La chronique de Patrick Pilcer
16H28 - vendredi 30 juin 2023

Les trois piliers du vote RN. La chronique de Patrick Pilcer

 

« Qui connaît l’autre et se connaît lui-même, peut livrer cent batailles sans jamais être en péril. Qui ne connaît pas l’autre mais se connaît lui-même, pour chaque victoire, connaîtra une défaite. Qui ne connaît ni l’autre ni lui-même, perdra inéluctablement toutes les batailles. »  Sun Tzu

Qu’il y ait un remaniement début juillet, ou non, que Julien Denormandie remplace Elisabeth Borne ou non, qu’il y ait deux ou trois remaniements ensuite, avant 2027, peu importe. Si le camp républicain veut l’emporter et créer un grand Rassemblement National Républicain, et battre Le Pen fille, il lui faut bien connaître ce qui amène les électeurs à mettre un bulletin Le Pen dans l’urne, et adresser les préoccupations de ces électeurs.

Ces électeurs ne sont pas, ou pas tous en tout cas, de vilains fachos qui aimeraient voir Mussolini, Pétain, Poutine ou Hitler au pouvoir. Ces électeurs ne sont pas, ou pas tous, anti-sémites, anti-musulmans ou anti-République. Certains même se sentent foncièrement attachés aux valeurs républicaines.

Mais leur vote me semble reposer sur trois piliers, l’insécurité physique, l’insécurité sociale et l’insécurité culturelle.

Ces trois piliers offrent aujourd’hui une stabilité forte au vote lepéniste. En physique, en mécanique des solides en particulier, c’est aussi le cas ; les trois piliers permettent un isostatisme, une stabilité. Par contre deux piliers ne procurent plus de stabilité, c’est l’hypostatisme, le système est instable, un coup de vent peut faire tomber l’édifice. Encore plus instable si l’édifice n’a plus qu’un pied. Autrement dit, si nous nous attaquons à éroder, à saper chacun de ses piliers, on peut faire tomber le vote lepéniste. Et malgré les apparences, nous n’en sommes pas si loin.

Commençons par l’insécurité physique. Par insécurité, il faut bien sûr entendre sentiment d’insécurité. Indéniablement, la violence physique, les trafics en tout genre, la drogue, la prostitution, nouvelle forme d’esclavage, les zones de non droit, les territoires perdus de la République ont proliféré ces vingt dernières années. On s’attaque maintenant ouvertement aux symboles de la République, aux édifices municipaux mais aussi aux représentants de la République. Les incivilités se multiplient, et on parle à nouveau, à juste titre, de dé-civilisation.

Pire, les citoyens ont le sentiment que la Justice n’œuvre pas, que les policiers ont beau arrêté des délinquants, ceux-ci se retrouvent bien trop vite dans la rue. Nos citoyens ne peuvent accepter l’absence de sanctions réelles après les ZAD de Notre Dame des Landes, après Saint Soline, après les atteintes à l’ordre public comme à la propriété privée par les Gilets Jaunes, ou par les éco-terroristes, comme après les violences intolérables des black blocks. Nos citoyens ont le sentiment que la société est plus violente, plus dangereuse, que la passivité voire l’impunité deviennent la règle, et ils ne voient pas les képis bleus les protéger, ni les juges assurer par des sanctions justes la sécurité de notre société.

Insécurité sociale bien sûr, car même si le chômage baisse, nos citoyens ont peur de la fin de mois. Ils craignent de perdre leur emploi, leur pouvoir d’achat, leur bien-être voire leur toit. Et ils craignent encore plus pour leurs enfants. Les parents dans les années 60 espéraient avec raison que leurs enfants bénéficieraient d’un meilleur niveau de vie, de meilleurs emplois, de meilleures conditions de travail, de meilleurs revenus, d’un meilleur logement, qu’ils achèteraient leur logement et ne seraient plus dans l’insécurité du locataire.

Les parents d’aujourd’hui ne partagent plus le même espoir, quand ils ne sombrent pas dans le désespoir. Ils en viennent à penser que l’ascenseur social fonctionne à pleine vitesse dans la descente et que pour la montée, la pente de l’escalier devient très raide, et l’escalier très étroit, ne laissant que trop peu d’élus en bénéficier. 

Enfin l’insécurité culturelle. Cette notion que l’on doit à Alain Mergier et Christophe Guilluy, notion surtout développée par le regretté Christophe Bouvet, popularisée par Michel Wieviorka et Jean Yves Camus, décrit le sentiment, le ressenti d’une partie de la population inquiète face au multiculturalisme. J’invite le lecteur à se replonger dans les études de Guilluy sur la France périphérique par exemple. Ces auteurs décrivent parfaitement l’inquiétude d’une population, pas seulement l’inquiétude des Français, devant l’arrivée considérée par elle comme massive de populations d’origine culturelle différente.

Ce ressenti n’est pas du racisme, cela peut l’être bien sûr, mais c’est avant tout une peur, la peur de l’autre, la peur de perdre ses repères culturels, de devoir adopter une façon de vivre venant de ses nouvelles populations, de perdre une partie de son identité. Ce n’est d’ailleurs pas qu’envers la population musulmane, car cette peur est ressentie aussi par les populations musulmanes d’un quartier quand une population chinoise, par exemple, s’installe à ses côtés.

Nier ces peurs, nier cette notion d’insécurité culturelle, est certainement facile depuis Saint-Germain-des-Prés, mais il suffit d’aller à Saint-Denis, Stains, Pierrefitte, Mantes-la-Jolie, pour mieux appréhender la réalité de cette notion.

Trois peurs, trois insécurités, trois piliers sur lequel reposent le vote lepéniste en 2023, trois piliers sur lequel s’appuie Le Pen fille pour gommer l’absence de programme politique réel et pour proliférer. Si le Camp des Républicains veut l’emporter en 2027, il faut, très rapidement, qu’il prenne en compte ces peurs, ces sentiments, différents mais reliés, d’insécurité.

Et tout n’est pas perdu, pour voir le verre à moitié vide, tout est possible pour voir le verre à moitié plein.

Sur l’insécurité physique, Gérald Darmanin pour l’Intérieur et Eric Dupont-Moretti pour la Justice travaillent ensemble dans cette lutte. Et jusqu’au plus haut niveau, chacun est convaincu qu’il faut mettre à terre les réseaux de délinquance, les trafics en tout genre. Peut-être faut-il mettre encore plus de « bleu » dans nos rues, plus de policiers et gendarmes un peu partout, voire des ilotiers, pour non seulement abattre ces fléaux mais aussi, transformer le sentiment d’insécurité en sentiment de tranquillité. Il faut surtout que les sanctions frappent lourdement ces délinquants. Plus de moyens aux juges, plus de places en prison, le retour d’une réelle médecine psychiatrique en prison, etc… chacun le sait, faisons !

Sur l’insécurité sociale, les mesures sur la réindustrialisation du pays, sur la souveraineté économique, comme lors du déplacement très remarqué du Président en Ardèche avec ses annonces sur l’industrie du médicament, vont amplifier le retour de l’économie française sur le chemin du plein emploi. Mais cela ne suffit pas ; il faut aussi s’attaquer efficacement au sous-emploi des moins de 25 ans et des plus de 55 ans. Tout en aidant les plus faibles d’entre nous.

Est-il acceptable en 2023 que les jeunes entre 18 et 25 ans bénéficient si peu du RSA, par exemple, alors que toutes les études montrent que lorsqu’un jeune s’installe dans la pauvreté avant 25 ans, il ne peut que très difficilement en sortir ? Trois fois non ! Il faut tout faire pour que nos jeunes ne soient pas dans la précarité. Il nous faut repenser notre système de solidarité, éviter les « trous dans la raquette », éviter le gaspillage comme les abus, allouer plus efficacement nos subventions. Nous y sommes presque, nous pouvons faire bien mieux, nous pouvons, yes we can  

Enfin, l’insécurité culturelle. Là malheureusement, les analyses pertinentes de Bouvet et consorts, peinent à être entendues, et restent au fond des tiroirs. Pire, le remplacement inopportun du Ministre Blanquer par N’diaye a fait dévier notre pays d’une trajectoire vertueuse.

Sur ce sujet, comme sur les deux autres d’ailleurs, tout commence à l’Ecole. Tout devrait commencer dans les familles par l’Education et l’apprentissage de la Civilité. Puis à l’Ecole par l’Enseignement. La mise en sommeil, de fait, du Comité des Sages de la Laïcité laisse malheureusement le personnel enseignant dans l’embarras le plus complet, embarras dont tente de profiter les salafistes et fréristes, avec leur offensive sur les abayas par exemple, la nature a horreur du vide ! nos gouvernants doivent lutter contre le djihadisme violent, qui augmente l’insécurité physique mais ils doivent aussi mettre un terme au djihadisme de bas bruit, d’entrisme, de pénétration lente dans nos écoles et universités. Comme à son cousin, le wokisme !

Surtout, et là le mal dure depuis les années 80, l’Ecole ne permet plus l’ascenseur social. 

L’Ecole doit tirer nos jeunes vers le haut, non niveler tout le monde vers le bas. Ce nivellement rejaillit sinon sur les trois piliers que j’évoque, insécurité physique, sociale comme culturelle. La souveraineté industrielle est souhaitable, mais il convient surtout de développer notre souveraineté intellectuelle et scientifique, il nous faut aider nos écoles d’ingénieurs, nos centres de recherche, nos pôles d’excellence, nos laboratoires, avoir plus de brevets, plus de start-ups, et donc plus de licornes et d’unicornes ! Investir 100M€ dans une grande usine, c’est bien, investir 100M€ dans nos écoles d’ingénieurs et dans leurs laboratoires, c’est mieux ! on multiplie l’impact.

Inutile d’écrire que le ministre Pap N’diaye n’incarne pas ce combat, et là, il y a un réel souci d’incarnation, bien plus que dans le poste de Premier Ministre, car, au bout du bout, Elisabeth Borne fait un travail remarquable, trop peu souligné, par machisme inconscient peut-être.

Il est encore temps de lutter contre ces trois piliers d’insécurité, nous pouvons gagner les batailles à venir, car nous connaissons nos forces et nos faiblesses, parfaitement, comme celles de nos adversaires. Un grand Rassemblement National Républicain peut remporter l’élection de 2027 !

 

Patrick Pilcer

Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers