Edito
06H55 - jeudi 9 avril 2020

Jogging interdit à Paris : pourquoi autoriser le soir ce qui est dangereux toute la journée face au coronavirus ? L’édito de Michel Taube

 

8 avril 2020. 19h30, au bord du canal de l’Ourcq dans le nord de Paris. Depuis ce matin, sur arrêté municipal d’Anne Hidalgo, maire de Paris, cette activité est interdite entre 10h et 19h, renforçant l’impression de vivre dans un état de plus en plus autoritaire. À quoi bon contrôler un jogger solitaire, courant à bonne distance de tout autre individu, comme s’il était infiniment plus dangereux que ceux qui s’agglutinent dans les allées des supermarchés, dans les rames de métro, de RER, dans les bus… ou autour d’Emmanuel Macron en visite à la Courneuve.

Anne Hidalgo en a aussi après les joggers. À raison ? Leur transpiration génère-t-elle plus de particules potentiellement chargées en coronavirus ? Certains transpirent tellement en courant qu’en les croisant, on ressent la crainte de croiser des arrosoirs à coronavirus (merci à Momo, responsable d’un tabac dans Paris, pour la formule) !

Dans tous les pays (démocratiques) du monde, où le confinement est imposé à la population, ce sont avant tout les regroupements qui sont proscrits, car ils sont la première source de transmission du virus (surtout si on ne porte pas de masque parce qu’on a dit que ça ne servait à rien). Ce 8 avril à 19h30, dans un lieu apprécié des joggers et des promeneurs du quartier (pour le moment, on a encore le droit de prendre l’air, même sans courir), il y a foule. Bien plus que les autres soirs depuis le début du confinement. Difficile, voire impossible de respecter les distances de sécurité.

Cela faisait quelque temps qu’Anne Hidalgo n’avait pu faire montre de sa légendaire propension à imposer ses idées, fussent-elles contestables. Celle-ci, et les effets catastrophiques qui peuvent en découler, annonce-t-elle la prochaine étape : l’interdiction de courir à toute heure ? Après tout, ce serait une suite logique : si le jogging est spécialement dangereux, si le seul fait de courir, même seul, nourrit la pandémie, alors il faut impérativement l’interdire. Pourquoi autoriser le matin et à 19h ce qui est dangereux de 10h à 18h59 ?

Sortir de chez soi en période de confinement n’est pas une fantaisie, surtout quand on vit dans un petit appartement, et que le confinement est appelé à durer tout l’été, comme on a quelques raisons de le craindre. Courir permet d’entretenir sa santé, comme son moral. En se tenant à bonne distance et muni d’un masque, même artisanal, le risque de contracter ou de propager le Covid-19 est infime… tant que l’on n’est pas contrôlé par des policiers dépourvus de masque, qui ne respectent pas les distances de sécurité !

Le seul fondement scientifique à la décision d’Anne Hidalgo serait que le coronavirus se diffuse massivement en plein air. Nous avons eu droit à tant de tergiversations politiques, tant de divergences au sein de la communauté scientifique, sans parler des voltes faces gouvernementales que la plus absurde explication que nous donnerait Anne Hidalgo ne nous surprendrait pas. Après tout, c’est bien elle qui a considéré que la meilleure manière de réduire la pollution était de générer plus d’embouteillages. Maintenant, elle estime que la meilleure manière de réduire la contagiosité du Covid-19 est de susciter une grande promiscuité chez les joggers.

Assurée de sa réélection par le suicide annoncé de la macronie parisienne, Anne Hidalgo s’est manifestement à nouveau trompée, mais ne le reconnaîtra jamais. C’est donc à une fuite en avant qu’il faut s’attendre. Pour faire un peu de sport en extérieur, il ne nous restera plus qu’à faire nos courses en courant, avant que ce soit également interdit !

A moins que les joggers ne suivent scrupuleusement les consignes de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, qui formule des propositions concrètes d’activités sollicitant les fonctions musculaires à intensités adaptées à chaque population et à pratiquer dans un espace qui peut être restreint. Tout un programme !

Michel Taube

Directeur de la publication

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