La chronique de Jean-Marie Viala
09H13 - dimanche 16 janvier 2022

Valets et maîtres

 

 

J’ai été énervé, déçu, fatigué, lassé, et même désespéré, de ce que l’air du temps me faisait vivre…aujourd’hui me voilà écœuré…c’est ainsi que depuis quelque temps je me couche en état nauséeux, et me lève en état nauséeux.

Tous les états dans lesquels je m’étais trouvé avant ne sont rien au regard de celui dans lequel je suis désormais.

Une envie de me couper de tout. Surtout de ne plus respirer, ni par la bouche, ni par les yeux, et encore moins par les oreilles, l’air du temps qui m’environne.

Celui que certains nomment la modernité. Ce mot qui est devenu synonyme de vulgarité.

J’ai pourtant assisté, depuis mon âge de vieux, c’est-à-dire depuis l’âge de dix ans au moins, à ce souffle de l’air du temps qui me rognait déjà le cœur. J’ai combattu très tôt cela, la poésie m’a aidé à le dire. Tel ce poème que je retranscris aujourd’hui, écrit alors que j’avais 15 ans… Il fait partie d’un recueil reconnu à Rome par l’Académie Léonard de Vinci, voilà déjà mille ans…

La canne blanche en avant

L’aveugle marchait en sifflant

Et pourtant le temps était noir

Et pourtant on était le soir

À la terrasse d’un café

Il est allé boire une bière

Devant un corbillard passait

Encore un qu’on portait en terre

Mais l’aveugle buvait, buvait

Sur sa table un journal disait

Que la guerre était déclarée,

Mais l’aveugle sifflait sifflait

Tout à coup l’orage éclaté

Une vieille femme tomba

Personne ne se précipita

Mais l’aveugle ne le vit pas

Près de lui un enfant passa

Lui envoya un pied de nez

Puis il lui vola sa monnaie

Mais l’aveugle fumait, fumait,

Devant lui une fille s’arrêta

« dis chéri tu viens faire l’amour

« j’ai pas bouffé depuis huit jours

« je ferai tout c’que tu voudras »

Alors l’aveugle se leva

Vers quelque rue il s’en alla

Et je l’entendis murmurer

« Être sourd, aussi, je voudrais »

 

Depuis, avec le temps et d’autres poésies, devenant de plus en plus vieux, j’avais tenté le cap de la sagesse. Rien n’y a fait, l’air du temps faisait désormais plus que rogner, je sentais s’annoncer des tentatives de brisures, bien plus que de la déchirure.

La vie m’a offert deux passions, l’écriture, et la défense, en qualité d’avocat.

Aujourd’hui ces deux cadeaux seraient-ils désormais empoisonnés ? L’air du temps ferait-il que, l’écriture devrait « inclure », et surtout tenir compte de la bien-pensance, du wokisme, faute de quoi elle serait censurée ???

Et serais-je accusé, parce que je ne suis pas du « genre », d’être écœuré en lisant des plaques de marbres glorifiant le martyr de la langue, par son écriture inclusive ?

Et la défense, serait-elle devenue l’esclave du même air du temps, soumise aux mêmes censures, aux mêmes diktats !

Oui.

Je m’ennuie, en lisant les auteurs « modernes » (sauf Houellebecq), vecteurs d’une bien-pensance, dont les mots, les phrases, le nombrilisme, ressemblent plus à la déclinaison du Kinder Bueno (noisettes, gaufrette, chocolat…) sauf que Kinder Bueno cela peut être bon.

Quant à la défense, il y a de quoi s’interroger ; que l’on défende une partie civile, ou un prévenu, lorsque l’on entend un Parquet « requérir 15 ans de prison » pour l’assassinat d’une compagne, y compris dans des conditions affreuses, en la jetant dans la poubelle.

Et alors que des réquisitions implacables, suivies hélas par des condamnations parfois même plus fortes, sont prononcées pour des délits mineurs commis par ceux qui doivent, eux, être victimes de l’air du temps, car ils y auraient dérogé, non pas par leurs actes, seulement par ce qu’ils sont, et qui déplait.

Et alors même que certains autres sont considérés comme des victimes, ou excusés de leur crimes ou délits, car non visés, par l’air du temps, mais au contraire enrobés, chouchoutés, excusés de tout par avance.

Il n’est que de voir, quel retentissement a été donné à l’insulte et à la menace à l’adresse des catholiques, proférées par de gentils sauvages ennoblis par leur religion, dont par ailleurs ils se moquent éperdument, mais qui leur est désormais utile pour installer leur camp. Celui qui n’est pas le nôtre.  

Aucun retentissement médiatique. Prions pour le judiciaire…

Pas plus qu’il n’y a de réactions (ce devrait être le mot) à l’entrisme dont sont victimes désormais nos universités, et grandes écoles.

Est-ce que le pouvoir doit être celui de l’air du temps, comme cela semble être le cas depuis longtemps ?

Si telle est la réalité, alors que personne ne se plaigne, si l’air du temps est le maître ?

Souvenons-nous. Ce sont les valets qui font les maîtres.

Ni l’écrivain, ni l’avocat ne peut être heureux de cela.

Oui, désormais, je suis écœuré.

Jean-Marie Viala

Jean-Marie Viala

Ecrivain, avocat

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