La chronique de Patrick Pilcer
10H02 - dimanche 18 juin 2023

Comment battre Le Pen et le RN ? La chronique de Patrick Pilcer

 

Depuis quelques semaines, la sphère politique républicaine s’interroge sur la meilleure stratégie pour battre Le Pen fille lors de la prochaine présidentielle. Doit-on continuer à rappeler les origines d’extrême droite de ce mouvement ou doit-on parler de l’inefficacité de son projet économique et politique ? Pour ne pas reprendre un terme plus qu’usé à force d’être utilisé depuis 2017, il faut bien sûr faire l’un et l’autre !

Il faut bien sûr ouvrir, à chaque fois, les yeux des électeurs, et bien distinguer les électeurs des dirigeants du RN. Le passé éclaire souvent l’avenir, il explique d’où l’on vient, ce qui a forgé notre pensée, ce qui alimente notre philosophie politique, ce qui nous a fait changer, évoluer, ce que l’on a permis d’améliorer comme ce qu’on a saccagé.

Peut-on comprendre le parti Les Républicains sans évoquer de Gaulle, l’appel du 18 juin, la Libération, la Reconstruction du Pays, la Constitution de 1958, Debré, Chaban, Chirac, Simone Veil, Philippe Séguin ?

Peut-on parler du PS sans évoquer Marx, Jaurès, Blum, Mitterrand, Mauroy, Rocard, Yvette Roudy, Fabius, Jospin, Valls ? Peut-on parler du PC, en France, sans parler de la Résistance comme de l’URSS ?

Peut-on parler du Parti Radical sans penser à la loi sur la séparation des églises et de l’Etat, à la Laïcité, à la défense des Valeurs Républicaines, à la création de l’impôt sur le revenu, au solidarisme, à Clémenceau, Aristide Briand, Leon Bourgeois, Jean Zay, Cécile Brunschvicg, Chaban comme Debré après guerre quand il fallait tout repenser à partir des vestiges de la République, Mendes France, Servan Schreiber, Françoise Giroud, Maurice Faure, Robert Fabre, Michel Crépeau, Henri Caillavet, Rossinot, Borloo ou Laurent Hénart ? Bien sûr que non.

De même quand on évoque le RN, il faut parler de ses origines, du pétainiste Tixier-Vignancourt, condamné à l’indignité nationale, s’il vous plait, après la Libération, candidat à la présidentielle de 1965 avec comme directeur de campagne Le Pen père, le fondateur du FN avec Pierre Bousquet, un ancien Waffen SS, et sous l’égide d’Ordre Nouveau, un mouvement néo-fasciste.

Il est utile aussi de rappeler les liens du FN avec des anciens de l’OAS, un mouvement terroriste d’extrême droite qui voulait que l’Algérie reste française. L’Histoire a montré que cela aurait été une profonde erreur. Avec ses 45 millions d’habitants, l’Algérie Française aurait modifié drastiquement la France dans son ensemble. Si le programme des amis et soutiens de Le Pen père avait été adopté, la France aurait soit connu un régime d’apartheid soit élu un président musulman et instauré la charia sur tout ou partie du territoire… Occident passant les clés à l’Orient ! bravo la capacité de réflexion et d’anticipation des penseurs du FN ! Mais jamais, Le Pen fille n’a condamné le traitre à la Nation Pétain, la collaboration, Tixier Vignancourt, l’OAS, son père. Jamais elle n’a reconnu que l’Algérie Française aurait été une erreur historique.

Rappeler les origines du RN aux électeurs n’est jamais inutile, c’est même notre Devoir car l’humain oublie trop vite.

Parallèlement, il faut parler des propositions du RN. Si tant est que l’on puisse citer de réelles mesures concrètes en dehors des yakafokon. Demandez autour de vous quelles sont les propositions du RN, le silence se fera longtemps entendre, sauf peut-être le retour de la retraite à 60 ans !

Là, même un lycéen dans les manifestations contre la réforme des retraites comprenait que la retraite à 60 ans que promettait Le Pen fille ne pouvait être qu’une promesse en l’air pour attirer le chaland ou un gouffre financier.

Sur l’International, à part tout reprocher à l’Europe et aux immigrés, fermer les frontières, vivre en quasi-autarcie, et danser la valse à Vienne, le vide sidéral. Sauf pour rassurer ses Grands Amis, comme Poutine avec des discours étonnants, en pleine guerre en Ukraine, sur la Crimée.

Chacune des propositions du RN, économique ou politique, n’est souvent destinée qu’à rejeter la faute sur des boucs émissaires, et surtout à séduire, endormir l’électeur pour conquérir le pouvoir. Aucune n’est réellement évaluée, financée. On met cravate et costume pour plus facilement manipuler les gens qui pensent que l’habit fait le moine, et on reprend le credo mitterrandien, les promesses n’engagent que les gens qui les écoutent… ensuite, si on analyse l’application des mesures promises, c’est surtout le désordre nouveau, dans tous les domaines…

Mais, surtout, pour battre le RN, il faut parler au Peuple, il faut lui montrer, avec un langage simple, clair, non technocratique, que l’on prend en compte ses colères, ses misères, pas seulement qu’on compte sur lui, mais avant tout qu’il compte pour nous. Il ne faut pas se contenter de mots, il faut lui apporter du concret et être sur le terrain, à ses côtés ! Le Peuple sait que la baguette magique n’existe pas et que le claquement de doigt fait un peu de bruit mais ne change rien. Le Peuple comprend qu’il faut donner du temps à condition d’être assuré d’avoir un pilote dans l’avion, des techniciens au sol et du personnel à bord compétents, entièrement dévoués à leur tâche. Il faut délivrer des résultats intermédiaires et apporter régulièrement des bilans d’étape, des rendez-vous sur le terrain, pas des mots, des actes.

Il faut redonner au Peuple Foi Espérance et Solidarité. Foi, confiance en l’avenir, foi, confiance en lui, foi, confiance en nous. Espérance, c’est-à-dire lui montrer, lui démontrer que ce que nous désirons peut se réaliser, à condition qu’on se retrousse, tous, tous ensemble, les manches. Solidarité, car seul on peut un peu mais ensemble on peut beaucoup et plus vite. Solidarité car il nous faut réécrire ensemble notre Pacte républicain, notre Vivre Ensemble, réapprendre la conjugaison de la Fraternité, mettre du verbe à la Fraternité !

En combattant sur ces deux fronts, celui de la mémoire et des valeurs, et celui du concret, des propositions, de l’analyse et de la confrontation des programmes, on peut gagner. A témoins les deux belles victoires aux Régionales de Renaud Muselier et Xavier Bertrand. Ils ont réussi à démontrer qu’un large rassemblement régional pouvait battre le RN.

A nous à présent de bâtir les conditions d’un large Rassemblement National Républicain pour battre le RN !

 

Patrick Pilcer

Conseil et expert sur les marchés financiers, président de Pilcer & Associés, Chroniqueur Opinion Internationale