Edito
09H59 - dimanche 5 mai 2024

Nahel, LFI, Jeanne d’Arc, Glucksmann, EY… La semaine Eco&Po de Michel Taube

 

Reconstitution de la mort de Nahel : 25000 risques d’étincelle

La reconstitution de la scène de la mort du jeune Nahel à Nanterre se fait dans des conditions de sécurité exceptionnelles. Les prévenus seront cagoulés car ils sont menacés de mort. La ville a été bouclée pour parer à toutes violences urbaines.

Espérons que ce moment décisif de l’enquête judiciaire se concentrera sur toute la scène : de son refus d’obtempérer au tir fatal du policier, il s’est passé une course-poursuite de dix à quinze minutes. Une éternité d’adrénaline, de stress, de pression, de mise en danger d’autrui.

Ce refus d’obtempérer, autant que la mort tragique qui s’en est suivie, a allumé une mèche, les émeutes dans 550 villes de France, qui renvoient au manque de respect de l’autorité qui mine la société française et une génération perdue de la République.

Chaque année, 25000 jeunes risquent de déclencher une nouvelle étincelle, de devenir des Nahel et, disons le haut et fort, ils ne sont pas des anges !

 

Palestine, campus, banlieues : le pari fou de LFI

De longue date, les pouvoirs publics redoutaient que le conflit au Proche-Orient ne soit l’étincelle qui embrase nos banlieues incandescentes. En plein conflit entre Israël et le Hamas à Gaza, il n’en est rien pour le moment : alors qu’elles sont pourtant puissamment travaillées par les troupes LFI mélenchonistes sur fond de communautarisme aux relents antisémites, c’est le calme plat dans les quartiers populaires.

Pour le moment, ce sont les établissements d’enseignement supérieur qui se retrouvent au cœur de mobilisations étudiantes, emboîtant le pas d’un mouvement né sur les campus américains et qui se répand dans le monde entier.

Le calcul de LFI sur les vrais ressorts de l’émotion dans les banlieues serait-il erroné ? Les véritables parrains des quartiers populaires seraient-ils moins les apprentis sorciers de la politique internationale et davantage les gangs qui contrôlent ces territoires, épicentres de tous les trafics ? On peut toujours espérer…

 

Quand Marine et Marion se disputent l’héritage de Jeanne d’Arc 

Les plus anciens se souviennent du 1er mai comme du jour où l’extrême droite, en rangs serrés autour de Jean-Marie Le Pen, célébrait Jeanne d’Arc, parée de toutes les vertus de la France catholique et éternelle.  

Piétinant délibérément tous les liens politiques autant que symboliques pouvant la relier à son père, Marine Le Pen, dans sa volonté de normalisation notabilisée – « pas de vagues » – a jeté la sainte avec l’eau du bain extrémiste.

Dans la famille, c’est Marion Maréchal, nièce de Marine, petite-fille de Jean-Marie, et tête de liste Reconquête aux élections Européennes, qui s’efforce de la repêcher. Le 1er mai, elle était à Domrémy-la-Pucelle, ville natale de Jeanne, pour en revendiquer l’héritage symbolique et puiser une inspiration nouvelle pour sa campagne qui semble stagner. A moins qu’elle n’ait déjà besoin d’un miracle.

 

Raphaël Glucksmann : guerre des œufs à la NUPES

Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti Socialiste, a fait le choix en 2022, en rejoignant la Nupes, de cette improbable alliance de la carpe socialiste et du lapin insoumis (accompagnés d’une potée EELV) pour sauver une trentaine de députés. Après le 1,74% de Anne Hidalgo à la présidentielle (2,17% à Paris), la performance de la Nupes avait un peu fait oublier ce reniement éthique et politique.

L’élection européenne, à un seul tour, est toute autre : l’intérêt n’est pas de nouer des alliances qui contraindraient à se partager les places, mais au contraire d’y aller seul pour maximiser le nombre des élus de son camp.

L’envolée dans les sondages de Raphaël Glucksmann qui conduit la liste socialiste comme il y a cinq ans et l’affaissement (difficile d’en évaluer l’ampleur) des Insoumis tendent à envenimer le débat : ce qui n’est que logique entre deux camps que tout oppose, des valeurs aux méthodes.

Les méthodes des Insoumis, qui ont empêché Raphaël Glucksmann de rejoindre le cortège du 1er mai de Saint-Etienne en lui lançant des œufs remplis de peinture (et au cri passablement décalé de « Palestine vivra »), ont révélé la virulence du différend. Et mis au jour certaines pratiques des partisans de Jean-Luc Mélenchon, puisées aux plus basses références du genre, depuis les mensonges sur les votes de Raphaël Glucksmann destinés à décrédibiliser son action au Parlement européen, jusqu’à la calomnie sur ses prétendus liens avec la CIA depuis la période 2009 / 2012 où il conseillait le président Saakachvili en Géorgie. La liberté venant d’Occident doit donc être vomie pour les gauchistes ?

Autant dire que ça sent déjà le roussi pour les échéances de 2027…

 

La France reste le pays le plus attractif d’Europe

Selon le baromètre EY 2024, sur les 5 694 projets d’investissements internationaux annoncés en 2023 – un chiffre en baisse de 4 % par rapport à 2022, et derrière le record de 6 663 en 2017 –, la France en a accueilli 1 194, soit un sur cinq. Le Royaume-Uni en a attiré 985 (+ 6 %). L’Allemagne, du fait de la crise touchant son modèle économique et énergétique, a perdu des points, avec 733 projets (− 12 %).

Au total, près de 40 000 emplois ont été créés en 2023 à la suite de ces investissements étrangers dans l’Hexagone contre plus de 52 000 au Royaume-Uni ou plus de 42 000 en Espagne. « Pour entraîner davantage l’emploi, la France doit notamment améliorer sa compétitivité-coût », souligne EY.

Ce bon chiffre sur l’attractivité internationale de la France, s’il ne constitue pas une reprise spectaculaire de la « réindustrialisation » espérée, n’en est pas moins une pierre dans le jardin des déclinistes et un élément supplémentaire du « paradoxe français ». Les études montrent en effet que ceux-ci sont beaucoup plus pessimistes sur l’état et les perspectives de la société dans son ensemble que sur leur situation et leurs perspectives personnelles et qu’ils sont – par exemple – en très large majorité satisfaits de leur emploi.

De quoi reformuler le paradoxe du philosophe libéral Bernard Mandeville qui, s’inspirant du fonctionnement d’une ruche, a observé que « les vices privés font la vertu publique ».

Traduction post-moderne : « l’optimisme individuel fait le pessimisme collectif ».

 

Michel Taube

Directeur de la publication