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00H09 - jeudi 21 février 2019

La convergence des sources de l’antisémitisme n’est pas une vue de l’esprit. Tribune de Sébastien Laye

 

Edition spéciale « Pour en finir avec l’antisionisme » avec les contributions d’Eric Gozlan, Frédéric Lefebvre, Sébastien Laye et Michel Taube

Pendant près de dix jours, la France s’est émue de la recrudescence décomplexée des actes antisémites. Surprise : l’irruption spectaculaire de l’antisionisme en France (le moment de l’agression d’Alain Finkielkraut a été décisif) est venue troubler la dénonciation de l’antisémitisme qui, sous couvert d’unanimisme républicain, n’est finalement peut-être pas si unanime que cela. Clarifier les concepts nous paraît donc d’une nécessité absolue si l’on veut stopper la gangrène qui est en train de gagner notre pays.

 A lire :

Contre l’antipalestinisme et l’antisionisme, l’édito de Michel Taube

Mais qu’est-ce que le sionisme ? Tribune d’Eric Gozlan

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La convergence des sources de l’antisémitisme n’est pas une vue de l’esprit. Tribune de Sébastien Laye

 

Depuis les attaques antisémites dont l’intellectuel Alain Finkielkraut a été récemment la victime, suivies par une salve d’ignominieux actes de vandalisme contre la même communauté juive, nombre d’experts ou de politiques ont glosé sur les différentes facettes de cette haine des Juifs en France : à l’antisémitisme français traditionnel d’extrême droite, celui qui depuis l’affaire Péguy a essaimé en de nombreux mouvements politiques, il conviendrait d’ajouter une tendance islamiste dure, non seulement opposée à l’Etat d’Israël mais à l’existence même du peuple juif.

L’individu ayant agressé Finkielkraut appartenait vraisemblablement à la seconde école, même si par pur instrumentalisation – ou cynisme ? – le pouvoir en place a préféré mettre en exergue la première, rejouant sans cesse un combat moral contre les forces du mal désignées par lui-même – oubliant de facto la principale menace à notre mode de vie, qui demeure l’islamisme militant.

Au-delà de ce débat qui fait rage sur la vraie nature de l’antisémitisme aujourd’hui en France (nouvelle succédané de l’extrême droite ? fer de lance du djihadisme et de l’islamisme intégral ?), peu d’observateurs expliquent au français ou se situe la vraie convergence et dans quel type de milieu idéologique.

Pour nombre de spécialistes comme Carole Reynaud Paligot, la principale poche d’antisémitisme organisé en France se trouve encore en premier lieu dans les mouvances d’extrême droite. Il est donc partiellement erroné de parler de nouvel antisémitisme, dans la mesure ou l’antisémitisme islamiste prospère non pas uniquement comme certains l’ont dit trop lapidairement, sur un islamo-gauchisme, tolérant avec les dérives de certaines communautés et hostile aux juifs, mais aussi sur les terreaux traditionnels de l’extrême droite en France. Il y a parfois eu en France des points de convergence entre l’extreme droite et l’islamisme radical, et ce bien au-delà de la seule question de l’antisémitisme.

Premièrement d’aucuns ont parlé, métaphoriquement, d’un nouvel antisémitisme qui serait la convergence entre la pensée de Soral et Dieudonné. Or cette convergence existe déjà : quelqu’un comme Camel Bechihk, par exemple, ancien membre de l’UOIF, militant associatif musulman très engagé dans l’Intifada, proche par exemple des Frères musulmans, a pu prôner un patriotisme musulman, créer Fils de France, etre recu par FN Banlieues, soutenir les Le Pen : si on retrouve des traces d’antisémitisme dans ces milieux, c’est aussi une forme de nationalisme plus traditionnel qui les rapproche. Grand ami de Soral , Bechihk prône un islam patriote à fort ancrage local. Par ailleurs, si le grand public est conscient du poids du salafisme dans les milieux extrémistes djihadistes français, le rôle des Frères musulmans est lui loin d’être connu. Or ces milieux là ont opéré parfois une convergence avec l’extrême droite française : les deux antisémitismes peuvent donc se nourrir l’un l’autre, sur fonds d’islam orthodoxe non relié aux grands pays musulmans, nationaliste et extrêmement rigoriste. Ces mouvements n’ont aucun problème conceptuel à se rapprocher de l’extrême droite française.

Camel Bechikh ne partage pas seulement une certaine aversion d’Israël avec une partie de la droite radicale. C’est un musulman conservateur, à ce titre assez proche des valeurs patriotiques et traditionnelles de la droite. On a noté par exemple un début de convergence catho-islamo-conservateur qui s’est esquissé pendant la Manif pour tous avec le rapprochement Bourges – Belghoul* : cela ne saurait s’expliquer uniquement par l’antisémitisme que d’aucuns peuvent partager. C’est avant tout une convergence d’intérêts et de valeurs, comme on en voit souvent en politique. 

Il serait fallacieux de réduire donc ce nouvel antisémitisme à un simple islamo-gauchiste : il existe certes, mais il ne faut pas faire fi des alliances objectives entre extrême droite et djihadisme sur fond d’antisémitisme : il n’y aura pas de victoire contre l’antisémitisme pour ceux, qui, prônant des idées simplistes, ne saisissent pas ces conjonctions souterraines. 

 

Sébastien Laye

Entrepreneur

 

* : Béatrice Bourges était l’une des dirigeantes de la Manif pour Tous, par la suite évincée du mouvement car elle était trop radicale. Elle a ensuite prôné la désobéissance civile contre le mariage homosexuel. Farida Belghoul, proche d’Alain Soral, musulmane conservatrice. Après la Manif pour tous, elle a lancé le mouvement contre la théorie du genre à l’école.

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