Afriques demain
19H02 - mercredi 2 janvier 2019

Présidentielle algérienne en 2019 : pourquoi Ali Benflis pourrait se présenter

 

L’Algérie va vivre en 2019 un moment crucial. Pour la première fois depuis des années, rien n’est moins sûr quant au sort du président actuel Abdelaziz Bouteflika. Un espoir d’ouverture se fait jour enfin à un moment où la région est plus instable que jamais. Le plus grand pays du continent africain ne peut se permettre d’ajouter à l’incertitude géopolitique internationale.

L’élection présidentielle est prévue en avril 2019.

Chaque candidat qui a essayé de s’imposer face à Abdelaziz Bouteflika lors des présidentielles tenues depuis vingt ans a échoué parce que le système était verrouillé. Malgré des obstacles, le candidat principal d’opposition à l’élection suprême en 2004 et en 2014, Ali Benflis, ancien Ministre de la justice et premier Ministre en 2001 après la Décennie noire, arrivait en 2014 à rassembler 12 % des votes, se plaçant second derrière Bouteflika. Pour beaucoup, si le jeu n’avait été pas pipé dès le début, c’est bien lui qui aurait gagné la Présidentielle.

Qu’en est-il aujourd’hui si M. Ali Benflis se présente ?

Ali Benflis aura 72 ans en 2019 et c’est peut-être son heure. Longtemps secrétaire général du FLN, en rupture avec Abdelaziz Bouteflika depuis 2003, il n’a eu de cesse, comme avocat et militant des droits de l’homme, de dénoncer la corruption et les fraudes électorales à chacun des scrutins majeurs historiques du pays. Il connaît bien le système politique algérien et sait que si le président sortant renonce à se présenter cette fois ci, il sera le mieux placé pour fédérer de nombreuses forces du pays pour contrer notamment l’inquiétante montée des islamistes.

Contrairement à beaucoup d’autres prétendants isolés, Ali Benflis, après avoir créé son propre parti en 2015, Talaie El Hourriyet, est devenu le principal opposant à Abdelaziz Bouteflika.

Ali Benflis n’est pas un homme comme les autres en Algérie. Contrairement à Abdelaziz Bouteflika, il est un berbère. Il est originaire de Batna, la fameuse capitale des Aurès, cette chaîne de montagnes essentiellement peuplée par le peuple berbère chaoui.  Plus que d’autres rivaux du président, il a l’expérience, l’art de fédérer, le réseau local du parti, un programme de renouveau national.

Mais ce qu’il lui manquait en 2014 est peut-être en train de se résoudre : l’indispensable soutien de l’armée qu’il avait déjà en partie obtenu auparavant mais qui a pu parfois être à géométrie variable. Il n’est pas un militaire. Rappelons qu’il a créé la première Ligue indépendante des droits de l’homme du pays en 1988, ce qui peut le rendre sympathique pour un certain nombre d’Algériens.

Jusque maintenant, Ali Benflis était resté dans l’attente, optant pour une stratégie prudente pendant des mois, afin de prendre de l’ascendant sur la classe politique algérienne, tous partis confondus, de renforcer cette image de fédérateur et modéré qu’il est, et qui pourrait être cette année ce recours que les clans au pouvoir, l’armée, les oligarques, viendront chercher pour éviter à l’Algérie de partir à la dérive. 2019 marquera peut-être l’histoire et les choses pourraient aller très vite.

Quel est le programme d’Ali Benflis pour prévenir de ce chaos politique en Algérie ? Il faudra une réforme profonde de l’État et des institutions du pays,  l’instauration progressive d’un Etat de droit, une lutte active contre la corruption et les privilèges, une diversification de l’économie indispensable, remettre l’intérêt général au cœur de la vie politique au détriment de l’intérêt de certains, soutenir un système permettant l’attribution des marchés publics en toute transparence, moderniser l’administration et rentabiliser ses efforts, moderniser la justice qui doit devenir un vrai contre-pouvoir et un organe de poursuite judiciaire efficace de politiques clientélistes, favoriser un pluralisme politique qui ne soit pas que de façade, ouvrir le pays au monde et au tourisme.

Ali Benflis n’a rien à perdre à se lancer et se proposer comme l’homme de la situation pour 2019 : à condition bien sûr et seulement si Abdelaziz Bouteflika finit réellement par renoncer à briguer quoi que ce soit et préempter l’avenir d’un pays qui ne demande qu’à rajeunir, se moderniser, se diversifier, s’ouvrir, accueillir le tourisme, et tenter de reprendre un leadership régional tout en négociant un certain nombre de questions sensibles avec notamment le Maroc, que Ali Benflis a toujours considéré, lui, comme un pays frère.

Il faudra suivre les prochaines semaines les différentes déclarations de son parti pour mesurer tous les enjeux qui risquent de survenir à seulement quatre mois de la présidentielle qui va arriver très vite.

Ali Benflis est certainement le seul recours pour les Algériens aujourd’hui et c’est pourquoi il  aura peut-être enfin rendez-vous avec le destin de son pays en 2019.

 

Michel Taube

Directeur de la publication