Afriques demain
17H20 - jeudi 21 juin 2018

“Les destins de l’Europe et de l’Afrique sont liés”. Entretien avec Jean-Louis Guigou, Président de l’IPEMED à la veille du Forum des diasporas africaines

 

 

Jean-Louis Guigou est président du think tank IPEMED (Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen), qui pilote ce vendredi 22 Juin le Forum des Diasporas Africaines qui se tient à Paris. Derrière cet ambitieux événement se cache un dessein non moins ambitieux : unir l’Europe, l’Afrique et la Méditerranée.

 

Opinion Internationale : Vous organisez demain un très grand forum pour la diaspora africaine, quelle est votre ambition pour cet évènement ?

Jean-Louis Guigou : aujourd’hui, on constate que les liens entre le Nord et le Sud du continent américain se raffermissent, et qu’il en est de même pour la Chine et les fameux dragons (Japon, Corée du Sud, Singapour, Hong Kong, Taiwan). De notre côté, nous avons pris du retard quant à l’organisation d’une économie méridienne. On parle beaucoup de l’axe AME (Afrique Méditerranée, Europe). Je pense que derrière ce terme se cache une réalité économique et culturelle. Cette zone a une âme et un potentiel incroyable.

Convaincu que les destins l’Europe et l’Afrique sont liés, j’ai cherché à identifier les acteurs étant les plus disposés à rapprocher les deux rives de la Méditerranée, les deux continents. Et finalement, qui est le plus à même de militer pour cet axe intégré ? Ce sont d’un côté les chefs d’entreprise, qui ne veulent plus d’une mondialisation forcenée mais qui au contraire veulent compacter les chaînes de valeur, et de l’autre les diasporas, qui connaissent nos qualités et nos défauts et qui sont bien intégrées. Elles peuvent faire le lien et décrisper l’Europe face au problème de l’immigration. Ce sont ces deux acteurs, et beaucoup d’autres, qui seront rassemblés le 22 Juin, à l’occasion du Forum de Paris.

Mon message est que l’Afrique doit être une zone d’influence privilégiée pour l’Europe d’ici à 2050. Le continent ne doit pas être sous notre tutelle, mais il doit être un partenaire.

 

Que dire de l’influence de la Chine sur le continent africain ?

La Chine a profité du départ de l’Europe suite à la décolonisation. De fait, ils ont l’avantage d’être rapides, efficaces et d’investir dans le continent. Néanmoins, ils sont aussi très utilitaristes. Ils poursuivent leurs seuls intérêts sans penser au véritable développement du continent. Aujourd’hui, même s’ils continuent leur offensive, on observe un certain désenchantement quant à leur présence. C’est pourquoi il faut construire un axe Afrique – Méditerranée – Europe.

L’Europe, elle, a des atouts. Je dirais que sa principale valeur ajoutée, c’est la responsabilité sociale et environnementale. En plus d’investir, nous pouvons fournir de la formation, de l’entretien etc.

 

Pourquoi organiser cet événement à Paris ? Doit-on y voir un sens, une symbolique ?

Peut-être que oui. Il ne fait aucun doute que Paris est la plus grande capitale africaine en Europe. En plus des très grandes diasporas, il y a une forte activité d’instances comme l’Unesco ou l’OCDE, qui travaillent sur l’Afrique bien sûr.

Donc finalement, que le Forum ait lieu à Paris, ce n’est pas une symbolique, c’est le reflet de la réalité. Toutefois, nous sommes sortis du registre post-colonial.

Enfin, il ne faut pas oublier que ce Forum est organisé par les diasporas elles-mêmes. Ce sont elles qui décident. Moi je ne suis qu’un facilitateur.

Peut-être émergera-t-il, à l’issu des discussions, une proposition pour l’instauration d’une « journée de l’Afrique », sorte d’équivalent de la fête de la musique en France. Cela ferait beaucoup de sens, étant donné le rôle grandissant que joue la culture africaine dans notre pays et en Europe.

 

Quels sont selon vous les plus gros enjeux pour le continent africain dans les prochaines décennies ? Ont-ils plutôt trait à la démographie, à l’énergie, à l’économie ?

L’enjeu majeur, c’est la création d’emploi. Et pour cela, il faut industrialiser l’Afrique.

D’ici 2050, 500 millions de jeunes vont arriver sur le marché de l’emploi. A cet égard, il ne fait aucun doute que la priorité, c’est la création de PME et le développement de l’entrepreneuriat. L’Afrique jouit d’une richesse incroyable et possède la plupart des matières premières. Nous devons offrir aux Africains la possibilité de transformer ces matières premières.

J’ai récemment été au Ghana, et j’ai été fasciné par la vitesse à laquelle le nouveau président a su impulser une nouvelle dynamique économique. Cela veut dire qu’il y a une population éduquée, mûre et prête à s’inscrire dans les normes mondiales de travail.

En résumé, l’Afrique a besoin d’industrialisation et de gouvernance. A des systèmes autoritaires, il faut substituer des régimes démocratiques. Et le développement économique suivra.

 

Propos recueillis par Gaspard Velten

 

Retrouvez ici toutes les informations concernant le Forum des diasporas africaines : http://www.forumdesdiasporas.com/