La chronique de Patrick Pilcer
11H15 - mardi 22 mars 2022

Quel pays peut encore croire en la parole des États-Unis sur la sécurité ?

 

La situation en Afghanistan a cruellement démontré au monde entier, l’an dernier, que l’engagement militaire et sécuritaire des Américains ne vaut plus grand-chose. Le Président Biden a préféré livrer les Afghans aux Talibans, et à leur effroyable conception de la charia, en quelques jours. Qui parle quelques mois plus tard du sort tragique des hommes, et surtout des femmes, dans ce pays, passé sous la férule des mollahs ? Certainement plus CNN ou le New York Times ! Malgré les engagements, les paroles des dirigeants américains ces vingt dernières années !

 

Depuis l’invasion russe en Ukraine, fin février, les Ukrainiens, non plus, ne croient plus dans la protection militaire et politique américaine. Kiev pensait s’être suffisamment rapprochée de Washington en participant à des exercices avec l’OTAN, en en accueillant sur son sol, et en agitant ainsi un chiffon rouge devant la Russie. Que nenni ! Les Polonais ont failli tomber dans le même miroir aux alouettes lorsque les Américains leur ont proposé de donner leurs avions russes aux Ukrainiens et de recevoir en échange des avions américains. Cela permettait aux Américains de moderniser plus vite leur aviation. Mais cela transformait de fait la Pologne en pays belligérant, sans armée de l’air vraiment formée aux nouveaux avions, et avec la promesse de protection américaine dont chacun peut à présent douter… Comme disait feu Mitterrand, les promesses n’engagent que les gens qui les écoutent… Biden aurait-il vraiment risqué la vie de ses GIs pour sauver Varsovie ? L’Armée turque se serait-elle battue pour Cracovie ? Madrid aurait-elle engagé son armée pour la Pologne ?

Et cette semaine, ce sont les pays du Golfe qui se mettent à douter de l’engagement de Biden à leur côté ! L’Administration américaine a en effet déclaré qu’elle était prête à examiner le retrait de la liste des entités terroristes les tristement fameux Gardiens de la Révolution ! Le monde entier sait pourtant que ce groupe au service de la dictature des Ayatollahs sévit depuis des décennies contre les intérêts des démocraties occidentales, contre Israël, via le Hezbollah et le Hamas, contre les pays du golfe via la rébellion au Yémen, contre la stabilité en Afrique via ses relais jusqu’au Mali. Ces terroristes iraniens ont tué des milliers d’innocents. Biden n’en a que faire.

Et tout cela pour arriver à un accord sur le nucléaire iranien, accord qui ne garantit en rien que l’Iran ne pourra se doter de l’arme nucléaire, au contraire. Là encore, comme avec les Polonais dans le dossier des avions, les États-Unis poussent Israël à frapper l’Iran, sans apparaître trop directement. Mais pourquoi ne livrent-ils pas eux-mêmes des avions aux Ukrainiens ? Pourquoi ne frappent-ils pas eux-mêmes les sites nucléaires iraniens ? Biden s’intéresserait-il plus aux nouveaux marchés juteux que lui fait miroiter Téhéran qu’à soutenir ses fidèles alliés ? c’est ce que semblent penser les dirigeants des monarchies pétrolières, et, du coup, ils refusent d’ouvrir plus les robinets de gaz et de pétrole ! ils boudent le secrétaire d’État Blinken.

 

Biden nous fait regretter Trump, c’est pour dire ! Biden ne fait que suivre les décisions de son mentor, Obama. Obama est en grande partie responsable de la guerre en Ukraine. S’il avait réagi fermement quand Bashar el Assad avait franchi la ligne rouge, qu’Obama lui-même avait tracée, sur l’utilisation d’armes chimiques, Poutine aurait compris que l’engagement et les paroles de l’Administration américaine n’étaient pas que de la gesticulation. L’Iran ne se serait pas installé en Syrie, ni la Russie.

Si Obama n’avait pas entouré systématiquement la Russie de nouveaux alliés potentiels de l’OTAN, comme l’Ukraine, Poutine n’aurait pas envahi militairement le Donbass en 2014, annexé la Crimée, et aujourd’hui envahi l’Ukraine. Il aurait trouvé des moyens plus acceptables diplomatiquement, et surtout humainement. Mettons-nous deux secondes à la place de ce dictateur paranoïaque. Aurait-on accepté sans réagir brutalement si les gardiens de la révolution iraniens ou Daesh s’étaient installés en Belgique, au Luxembourg, et en Suisse, avec des missiles pointés sur Paris ?

Biden a tourné la page Trump, faite certes d’imprévisibilité, voire d’outrance verbale, mais cette imprévisibilité, couplée à la puissance militaire et diplomatique des États-Unis, freinait les velléités russes et iraniennes. Biden nous ramène à l’époque Obama, et au repli, au retrait des États-Unis. La Russie en profite aujourd’hui. Demain l’Iran, après-demain la Chine !

 

À nous Français, à nous Européens d’intégrer totalement cette information, à nous de ne pas tomber dans le miroir aux alouettes américain ! L’Allemagne n’a pas encore totalement intégré cette donnée, et a préféré commander des F35 plutôt que des Rafales… À nous de savoir que nous ne devons compter que sur nos propres forces, notre propre dissuasion et notre armée !

 

Patrick Pilcer

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers