Edito
11H23 - lundi 9 décembre 2019

Macron, je t’en supplie, donne-leur ce qu’ils veulent ! L’édito de Michel Taube

 

Michel Taube sur BFMTV, le 7 décembre 2019

 

Macron, je t’en supplie, donne-leur ce qu’ils veulent !

C’est en substance la supplique que les agents de la RATP et de la SNCF, et bien entendu leurs syndicats, espèrent entendre par le truchement des sondages d’opinion, en pourrissant la vie des Français, tout particulièrement des Franciliens très dépendants des transports en commun.

Les syndicats du NON affirment se battre pour l’intérêt général plus que pour la sauvegarde de leur régime qu’il eut fallu pourtant abroger il y a déjà plusieurs décennies par souci d’égalité… Tiens, une valeur plutôt de gauche pourtant !

 

Retraites, hôpitaux, chômages, bas salaires : y’a qu’à faire payer les entreprises et les riches !

Ces bénéficiaires de privilèges financés par l’ensemble des contribuables, mais aussi les syndicats revanchards et les partis politiques, notamment de gauche (l’insignifiant parti communiste, le moribond parti socialiste et l’islamogauchiste France Insoumise) ont toujours une solution aux problèmes des retraites, des inégalités (bien réelles, et mêmes largement inacceptables dans leurs proportions), du chômage, de l’état déplorable de l’hôpital et de la déliquescence de tant de services publics : faire payer les riches et les entreprises !

On a beau leur expliquer qui si c’était si simple, on l’aurait fait depuis longtemps, que dans une économie mondialisée, seule l’Union européenne permettrait de résister aux mastodontes américains et chinois, les États, comme les multinationales, rien n’y fait. L’Europe, ils sont contre, de toute façon, comme à l’extrême droite. Le Pen se croit encore sous Louis XIV, quand la France était le phare du monde. Mélenchon faire croire qu’il imposera son marxisme égalitariste (et totalitariste) au monde entier. Le Pen-Mélenchon, tiens-tiens. On sent ça et là, et le phénomène s’accélère à l’occasion du mouvement contre la réforme des retraites, des frémissements de rapprochement, confortant la position des électeurs de la France insoumise, qui, s’ils ne s’abstenaient pas au second tour des prochaines présidentielles, voteraient majoritairement Le Pen. La réciproque serait sans doute vraie et ceux, notamment parmi les fameux Insoumis qui pourraient bien se soumettre à leur concurrent sur le marché du populisme tendance totalitaire, Insoumis qui crient au scandale dès que cette hypothèse est avancée, sont désavoués tant par les sondages que par l’examen des idées, des programmes.

Revenons au mouvement contre les retraites. Emmanuel Macron voudrait figer à 14 % la part du PIB qui leur est consacrée. Une somme colossale qui n’a d’équivalent nulle part ailleurs (le double qu’en Allemagne, par exemple). Figer en proportion ne signifie pas figer en valeur, mais ça, les grévistes et leurs soutiens ne veulent pas l’entendre. Il leur faudrait sans doute 30 % du PIB pour les retraites (le fameux alignement par le haut), 30 % pour les hôpitaux, 30 % pour les allocations chômage, 30 % pour les allocations familiales, 30 % pour supprimer les impôts sur les bas salaires, 30 % pour l’aide aux migrants, 30 % pour… Le calcul n’a jamais été leur fort, mais en saignant les entreprises, on aura l’argent ! La caricature appelle la caricature.

 

Partout, on recule l’âge de la retraite : tous des cons !

Partout dans le monde, le traitement des retraites s’est organisé autour de trois variables : puisque l’on vit de plus en plus vieux, puisque aussi on entre dans la vie active plus tard (qui commence à travailler à 14 ans aujourd’hui ?), on doit augmenter les cotisations, réduire les pensions, reculer l’âge de la retraite, ou un panachage de ces variables.

Pour de multiples raisons, seul le dernier levier est encore efficient. Les autres sont déjà poussés au maximum, d’autant plus que le candidat Emmanuel Macron avait promis un régime universel et le maintien du niveau des pensions. Nous ne le dirons jamais assez : tous les autres pays ont reculé l’âge de la retraite et personne n’a crié à l’esclavage. Partout aussi, la pénibilité régresse grâce à la technologie, et il est parfaitement possible d’organiser le travail pour que les anciens soient totalement épargnés des tâches pénibles ou délicates (comme conduire un train), quitte à changer de fonction au sein de l’entreprise, grâce à la formation continue. Ces fanatiques de la retraite précoce devraient méditer que celle-ci est souvent un naufrage pour de nombreux salariés, une petite mort en attendant la grande.

Si on pouvait vaincre le chômage, un mal français auquel des syndicats devenus extrémistes comme la CGT ont contribué, si on pouvait se doter d’une Europe puissante capable de faire payer les riches (mais si, mais si) sans qu’ils se réfugient ailleurs, si l’on pouvait faire payer les GAFA ce qu’ils nous doivent, quitte à les expulser d’Europe s’ils s’y refusent… alors évidement, les choses seraient plus faciles, en particulier pour les retraites. Mais ça, on n’y arrivera pas avec des incantations, quand bien même Mélenchon et Le Pen les chanteraient-ils en cœur. Le système de retraites doit se financer lui-même. Ici comme ailleurs, hier comme aujourd’hui et surtout demain.

Il est vrai que les Français soutiennent relativement la contestation. Il faut avoir le courage de leur dire qu’ils ont tort sur le fond. Ils sont manipulés pas des syndicats si peu représentatifs, frustrés d’avoir été écartés du mouvement des Gilets jaunes, et par des partis politiques qui n’ont toujours pas digéré l’élection d’Emmanuel Macron. Eux se fichent des retraites et des Français. Mais il faut aussi que le gouvernement ait le courage de prendre acte de l’échec de sa méthode. Organiser un grand débat pour une issue inéluctable, sans que personne ne semble avoir compris où l’on va et s’agite avant que le vrai projet ne soit connu, ce n’est pas ce qu’on a fait de mieux en termes de gouvernance. « Gouverner, c’est choisir » disait Mendes-France. Mais dans ce pays si corporatiste, flanqué de syndicats si archaïques et jusqu’au-boutistes, comment faudrait-il s’y prendre ? Donner des leçons est toujours facile.

En attendant, ceux qui nuisent à tous sont bien les grévistes de la SNCF et de la RATP, eux et pas les autres. Des millions de personnes, dont les conditions de travail, de rémunération et de retraite sont bien moins favorables que celles de ces égoïstes, en payent les conséquences. Les fêtes de fin d’années, petite parenthèse de bonheur familial dans un univers de plus en plus dur, risquent d’être gâchées.

 

Remettre en question le droit de grève dans les transports publics ?

L’urgence climatique impose de faire la part belle aux transports en commun, au détriment de la voiture (non Madame Hidalgo, tout le monde ne peut pas se déplacer en vélo ou en trottinette). Plus que jamais, ils sont un rouage économique et social (il n’y a pas que Facebook !) essentiel. En Italie, la grève est interdite aux heures de pointe. En Allemagne, les fonctionnaires (mais non les contractuels) n’ont pas droit de grève, ce qui est la contrepartie de la garantie de l’emploi. En France, les policiers n’ont pas davantage droit de grève, ce qui ne les prive pas d’autres méthodes pour se faire entendre, et sans que cela ne constitue une atteinte au droit de grève, puisque celui-ci admet des restrictions.

Ce blocage de la France, à plus forte raison pour défendre des privilèges tout en rejetant toutes les hypothèses de lissage de l’entrée en vigueur de la réforme, est un scandale. Il est grand temps, quitte à passer par un référendum, que cette prise en otage des Français ne soit plus légale.

Les défenseurs des régimes spéciaux de ces deux entreprises de transport publiques espèrent que les Français, par dépit et écœurement, demandent au gouvernement de leur donner satisfaction, pour que leur cauchemar cesse. Comme ils sont déjà majoritaires à soutenir la grève (tout comme les gilets jaunes), ce scénario est tout à fait envisageable.

Mais un jour, il faudra en payer le prix. Espérons que les Français en auront conscience et cesseront de faire le jeu de syndicats et partis extrémistes, et de bénéficiaires des régimes spéciaux qui ont le toupet de faire croire qu’ils se battent pour nous tous.

 

Michel Taube

 

 

 

Directeur de la publication