Edito
08H00 - samedi 12 septembre 2020

2022… Les prétendants 1. Jean-Marie Bigard, candidat des gilets jaunes ? L’édito de Michel Taube

 

Et si l’on ne connaissait pas encore la femme ou l’homme qui sera élu(e) en 2022 président de la République ? Qui en 2015 imaginait qu’en 2017 Emmanuel Macron conquerrait l’Elysée ? La faillibilité (la fiabilité ?) du personnel politique français est telle, le dégagisme marche si fort, les déceptions de la promesse Macron si prégnantes, que l’on se prend à espérer ou à craindre, selon les points de vue, l’irruption de candidats surprise à la prochaine élection présidentielle.

Et si le casting de 2022 opposait des candidats iconoclastes issus de la société civile ? En Italie avec le mouvement Cinq Etoiles en son temps, en Ukraine avec Volodymyr Zelensky, l’animateur TV élu président de la République contre les caciques du régime, aux Etats-Unis bien sûr avec le fou milliardaire Donald Trump, des trublions ont cassé la baraque et renversé la table.

La crise du coronavirus n’a fait que rendre plus fragile la situation politique en France et il faudrait être noyé dans le landernau politico-médiatique pour ne pas le constater. Ainsi, de nombreux Français pourraient se prendre à rêver : « pourquoi pas moi ? ».

De nombreuses cartes pourraient donc être rebattues d’ici 2022, même si les Français ni la France n’y gagneront crtainement pas au change…

C’est pourquoi chaque semaine, Opinion Internationale portraitera une femme ou un homme qui pourrait se lancer dans la bataille politique. Et il y aura des surprises…

Les classiques y seront, Xavier Bertrand (ou le couple Dati – Bertrand), Yannick Jadot (le seul Vert conscient qu’il doit se dégauchiser pour espérer passer du rêve au pouvoir), les impatients comme Jean-Luc Mélenchon, peut-être celles et ceux qui en doutent en se rasant comme François Baroin ou en se maquillant le matin comme Valérie Pécresse, mais aussi – et surtout – des candidats surprises : des journalistes, des chefs d’entreprises, des soignants. Quelques fous du Roy aussi, comme des comédiens ou des humoristes, qui se rêvent à être calife à la place du calife.

Honneur au plus grossier d’entre eux…

 

Le programme de Bigard : « allez tous vous faire enculer ! »

Actualité oblige, honneur donc à Jean-Marie Bigard : donné comme porte-parole des gilets jaunes, il se rêve en Coluche (qui avait fait croire à sa candidature en 1988) de 2022. Certes, un plus méchant Coluche (le mot est faible) mais sa candidature à l’élection présidentielle n’est plus une hypothèse.

Elle ne sera pas qu’une partie champêtre : Bigard vient d’être dégagé par les gilets jaunes place de la Bourse à Paris en ce samedi de leur rentrée. Le monde à l’envers ou la triste réalité des gilets jaunes rouges qui pensent vraiment que les policiers sont des nazis et que tous les riches doivent être lynchés, même Bigard !

Ceci  dit, depuis qu’il en a fait l’annonce sur le plateau de l’émission de TF1 « 7 à 8 » (presque le 20 h !), l’humoriste affole les états-majors à l’évocation d’un sondage IFOP indiquant que 13 % des Français pourraient lui accorder leur suffrage (32 % chez les sympathisants des Gilets jaunes).

Jean-Marie Bigard pourrait impacter le prochain scrutin bien davantage que tous ces micro candidats à 1 % qui nous ont fait somnoler lors des débats de 2017 et que l’on risque de retrouver en 2022.

Il est certain qu’avec la gouaille de Bigard dans un débat télévisé face à Macron, Le Pen et Mélenchon, on ne s’ennuierait pas ! Pardon, on ne s’emmerderait pas !

« On n’écoute pas le peuple en souffrance, on se fout de sa gueule » explique-t-il, reprenant la rhétorique des gilets jaunes de la première heure, ceux des ronds-points, travailleurs pauvres et désabusés qui ne se sont pas reconnus dans les leaders autoproclamés du mouvement, les Maxime Nicolle, Jérôme Rodrigues, Éric Drouet et autre Priscillia Ludosky, révolutionnaires de pacotille, dont on n’a jamais bien compris s’ils étaient d’extrême gauche, comme les gilets jaunes de la seconde vague, boucliers consentants des black-blocs, ou d’extrême-droite, ou les deux.

Jean-Marie Bigard s’en fout des casseurs dans les manifestations de gilets jaunes et rouges, tout en laissant entendre que leur violence leur permet d’être entendus. Mais lorsque Jérôme Rodrigues qualifie les policiers de « nazis », Jean-Marie Bigard se désolidarise (tout de même !) et refuse de manifester à ses côtés.  C’est déjà cela !

Jean-Marie Bigard est-il crédible lorsqu’il se présente en « mec du peuple », disant savoir ce qu’est la souffrance des pauvres, celle de sa mère en particulier, qu’il perdit lorsqu’il avait 20 ans ? La plupart des multimillionnaires du showbiz sont issus de milieux modestes. Cela n’en fait pas de meilleurs représentants du peuple.

La superstar Bigard, seul humoriste à avoir rempli le Stade de France, affirme souffrir du mépris des élites, auxquelles il appartient pourtant, ne lui en déplaise, malgré sa grossièreté, sa vulgarité ou sa misogynie assumées, dont on ne sait si elles sont sincères ou savamment cultivées pour satisfaire son public.

Pour faire de l’argent, en définitive ? Une chose est sûre : avec son scatologique slogan « Allez tous vous faire enculer ! », la candidature à la présidentielle de Bigard nourrira son fonds de commerce et lui permettra de caresser l’espoir (pas autre chose, Bigard !) de remplir à nouveau le Stade de France, ce qu’il serait incapable de faire aujourd’hui.

Au fait, quel est donc le projet politique de Jean-Marie Bigard ? Il ne pourra se contenter longtemps de décrire le gouvernement comme « une équipe de remplaçants… qui ne font que des conneries » et qui mépriseraient le peuple. Certes, Bigard refuse de se dire populiste mais il a pourtant bien résumé son programme : « lécher le cul du peuple pour mieux lui mettre par derrière ».

Qu’on se le dise, Bigard n’a qu’un programme et il est inscrit sur son masque, celui qu’il portera peut-être samedi parmi les gilets jaunes : « allez tous vous faire enculer ». Espérons déjà qu’il portera un masque et donnera l’exemple pour lutter contre le coronavirus.

Ceci dit, en terme d’audience, Bigard n’a pas tort de faire dans le programme simpliste : « Je représente une vraie force qui peut faire peur », rappelant que sa vidéo critiquant la gestion de la crise sanitaire a été vue par 8 millions de personnes, raison pour laquelle, selon lui (et selon nous) Emmanuel Macron l’appela à plusieurs reprises.

Bigard prétendant pour 2022 ? Il y en a un qui se frotte déjà les mains : Emmanuel Macron. Car comme le dit Bigard, « l’extrême droite et l’extrême gauche, je bouffe dans leur gamelle ». En rognant sur les voix de Le Pen et de Mélenchon, le président sortant serait conforté dans son objectif, bien loin d’être acquis, d’être qualifié au second tour de la présidentielle.

Jean-Marie Bigard et Emmanuel Macron s’en sont-ils parlé au téléphone ? Au fond, seraient-ils un peu complices ?

 

Michel Taube

 

Rendez-vous samedi 19 septembre 2020 pour le n°2 de la série « 2022… Les prétendants ».

 

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