Edito
08H30 - jeudi 17 octobre 2019

Brexit : cette fois, il faut y aller ! L’édito de Michel Taube

 

Les 27+1 chefs d’Etat et premiers ministres de l’Union se réunissent en Conseil européen aujourd’hui et demain à Bruxelles.

Les histoires d’amour de type « je t’aime moi non plus » sont généralement malsaines, et finissent mal. Le Royaume Uni a fait le choix de nous quitter, nous l’Union européenne dont elle estime qu’elle est un carcan étouffant.

D’abord, il nous a présenté sa convention de divorce : « je garde l’appartement, je prends les enfants quand je veux et je ne paye rien ». Et dire que les Anglais se moquent de l’arrogance française ! Pourtant, on avait un espoir : les Britanniques ont choisi le Brexit sur la base de manipulations et de mensonges, et on pouvait imaginer que le report incessant de l’échéance nous conduirait à un nouveau référendum ou de nouvelles élections. En guise de référendum, nous avons eu droit à des sondages qui confirment le choix du Brexit. Quant aux élections, elles ne furent pour le moment qu’européennes, confirmant elles aussi le repli sur soi de la perfide Albion. Le 30 octobre, dans deux semaines, le divorce sera donc acté. Parole de Boris Johnson, Premier ministre fantasque et farouchement anti-européen de sa gracieuse Majesté. En guise de Halloween, les Britanniques pourront tomber dans les bras d’un Trump qui les attend pour mieux les croquer.

À moins que…

 

Un Brexit sans accord serait préjudiciable à toutes les parties, en particulier le Royaume Uni, d’ailleurs plus vraiment si uni, s’agissant de sa relation à l’Union européenne. Nicola Sturgeon, Première ministre écossaise, a même annoncé un nouveau référendum sur l’indépendance en 2020.  Faute d’accord avant ce samedi 19 octobre, le Benn Act, du nom du parlementaire travailliste ayant initié cette loi, oblige le Premier ministre à demander un nouveau report, car contrairement à son souhait, il ne peut y avoir de sortie sans accord. Nous en serions alors au troisième report, à nouveau pour une durée de trois mois.

On pourrait s’en réjouir en considérant que cela maintiendrait en vie l’espoir d’un revirement in extremis, par exemple si un nouveau référendum ou des élections législatives étaient organisés dans ce délai. Mais à quoi bon, puisque le divorce semble irrémédiable.

Alors en coulisses, les discussions sont âpres. Les Anglais, qui ne pensaient faire qu’une bouchée du négociateur européen Michel Barnier sont tombés sur un os, encore plus difficile à avaler depuis que leur loi leur interdit tout « hard Brexit ». On ne saurait toutefois en déduire que Boris Johnson est en position d’extrême faiblesse et qu’il n’a le choix qu’entre accepter les conditions de Bruxelles ou reporter encore l’échéance.

Car ces tergiversations nuisent à toutes les parties. Pour prospérer, l’économie et les entreprises ont besoin de visibilité et de stabilité. Cela fait des mois, voire des années qu’elles se préparent au Brexit, et même si on n’est jamais totalement prêt lorsque le moment arrive, cette incertitude devient insupportable et gravement préjudiciable.

C’est pourquoi il faut sérieusement considérer l’idée que les Britanniques s’en aillent le 30 octobre. À la veille de l’ultime sommet européen avant la date fatidique, Michel Barnier estime qu’un accord est possible, tout en rappelant que tous les problèmes ne sont pas réglés. Les Britanniques auront un prix à payer, celui de leur liberté, et peut-être de leur isolement, car leur flirt avec Donald Trump risque de tourner court.

À défaut, d’autres pays pourraient être tentés par la sortie de l’UE, conduisant à sa dislocation.

Ces reports incessants fragilisent l’Union Européenne et l’empêchent de se concentrer sur sa relance politique. L’Union va mal et son bras de fer avec Londres, l’élection de dizaines de députés européens favorables au Brexit en juin dernier ne font que l’affaiblir politiquement.

Nous regrettons la décision des Britanniques, mais ils doivent l’assumer. Peut-être faut-il s’en réjouir ? Même après l’entrée en service du Tunnel sous la Manche, les Anglais ne se sont jamais sentis pleinement Européens. Ils ont toujours exigé et obtenu des aménagements et des faveurs. Il eut été autrement plus difficile de quitter la zone euro, mais le Royaume Uni n’en fait pas partie.

Amis Britanniques, l’heure est venue de larguer les amarres. Bon vent !

 

Michel Taube

Directeur de la publication