Edito
09H25 - samedi 3 juin 2023

Auteur de violence sauvage sur sa femme Mohamed Haouas n’ira pas en prison ! Mais, chut, on ne critique pas une décision de justice ! L’édito de Michel Taube

 

Les juges pensaient-ils que la vidéo ne fuiterait pas ? Ou sont-ils blasés par le défilé quotidien des sauvegeons, des décivilisés et des violents qui engorgent les prétoires des tribunaux ?

Le rugbyman Haouas a sauvagement agressé sa femme mais il ne fera même pas une journée de prison ! Sa peine d’un an d’emprisonnement sera aménagé. 

La vidéo des coups portés à sa femme (même avec un ballon de rugby on ne fait pas cela) trouble pourtant gravement l’ordre public et indigne tout civilisé qui se respecte comme il doit respecter les femmes.

Mais mais mais… Nul n’a le droit de critiquer une décision de justice. Et donc nous devrions en rester là et retenir notre indignation.

La justice est rendue au nom du peuple français. Il est donc légitime et même sain de commenter les décisions de justice, rendues en notre nom. Se cantonner à l’analyse technique chère aux éditeurs juridiques et professeurs de droit est d’autant plus irrecevable que le droit est une science humaine et interprétative. 

Et pourtant l’article 434-25 du Code pénal est formel : « Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

Les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d’une décision.

Lorsque l’infraction est commise par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. »

Pour une fois, réjouissons-nous de la non-application de la loi, sans quoi nous pourrions nous croire dans la Russie de Vladimir Poutine ! 

En fait, commenter et critiquer une décision de justice, ce n’est pas chercher à jeter le discrédit sur cette dernière. C’est même vouloir contribuer à son établissement et être convaincu de sa perfectibilité. 

D’autant qu’une décision de justice peut être inspirée par des considérations idéologiques, culturelles, politiques inavouables ou explicites. Rappelons-nous de la motivation de ce jugement du tribunal de Lyon à l’égard de militants écolos qui avaient décroché le tableau du Président dans une mairie : « Face au défaut du respect par l’État d’objectifs pouvant être perçus comme minimaux dans un domaine vital, le mode d’expression des citoyens en pays démocratique ne peut se réduire aux suffrages exprimés lors des échéances électorales mais doit inventer d’autres formes de participation dans le cadre d’un devoir de vigilance critique ». [Le décrochage du portrait du chef de l’État dans une mairie] « doit être interprété comme le substitut nécessaire du dialogue impraticable entre le président de la République et le peuple ».

Ce n’est pas critiquer cette incroyable motivation (plus que le jugement lui-même) qui devrait être sanctionné, mais ce juge qui a confondu robe de magistrat et son gilet jaune. Comment dès lors s’étonner que tant de juges rechignent à condamner autrement que symboliquement les casseurs et autres black blocs ?

La jurisprudence de l’article 434-25 du Code pénal est rare : par exemple, le 15 mai 1961, la Cour de cassation jugea que le discrédit s’analyse en une atteinte sérieuse à l’autorité de la justice ou à son indépendance. 

Le 27 février 1964, la Cour de cassation assimila le discrédit au fait de qualifier une décision de « chef-d’œuvre d’incohérence, d’extravagance et d’abus de droit ». 

Ne serait-ce pas plutôt l’article 434-25 du Code pénal qui est en soi un abus de droit et un glaive qu’une justice excédée que ses dérives puissent être dénoncées pourrait brandir et abattre quand bon lui semble ? La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse sanctionne déjà la diffamation. C’est amplement suffisant. 

Quant à l’indépendance, les juges l’ont mais sans l’indispensable corollaire de la responsabilité. À quand un Conseil de prud’hommes des juges, principalement composé de parlementaires qui votent la loi, à l’image de la Cour de justice de la République ?

A quand un système à l’américaine où les juges seraient élus par le peuple puisqu’ils rendent la justice en son nom ?

Au fait, le Parquet a-t-il fait appel de la condamnation en première instance de Monsieur Houas ?  Pour la prévention de toute récidive et au vu de la gravité des faits commis, un peu de prison le ferait peut-être réfléchir. Ne serait-ce qu’un jour symbolique suivi de 364 jours de travaux d’intérêt général dans des associations pour les droits des femmes…

Michel Taube

 

Directeur de la publication