Afriques demain
07H14 - jeudi 11 octobre 2018

XVIIème sommet de la Francophonie d’Erevan ou comment remettre la Francophonie sur les rails

 

Réuni aujourd’hui à Erevan, le monde francophone aura fort à faire pour sortir la francophonie institutionnelle de sa léthargie et redonner un sens à une communauté linguistique puissante mais qui doute de son avenir. Par son originalité, la candidature rwandaise de Louise Mushikiwabo pour le Secrétariat général de l’OIF pourrait-être l’occasion d’un réveil en fanfare.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au-delà des discours policés, le Sommet d’Erevan devrait être, du moins peut-on l’espérer, un Sommet de rupture pour la francophonie et son appareil institutionnel. Il s’agira à bien des égards de faire oublier les errements de Dakar 2014 où un monde francophone résigné s’était vu imposer sans concertation ni débat un exercice cynique de realpolitik à courte vue de François Hollande et de Stephen Harper avec la désignation imposée d’une candidate sans programme ni engagement de mandature. Quatre ans après ce fiasco, la francophonie ne peut se payer le luxe d’une nouvelle erreur de casting qui déboucherait sur un second mandat pour rien.

Née d’une vision activiste et éminemment politique, qui doit beaucoup à François Mitterrand et à Boutros Boutros Ghali, l’OIF ne survivrait pas à un nouveau et délétère ronronnement, un de ceux qui se confondent avec les siestes estivales mais s’apparentent en réalité aux soins palliatifs de l’agonie.

Pour réussir, le mandat qui s’ouvrira demain devra bien être celui de la rupture, du volontarisme et du sens donné à l’action. Comment contribuer activement à l’unité du monde francophone et à son expression sur la scène internationale ? Comment agir pour que la francophonie devienne réellement utile à ses peuples et à l’équilibre du monde ? Comment faire avancer la cause du « juste gouvernement » cher à Raymond Aron sans sombrer dans la tyrannie du placage de la bien-pensance occidentale sur les cultures du Sud ? Voilà les principaux enjeux qui attendent après l’été les chefs d’Etat et de gouvernement des pays qui ont le français en partage au moment de décider de la succession de Mme Jean.

La question de l’utilité de la francophonie institutionnelle, en clair de l’OIF, s’inscrit aujourd’hui en filigrane de tous les débats sur son évolution. Bien que non suivis d’effet, les trop rares débats de la campagne de 2014, largement alimentés à l’époque par Jean-Claude de l’Estrac, le candidat de l’océan Indien, ont semé la graine de l’intérêt pour la francophonie économique en tant qu’accélérateur du développement industriel du Sud et notamment des pays africains francophones. Cette question-là sera, à n’en pas douter, l’un des principaux points à l’agenda de campagne de la candidate du Rwanda. Il lui sera d’autant plus facile de convaincre sur ce terrain que les résultats économiques de son pays plaident pour la capacité de l’Afrique à tracer, elle aussi, un chemin de croissance et de développement y compris après les pires adversités.

L’autre question, incontestablement plus délicate, résidera dans la capacité de la nouvelle OIF à œuvrer pour une démocratisation suffisamment raisonnable de ses pays membres pour faire avancer effectivement la cause des droits humains, la sécurité des affaires et la prévention des conflits sans mettre en péril les stabilités et équilibres politiques dont le Sud, comme le Nord d’ailleurs, ont également besoin pour avancer. A cet égard, la candidature du Rwanda, qui bénéficie de l’appui de l’Union africaine, devra apporter rapidement la preuve qu’elle est capable de dépasser la simple fonction tribunitienne du « David hurlant après Goliath » pour créer un nouveau type de rapports et d’expression en rapport avec ce qui est attendu d’une organisation de coopération intergouvernementale où toutes les sensibilités doivent être respectées, celles des grands et des petits, des riches et des pauvres, des victimes de l’Histoire comme de tous ceux qui y ont participé. Il est vrai que la réussite du modèle économique rwandais pourrait servir d’exemple à ses partenaires francophones plus en retard sur ce terrain.

Quant à la France, à travers son soutien à la candidature de Louise Mushikiwabo, elle peut faire beaucoup mieux que chercher à retirer simplement un caillou de sa chaussure africaine. En promouvant sincèrement une offre alternative d’origine africaine qui peut apporter beaucoup à une francophonie décomplexée, économiquement efficiente et ouverte au dialogue avec ses voisins anglophones, elle est en mesure d’éviter que ne se répète à Erevan le triste scenario d’une candidate sans programme, surfant sur l’ambiguïté de son appartenance Nord-Sud  et imposée sans concertation par les parrains les plus puissants de la classe.

 

 

 

François Vuillemin et Michel Taube