La chronique de Patrick Pilcer
17H48 - lundi 14 juin 2021

Taux d’impôt minimum sur les sociétés : la bonne idée des pays « cigales » ?

 

 

La chronique de Patrick Pilcer

Le G7, puis le G20, puis les pays de l’OCDE vont tenter de s’entendre ces prochaines semaines sur un taux minimum d’imposition sur les sociétés. Sous l’impulsion de Joe Biden et Janet Yellen, qui, comme tous les dirigeants de pays qui dépensent structurellement plus qu’ils ne collectent, cherchent dans tous les tiroirs comment financer leurs plans de relance économique, cette discussion semble bien orientée et un taux minimum de 15% devrait être proposé.

En première approche, cela paraît une bonne idée. Les grandes multinationales qui optimisent leur imposition, au premier rang desquelles nous trouvons les GAFAM bien sûr, vont enfin partager leurs profits colossaux avec les Etats, et permettre de financer routes, écoles, hôpitaux, infrastructures, etc…

Mais si on analyse cela de plus près, est-ce vraiment une bonne idée, cela va-t-il voir le jour, ou être transformé en usine à papier ou en paradis à honoraires pour avocats ?

Londres déjà s’émeut et réclame que la City soit exemptée de cet impôt. Si la City est exemptée, pourquoi pas Luxembourg, Genève, La Défense, Dubaï, puis Clermont-Ferrand ? pourquoi une société implantée en Auvergne serait soumise à cet impôt minimum quand HSBC y échapperait ?

Ensuite sur quelle assiette va reposer cet impôt ? Sur ce type de sujet, le diable se cache dans les détails. Quel pays va le percevoir et comment vont s’organiser les redistributions entre états ? Le G7 puis le G20 vont renvoyer ces questions à l’OCDE qui va pondre des notes et règles qui feront les choux gras des cabinets d’avocats.

Enfin, sur quelle logique démocratique repose cet impôt minimum mondial ? 

Jusqu’à présent, chaque pays, chaque parlement réfléchit à sa loi de finances, examine ses programmes de dépenses publiques, analyse les financements les plus adaptés, choisit de s’endetter ou non, d’équilibrer dépenses et recettes ou de d’être en déficit, voire d’accroitre son déficit. Une des conséquences de ces réflexions et analyses est de décider des contributions demandées aux citoyens comme aux entreprises. Chaque parlement vote ainsi une loi de finances et décide des taux que vont supporter ses citoyens et ses entreprises. C’est un processus démocratique, transparent, et les citoyens, régulièrement, entérinent cela lors des élections législatives.

Si un pays gère remarquablement ses dépenses, on peut imaginer qu’il n’ait besoin que d’un taux de 5 ou 10% pour financer ces dites dépenses. Pourquoi le contraindre à collecter un minimum de 15% ? et pourquoi cette contrainte devrait-elle venir d’une décision étrangère ? en quoi cela est-il démocratique ? Qui a accordé le droit ou le pouvoir aux Etats-Unis ou à la France de décider de l’impôt minimum des Pays-Bas, de l’Irlande ou de l’Australie ? Si les parlements de ces pays votent cet impôt minimum, fort bien, et la plupart ont décidé d’un taux largement supérieur, mais que se passe-t-il si leurs parlements le refusent ? On leur coupe Netflix ou Google? On interdit la concurrence fiscale et l’émulation qui en découle ? Biden, ancien sénateur du Delaware, état souvent considéré comme un paradis fiscal où l’impôt sur les sociétés est de l’ordre de 300$, va-t-il imposer cela à son ancienne base électorale, maintenant qu’il ne briguera plus de mandat local ? 

Cela ne me semble en rien entrer dans le respect des règles démocratiques et du respect de la souveraineté de chaque nation. Bien au contraire.

Rassurons-nous. Entre les intérêts de la City bien défendus par Boris Johnson, l’imagination des GAFAM et l’inventivité des cabinets de fiscalistes du monde entier, il y a fort à parier que tout cela accouchera de déclarations d’intention fort louables, donnant bonne conscience à nos politiques, mais que le Soleil continuera de se lever à l’Est et de se coucher à l’Ouest ? 

Il restera alors à nos dirigeants politiques à assainir leurs dépenses publiques, à « dégrossir le Mammouth », à équilibrer les comptes publics. Pas besoin d’attendre un discours de Joe Biden ou de Janet Yellen pour cela…

 

 

Patrick Pilcer

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers

 

 

 

 

 

 

 

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