Opinion Paris 2024
10H30 - dimanche 9 juin 2024

Comment l’été olympique se déroulera-t’il en Ile-de-France pour tous ceux qui devront y circuler ? Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #30 (épisode 2) de Frédéric Brindelle

 

Nous avons convenu lors du précédent article, qu’un déplacement à proximité des évènements ne pouvait pas s’envisager en voiture. Pendant deux mois, les Franciliens, résidents ou pas, concernés par les Jeux Olympiques ou pas, voyageront uniquement à pied, à vélo ou en transports en commun.

Analysons les cas de figures

Une fois votre vélo réparé, vous vous lancez mais devez accepter de rouler beaucoup moins vite que Julian Alaphilippe.
Paris vous livre ses enfilades de feux rouges, de croisements, de contresens, de piétons indisciplinés, errant inconsciemment sur la voie qui vous est réservée. En France, le lent roule à gauche (ce qui devrait réconforter nos amis Britanniques).
Doubler ressemblera plus, à l’exercice du keirin, discipline reine du cyclisme sur piste, caractérisée par ses chutes collectives mémorables, qu’à la balade des gens heureux.
Quant au banlieusard, résidant à plus de 20 kilomètres de Paris, il tentera de grimper avec son vélo dans le transilien (train de banlieue) où les utilisateurs de trottinettes attisent déjà depuis des mois la haine des passagers écrabouillés.
En cas de succès, une fois arrivé à Paris, il pourra rouler et se rendre aux compétitions. Car nos sachants se sont enfin décidés ! La gratuité est possible dans notre pays ! Il y aura des parkings à vélos, surveillés, à proximité des sites olympiques, avec un accès gratuit pour les détenteurs de billets.

Pour les autres cyclistes, il s’agira de s’adonner au sport national bien connu : le camouflage de son engin pour ne pas se le faire voler ou dégrader. Et puisque nous déplorons le réchauffement climatique, autorisons-nous à craindre, cet été, nos périples vélocipédiques sous 40 degrés à l’ombre… sans parler de l’éventuel terrifiant orage ou autre alerte aux particules ou pollens. 

Essayons donc les transports en commun qui enregistreront de 9 à 10 millions de déplacements quotidiens.
Les heures de pointes varieront au grès des épreuves. Rien que l’acheminement, de l’entrée de la station jusqu’à son quai, est estimé à 15 minutes. Un chaos ! Les adeptes de l’immobilisme sur la partie gauche des escaliers roulants, bloquant ceux qui veulent avancer, les habitués des déplacements à contresens, des achats d’artichauts aux vendeurs à la sauvette au milieu du couloir à 18h, savourent d’avance. Ils devront changer de logiciel. Dans le cas contraire, comment accéder à la porte du métro ou du train déjà bondé ?

Habituellement, le Parisien n’envisage pas son déplacement dans le cadre d’une interdépendance collective, quel que soit le moyen de locomotion. Il roule à 50 km/h sur la voix de gauche de l’autoroute en écrivant un SMS ; il s’arrête au feu vert ; roule sur les trottoirs ; marche sur les routes ; stationne dans les couloirs de bus. Parviendrons-nous à modifier tous ces comportements ?

Si le cœur vous en dit de prendre le train, le métro ou le bus, essayez-vous à la sophrologie. Respirez !
Vous n’entendrez alors pas votre voisine hurler au téléphone, réglé en mode haut-parleur. Vous n’apercevrez pas les clochards drogués installés sur deux sièges. Vous ne sentirez pas le frotteur vicieux. Vous ignorerez le gamin hyperactif ou le pickpocket…

Les forces de sécurité, les bénévoles, les personnels des sociétés de transports, revigorés par des primes généreuses, appliqueront la consigne. Tels des aventuriers modernes, ils s’apprêtent à remodeler la vie parisienne en société, soutenus par quelques outils, ces fameuses applications installées dans l’incontournable smartphone.
Trois innovations régiront la vie des olympiens : « transport public pour Paris 2024 » accompagnera le voyageur, grâce au principe de répartition des foules. Elle aiguillera pour se rendre sereinement sur les lieux de compétitions. Deux autres applications la renforcent : Paris 2024 Olympics (info événement), Paris 2024 tickets (billets achetés).

Dans l’esprit des décideurs de Paris 2024, trottent cependant les impondérables et les sabotages.
Que faire si un sac est oublié sur le quai ? Les démineurs exigeront l’évacuation des usagers. En cas d’accident de voyageurs, faudra-t’il interrompre le trafic ? Les vraies ou fausses alertes, les cyberattaques sur le « tout informatisé » événement, les agressions, hantent nos têtes pensantes.

Le paris Olympique de Paris s’inscrit dans la nécessaire modernité écologique que nos sociétés occidentales doivent adopter.
La politique d’héritage post Paris 2024 bute sur un implacable dilemme : voyager en transports en commun reviendra-t-il moins cher que le déplacement en voiture, avant les récentes flambées dissuasives des prix de l’essence bien sûr ? Difficile de trancher. Mais la question ne devrait plus se poser si nos politiques souhaitent vraiment relever le défi de la préservation de la planète et opter pour une écologie incitative.

Les travaux se poursuivront après la fête, pour finaliser les lignes 15, 16 et 17 du Grand Paris Express, le métro automatique autour de la capitale. Les franciliens peinent à entrevoir le bout du tunnel des ralentissements. Ils renonceront peut-être à déprimer dans les embouteillages et fuiront vers d’autres lieux de vie. Ou bien, ils consentiront à modifier leur mode de fonctionnement et réussiront à se déplacer sereinement.
Le principe de l’héritage se caractérise ainsi : on sait qu’il y en a un mais la question de sa répartition demeure taboue. En fait, personne ne sait ce qui lui reviendra.

 

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »