de plus fondamental.
Il ne parle pas à une seule tribu. Il parle à toutes.
En cela, il se distingue radicalement des formations extrémistes qui divisent la société israélienne en blocs irréconciliables : religieux contre laïcs, Ashkénazes contre Séfarades, colons contre Telaviviens, ultra-orthodoxes contre soldats, juifs contre non-juifs. Bennett propose autre chose : la responsabilité partagée, le retour à une vision nationale qui dépasse les factions.
Ni héros, ni prophète. Un Premier ministre possible.
Il ne cherche pas à incarner un Messie politique. Il ne prétend pas réinventer l’Histoire ni abolir les conflits. Il se présente comme un Premier ministre possible, crédible, compétent, cohérent. Et dans le contexte actuel, c’est déjà une révolution.
Face à un Netanyahu prisonnier de ses propres alliances, face à une gauche sans projet commun, face à des modérés divisés et désorientés, Bennett avance. Il ne fait pas campagne contre les autres, il campe son propre espace : celui de la reconstruction.
Un programme d’ordre et de clarté
Il parle sécurité sans tomber dans la guerre permanente. Il parle économie sans céder au clientélisme. Il parle du pays réel, de ceux qui travaillent, qui éduquent, qui servent, qui prennent des risques, mais qui n’en peuvent plus de voir leur fardeau s’alourdir pendant que certains en sont dispensés.
En cela, son projet d’imposer la conscription pour tous – y compris pour les étudiants des écoles religieuses – n’est pas un détail technique, mais un signal républicain fort. Tous citoyens, donc tous redevables. Surtout quand ceux qui poussent à continuer les combats refusent de faire l’armée…
Il veut simplifier la bureaucratie, réconcilier les Israéliens avec leur État, redonner une voix aux entrepreneurs comme aux enseignants, à ceux qui veulent vivre leur judaïsme dans l’espace privé tout en respectant la neutralité de l’État. Il souhaite investir davantage dans l’éducation et dans l’intégration pour toutes les populations qui composent Israël, avec une attention plus particulière portée aux femmes arabes israéliennes.
Un discours laïque, en somme, à la française, respectueux du pluralisme, de l’altérité, et qui redonne son sens premier à l’identité juive : non pas arcbouté sur un dogme, maisconscient de sa mission éthique, de sa responsabilité partagée.
Une chance à saisir pour Israël
Les sondages le placent déjà en deuxième position, derrière un Likoud affaibli mais encore structurant. Et dans un système parlementaire fracturé, cela pourrait suffire pour devenir le pivot d’une future coalition de salut républicain.
Naftali Bennett, c’est peut-être l’homme du 15ᵉ jour – celui qui arrive après l’épuisement des partis de la veille, après le vacarme, après les extrêmes. Le calendrier juif repose sur une durée de mois liée au cycle lunaire : le 15ème jour, c’est le moment de la clarté la plus forte, où la lumière est plus intense. Bennett pourrait ainsi être l’homme du sursaut, du clair face à l’obscur, en tout cas de l’éclaircie.
Un homme qui ne promet pas des miracles mais du sérieux. Un homme qui ne cherche pas à incarner la colère mais à panser les plaies. Un homme politique, au sens noble du terme.
Et si c’était ce dont Israël avait le plus besoin aujourd’hui ?
Sa démarche est assez similaire à celle d’Emmanuel Macron en 2016/2017, une démarche qui cherchait à rassembler ce qui est épars, une démarche qui lui a permis de gagner. Nous verrons très vite s’il est bien l’homme de la situation, et si, comme d’autres, il ne déçoit pas très vite ses supporters.
La politique donne souvent raison, en France comme ailleurs, à une réplique de Thierry Lhermite dans un film d’anthologie : « ce n’est pas la stratégie qui m’inquiète, c’est le stratège »…
Espérons néanmoins…
Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers, auteur de « Ici et maintenant – lecture républicaine de la Torah » (préface du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, éd. David Reinharc).


















