Edito
10H19 - jeudi 21 novembre 2019

Révolte populaire en Iran : et si Trump avait raison ? L’édito de Michel Taube

 

Internet coupé, révolte populaire dans plusieurs villes matée par les autorités… L’Iran est-elle gagnée par la fronde des classes moyennes et des jeunes en mal de libertés qui secouent le monde entier.

Opinion Internationale n’a pas fait preuve de beaucoup d’originalité dans sa sévère critique de Donald Trump, en particulier s’agissant de son lâche abandon des Kurdes, son hostilité aux Européens, et plus généralement, de son infidélité, du moins à l’égard de ses alliés.

S’agissant de sa politique iranienne, nombre d’experts français proclamaient à l’unisson qu’accroître les sanctions était contreproductif et aurait pour effet de souder le peuple iranien derrière ses dirigeants, contre le méchant grand Satan américain et le petit Satan sioniste, pour reprendre la rhétorique traditionnelle des Ayatollahs.

Si l’élection de Trump pouvait donner le sentiment d’une blague ou d’une erreur de casting, la révolution iranienne de 1979 doit être vue comme une triste parenthèse de l’Histoire. L’immense civilisation perse ne méritait pas cela, et si le peuple iranien éprouvait à juste titre l’ardent désir de se débarrasser de la dictature de l’ancien régime, il est vrai soutenu par les États-Unis, il n’imaginait sans doute pas que Khomeiny et ses successeurs allaient le faire reculer autant en termes de libertés.

 

Renonçant pour le moment à l’usage de la force, Donald Trump a tout misé sur les sanctions économiques pour contraindre la théocratie iranienne à abandonner ses projets nucléaires militaires, voire pour inciter le peuple iranien à se retourner contre ses dirigeants. Le premier objectif semble inatteignable, puisque l’Iran ne cesse de transgresser l’accord conclu avec les grandes puissances et dénoncé par les États-Unis. De toute manière, plusieurs indices permettent de douter de la sincérité du renoncement iranien, s’agissant de se doter de « la bombe ». D’autre part, en matière de relations internationales, un accord comporte toujours un volet non écrit, en l’espèce, celui qui imposait à l’Iran de renoncer à toute expansion hégémonique et belliqueuse au Moyen-Orient, et d’affecter la manne du pétrole à son propre développement. Au lieu de cela, Téhéran développe un puissant arsenal balistique, sème le désordre dans le Moyen-Orient, en particulier en Irak et au Liban où couve la guerre civile, et utilise ses petits soldats du Hezbollah pour se préparer à mater la révolte libanaise et menacer Israël, au risque de déclencher un conflit majeur.

Mais plus que tout, c’est le peuple iranien qui paye l’obscurantisme impérialiste et belliqueux de ses dirigeants dont l’esprit des plus conservateurs (ce sont eux qui tiennent le pouvoir) est resté ancré au 7ème ou 8ème siècle de notre ère. Comme les Gilets jaunes en France, ce qui mit l’étincelle au baril (de poudre) fut l’augmentation brutale des prix de l’essence, un paradoxe dans un pays dont le sous-sol regorge de pétrole. Les autorités iraniennes ont coupé internet et, pour le moment, contenu la révolte déclenchée dans plusieurs villes d’Iran.

Contrairement aux espoirs des Ayatollahs iraniens et aux certitudes des analystes européens, ce n’est pas contre les États-Unis et leurs sanctions qu’est dirigée la colère. Le peuple iranien reproche sans ambiguïté à ses dirigeants de nourrir leur dessein islamiste et guerrier sur son dos. C’est la dilapidation de l’argent à des fins politiques qui est dénoncée.

Même si, comme en Turquie (Istanbul a voté contre Erdogan aux récentes municipales) et même en Irak, le besoin de se libérer de la tyrannie religieuse est plus marqué dans les grandes villes, et notamment dans la capitale, qu’en zone rurale, il est de plus en plus prégnant que le peuple iranien étouffe et qu’un vent de liberté s’est levé. Alors qu’à Paris, les femmes musulmanes défilent pour porter le voile, à Téhéran, elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir l’arracher et se libérer du clergé, des prétendues traditions, de l’obscurantisme.

Les dirigeants iraniens sont les premiers responsables de la paupérisation de leur population. Certes, les sanctions américaines aggravent sa situation, mais bien avant même que Trump se retire de l’accord, Téhéran affectait la quasi-totalité des bénéfices dudit accord à son pouvoir militaire et ecclésial. Le Guide suprême, l’Ayatollah Ali Khamenei (le Président Rohani a peu de pouvoir et encore moins de latitude) conduit son pays de main de fer, avec ou sans Trump.

Le peuple iranien se révoltera-t-il contre son régime ? Tous les cinq ans, des manifestations tentent de secouer le régime.

Malheureusement, il est peu probable que la révolte devienne révolution, ou si révolution il devait y avoir, qu’elle ne s’achève pas dans un bain de sang. Une des marques de tels régimes politiques est aussi celle d’un mépris total pour la vie, y compris celle de ses citoyens.

En attendant, nous devons soutenir le peuple iranien et peut-être prendre acte, même si notre égo doit en souffrir, que la politique de Donald Trump n’est pas toujours aussi absurde qu’on le scande en permanence.

 

Michel Taube

Directeur de la publication