Opinion Paris 2024
08H19 - mercredi 15 mai 2024

Comment dénoncer l’abus de celui qui tient les rênes de votre avenir ? Dans les yeux de Paris 2024, la chronique #20 de Frédéric Brindelle

 

L’omerta règne inévitablement. Comment dénoncer l’abus de celui qui tient les rênes de votre avenir ? Le vôtre et celui de vos coéquipiers qui portez parfois la casquette de témoin, et le bâillon d’aspirant au rêve ultime de champion.

Il y a le sélectionneur rédacteur de la feuille de match sur laquelle votre nom ou celui de votre concurrent trônera. Vous devez le convaincre, peut-être le séduire.

Il y a ce préparateur coach, substitue du parent, qui s’arroge le rôle de garant de l’autorité toute puissante. Vous devez lui obéir, sans discernement.

Il y a cet entraîneur, tantôt éducateur moral, tantôt initiateur artistique dont l’incontournable intrusion peut franchir les limites de l’intime.

Vous n’avez, dans ce cas, jamais envisagé quelle posture défensive adopter. Le quotidien des sportives et des sportifs s’offre telle une proie à la perversité pathologique. Souvent lors de la stratégique étape de l’adolescence, le futur champion tergiverse entre l’affirmation de l’adulte et la docilité de l’enfant.

Le champ de l’immonde ouvre alors ses perspectives.

La lutte contre les violences sexuelles et sexistes accapare l’esprit des décideurs du monde du sport. La caisse de résonance « Paris 2024 » rendrait toute nouvelle affaire catastrophique pour, d’abord les victimes évidemment, mais aussi nos fédérations et institutions. Cette période marque le renforcement des dispositifs de préventions et de signalisations.

La gymnastique, le patinage artistique, le tennis, le football, le judo, le cyclisme et tant d’autres encore tus, déplorent des drames de pédophilie, de harcèlement, de violence, d’exclusion.

La ministre Amélie Oudéa-Castéra multiplie les actions pour que notre pays devienne exemplaire, en mettant à nu tout un système, par la mise en place d’outils incitant au signalement.

En 2023, 377 personnes ont été mises en cause via des signalements à la cellule nationale « Signal-Sports » sur 710 signalements reçus.

Les procureurs de la République dégainent au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, les préfets agissent (décisions en urgence, mesures pérennes d’interdiction, notifications d’incapacité…)

Les fédérations, les clubs, les établissements, relaient afin de rétablir le dialogue avec les sportifs et leurs parents. Le sport subit les fragilités de son fonctionnement qui offre un terrain inspirant pour les agresseurs.

Comment communiquer astucieusement pour déconstruire leurs stratagèmes ?

Par des espaces publicitaires mobilisés sur les réseaux sociaux, par les canaux d’information habituels des clubs pour leur licenciés, par la mobilisation de l’ensemble du réseau d’acteurs du sport et des collectivités territoriales. Des référents sport prennent position au sein des instances judiciaires en lien avec les Services départementaux à la jeunesse et aux sports, la police met en place de nouvelles unités spécialisées, les formations abondent pour les encadrants et les diplômés des activités sportives.

Le dispositif « Signal-Sports » prend ses marques. Depuis son lancement en 2020, le ministère révèle ces chiffres asphyxiants : « 90% des faits dénoncés concernent des violences sexuelles, 81% des victimes sont de sexe féminin, 77% des victimes étaient mineures au moment des faits et 37% des faits dénoncés concernent des victimes âgées de moins de 15 ans ».

Une cellule « Signal-Sports » s’installera ainsi au cœur de Paris 2024.
Les athlètes pourront trouver ses interlocuteurs au Club France et au Village des athlètes, y compris pour les délégations étrangères. Simon Biles, la star américaine de la gymnastique mondiale, illuminera nos Jeux Olympiques sans jamais se couvrir de l’anticyclone qui ferait table rase du drame dont elle et ses coéquipières ont été victimes, malgré la condamnation du docteur prédateur qui a mutilé leur jeunesse.

Au-delà des drames évoqués précédemment, à l’heure des premiers pas sur les scènes sportives, le monde du sport doit aussi s’attaquer à des phénomènes qui sévissent au plus haut niveau. La question des discriminations et des violences sexistes et sexuelles pollue nos sociétés. L’olympisme humaniste s’empare des pouvoirs qui lui reviennent de fait, pour combattre. La France organisatrice se positionne en leader pour cette lutte.

La ministre des Sports ponctuera son chantier par un projet de loi présenté au lendemain des Jeux paralympiques afin de renforcer les outils et les moyens existant. La suspension à vie de la licence, l’efficacité du contrôle d’honorabilité, la définition d’un cadre pour certaines activités bénévoles, l’alourdissement des sanctions, devraient nourrir le texte.

L’ancienne ministre communiste Marie-George Buffet et le champion du monde du 400 mètres Stéphane Diagana animent une grande concertation jusqu’au mois de juin, auprès des acteurs concernés.

Pour ceux qui doutaient encore de l’utilité de nos Jeux, voici un exemple du « remue-méninges » que nos décideurs y associent. Pour ne pas gifler l’avenir de nos futurs champions.

Frédéric Brindelle
Journaliste, chef de rubrique « Opinion Paris 2024 »