L'édito de Radouan Kourak
00H08 - dimanche 27 août 2023

Le Rassemblement National enfin dédiabolisé ? Retour sur un an à l’Assemblée nationale. L’hebdo politique de Radouan Kourak

 

Dans quelques semaines, le 25 septembre, puis le 3 octobre dans l’Hémicycle, débutera la deuxième année de cette XVIe législature de l’Assemblée nationale si atypique dans l’histoire de la Vème République. Atypique par l’absence de majorité absolue pour le camp présidentiel, mais surtout par la percée historique du Rassemblement National, désormais installé comme la première force d’opposition avec 88 députés.

À peine arrivée au Palais Bourbon en juin 2022, Marine le Pen avait prévenu ses nouveaux collègues en les appelant à l’exemplarité notamment sur la tenue vestimentaire, certains observateurs parlant même de la stratégie de la cravate.

Ainsi, le groupe parlementaire du Rassemblement National s’est certes opposé au projet de lois repoussant l’âge de départ à la retraite mais pendant un an il s’est défini comme constructif : le groupe a voté en faveur de 18 des 34 projets de loi présentés par le gouvernement.

Seule entorse à cette normalisation : le 3 novembre 2022, lors d’une question au gouvernement portant sur le secours des migrants naufragés en mer, le député insoumis Carlos Martens-Billongos a été interrompu au cri de « qu’il(s) retourne(ou retournent) en Afrique » par Grégoire de Forunas, député RN de Gironde. Cette polémique a suscité l’indignation de la quasi-totalité la classe politique française. Suite à cet incident, les députés ont voté en faveur de l’exclusion temporaire pendant quinze jours de leur collègue pour « manifestation troublant l’ordre, ou qui provoque une scène tumultueuse ».

Les critiques, les adversaires du RN n’en ont pas manqué pendant cette année parlementaire. Les députés RN n’ont eu de cesse d’être tantôt taxés par Renaissance de députés sans liberté de vote et disciples de Marine le Pen, tantôt accusés par les Insoumis d’être une opposition fantôme. C’est avec ces derniers que les tensions auront été les plus grandes. A leur sujet, Marine le Pen déclarait à la jeune garde de son parti en juin dernier : « ils incarnent tout ce que nous combattons : ils sont pour le désordre, on est pour l’ordre, nous défendons notre identité et notre culture, ils prônent la déconstruction, nous souhaitons protéger nos frontières, ils sont pour l’immigration massive… ».

Petite entorse à ce duel, le Rassemblement national a voté sans succès en faveur de la motion de censure déposée par la NUPES en octobre 2022 avec qui visait à renverser le gouvernement d’Elisabeth Borne. La réciproque n’a pas eu lieu : les Insoumis et les écologistes ont dédaigné voter avec le RN, qualifiant maintes fois ses députés de « danger pour la République ». Un député LIOT  a lui confié qu’il « ne souhaite pas proposer de loi main dans la main avec eux » mais qu’il n’a aucun souci à voir ses amendements ou propositions votés par le RN.

Comme fondu dans le paysage politique, on oublie presque que le Rassemblement National compte deux vice-présidents dans l’hémicycle, Sébastien Chenu et Helene Laporte, un fait inédit dans l’histoire. A propos du premier, la Présidente Yaël Braun-Pivet a soutenu qu’il n’était pas « un bon mais un très bon vice-président de l’Assemblée ». Une déclaration qui a choqué la gauche et agacé son parti.

Philippe Schreck, avocat et désormais Député du Var, fait aujourd’hui partie des techniciens du groupe, l’élu atteste devoir son élection à ses électeurs mais aussi en grande partie à Marine le Pen.  C’est en réalité le discours majoritairement tenu par les parlementaires du parti, preuve de la culture de la cheffe et du leadership naturel de Marine le Pen sur ses troupes. Nul doute que Marine le Pen construit sa candidature à l’élection présidentielle de 2027 en se servant de son groupe comme d’un laboratoire.

C’est le troisième groupe le plus jeune de l’hémicycle avec une moyenne d’âge de 47 ans pour ses membres, derrière les groupes écologiste et Insoumis qui eux présentent un âge moyen de 44 ans. Le parti fondé par Jean-Marie le Pen est aujourd’hui représenté à l’Assemblée par un nombre important de députés au profil et au parcours atypiques et différents.  Julien Odoul, Edwige Diaz, Laure Lavalette… Ces nouveaux visages de la vie politique française font désormais partie du quotidien des Français. Tels de bons soldats ils prêchent dans les médias la parole de leur raïs Marine le Pen.

Résultat de ce lissage parlementaire : l’image du parti lepéniste a évolué dans l’opinion. Selon un sondage Ifop-Fiducial pour le JDD  paru le 18 juin dernier, le RN fait aujourd’hui moins peur aux Français que La France insoumise.

Présente au second tour des deux dernières élections présidentielles, Marine Le Pen est pour les sondeurs en pole position pour y accéder une troisième fois au second tour en 2027, suscitant désormais dans tous les camps politiques la question : qui pourrait seulement battre Marine le Pen au second tour ?

D’ici là, ce dimanche, Gerald Darmanin, comme adoubé par Nicolas Sarkozy, réunira pour la première fois dans son fief de Tourcoing ses soutiens, première étape du match qu’il espère installer face à Marine Le Pen dans un peu plus de 1300 jours.

Radouan Kourak

Rédacteur en chef d’Opinion Internationale