Les routes de la Chine
08H47 - lundi 8 janvier 2018

De quelques enjeux économiques clé de la visite du président Macron en Chine. Tribune de Patrice Cristofini, co-fondateur du Club Shanghai.

 

A l’occasion de la visite du président de la République française en Chine, est lancé le Club Shanghai avec une conférence exceptionnelle le 10 janvier 2018 sur l’innovation et la santé au CEIBS (Europe International Business School) dans la capitale économique de l’Empire du Milieu, en présence du député français Olivier Veran. Ce Club est une co-initiative de Patrice Cristofini, président du club e santé du CEPS (Centre d’Etude Prospective Stratégique) et chroniqueur santé pour Opinion Internationale, et de M. Bo Xu, représentant en France du CEIBS. La Fondation Charles de Gaulle, la société Medisanté, l’Ipse (Institut Prospective et Sécurité en Europe) sont parmi les partenaires. Opinion Internationale en est partenaire presse.

A cette occasion, Opinion Internationale annonce le lancement de la rubrique «Les routes de la Chine» consacrée aux valeurs et aux décideurs de l’Empire du Milieu et aux partenariats que la Chine et l’Europe, et plus particulièrement la France, peuvent développer dans l’intérêt de la communauté internationale.

 

 

Emmanuel Macron se rend en Chine. La visite du président de la République française  était très attendue. Un voyage peut-être un peu tardif quand on sait que la Chine est devenue la première puissance mondiale dans bien des domaines.  D’autant que la France a une carte à jouer… Selon l’Elysée, c’est « le moment opportun pour aller discuter avec Xi Jinping alors que la Chine veut renforcer sa place dans la gouvernance mondiale ».

Une chose est sûre : les nouvelles dynamiques se montent à l’est. L’Asie et plus particulièrement la Chine sont aujourd’hui à l’initiative de mouvements importants par leurs réformes et leur ouverture. Cette dynamique,  l’Europe doit pouvoir en profiter  alors que l ‘Amérique se tourne vers le Pacifique et moins vers l’Europe.

En Europe on observe un certain recul avec une montée forte des individualismes et des comportements plus ou moins rationnels. Notre concept de démocratie montre des signes atypiques : populisme, Brexit, montées des nationalismes régionaux… Pour la Chine, il faut remettre l’humanité dans son ensemble au centre du jeu et il faut accepter son influence grandissante fondée sur une très vielle civilisation en favorisant le rapprochement culturel. Les liens entre l’Asie et l’Europe vont-ils permettre une renaissance civilisationnelle ?

Mesure-t-on en France les enjeux et les opportunités que nous offrent les Chinois ? En voici quelques uns…

 

Des fonds pour investir

Des moyens considérables sur le plan financier sont engagés pour permettre une nouvelle stratégie de gouvernance. Ainsi, créée en juillet 2014 avec son siège à Shanghai, la NDB BRICS est configurée pour favoriser une plus grande coopération financière et de développement entre les pays émergents comme alternative ou complément à la Banque Mondiale et au Fonds Monétaire International.

Le Fonds de la Route de la Soie, un fonds souverain chinois, a été créé conjointement le 29 décembre 2014 par les Réserves en Devises Etrangères, la China Investment Corporation, la Banque d’Exportation et d’Importation de Chine et la Banque de Développement de Chine (BDC). Le capital total du Fonds est fixé à 40 milliards de dollars US$, et le premier tour de capital est de 10 milliards de dollarsUS$.

Après le succès de ces 2 établissements, l’AIIB (la Banque Asiatique d’Investissement pour les Infrastructures) a aussi montré l’ambition de Pékin sur la scène mondiale. Opérationnelle depuis le 16 janvier 2016, l’AIIB s’est fixée 3 objectifs pour combler le déficit d’infrastructures dans la région : le développement d’infrastructures durables, les connexions régionales (terrestres, maritimes, de télécommunications, etc.) et la mobilisation des capitaux privés. A ce jour, l’AIIB a accordé 4,22 milliards de dollars pour 24 projets. En moins de deux ans d’existence, l’AIIB a montré l’efficacité dans sa gouvernance au sein de ses 61 membres en plus de ses 23 membres potentiels.

L’AIIB dispose de plus de 100 milliards avec de nombreux pays partenaires. C’est donc un fort levier de développement. Et dans le cadre de ces institutions financières, la Chine investira au moins 500 milliards de dollars à l’étranger et importera plus de 10 trilliards de marchandises dans les cinq prochaines années.

 

 

La route de la soie, un chemin vers l ‘autre

La nouvelle route de la soie NRS est un outil puissant au service du développement international. Concrètement, le transport ferroviaire reliant Europe à l’Asie représente une opportunité de développer les rapports commerciaux entre la Chine et l’Europe.

Dans le domaine des transports,  1.702 Trains ont fait la liaison Chine Europe en 2016. Fin 2017, une dizaine de villes européennes sont reliées à la Chine par le rail. On est à 50 milliards d’investissement de la NRS par la Chine (Chine-Pakistan, chemin de fer est-ouest en Turquie, ligne ferroviaire Hongrie-Serbie).

La Commission nationale du développement de la réforme (CNDR) de la Chine a prévu d’augmenter cette capacité à 5.000 trains d’ici 2020. 43 centres de transports ainsi que 43 lignes ferroviaires seront déployés pour arriver à cet objectif.

En France le premier train Lyon-Wuhan, parti du Rhône le 9 février 2017, après un trajet de 11.300 km, est arrivé à Wuhan, la capitale de la province du Hubei au centre de la Chine, le 23 février 2017. Traverser l’Allemagne, la Pologne, la Biélorussie, la Russie, le Kazakhstan en seulement quinze jours, dédouanement compris, avec une seule rupture de charge, c’est une vraie révolution ferroviaire.

Dans le sens Chine-France, il transporte essentiellement des produits mécaniques, électroniques et chimiques. Dans le sens inverse, les conteneurs renferment des pièces détachées pour véhicules, du vin et des denrées agricoles. Attention aux tarifs : un même conteneur coûte 3.750 $ dans le sens Lyon-Wuhan et 5.350 $ dans le sens Wuhan-Lyon. La différence révèle bien le déséquilibre important des flux Chine-France et France-Chine. Il faut encore des efforts de la part des entreprises tricolores pour exporter plus vers la Chine afin d’équilibrer les échanges entre la France et la Chine. 

Parmi les places fortes de cette nouvelle route de la soie, on peut citer la ville de Xi’an. En combinant transport intermodal et multimodal, Xi’an se positionne comme une plateforme logistique clé, au cœur de l’initiative OBOR (One Belt One Road). Est-ce pour cela que le président Macron entame sa première visite d’Etat en Chine à Xi’an le lundi 8 janvier, une ville qui a déjà accueilli les 3 présidents français, Mitterrand,  Chirac et Sarkozy ?

D’ailleurs, l’ambition de Xi’an ne s’arrête pas au réseau ferroviaire. Merial, un leader dans les médicaments et vaccins vétérinaires, a choisi Xi’an pour le site de production et le centre R&D par son réseau de transport du fret aérien développé.

 

Des rendez-vous économiques à ne pas manquer

Les Chinois n’aiment pas le court terme ni les visées à courte vue. Ils voient loin. C’est pourquoi, au-delà de la visite du président Macron en Chine, les entreprises françaises, surtout les PME et les start-up, doivent s’investir en Chine si elles veulent y investir durablement.

Ainsi, un rendez-vous incontournable est prévu cette année : la première édition de China International Import Expo. Le 14 mai 2017, le président chinois Xi Jinping a annoncé que la première édition de cet événement annoncé comme majeur aurait lieu du 5 au 10 novembre 2018 à Shanghai lors de la cérémonie d’ouverture du Forum de la coopération internationale sur l’initiative, OBOR (One Belt and One Road, littéralement une ceinture et une route). Ce terme résonne avec celui du One Planet Summit organisé à Paris le 12 décembre dernier par la président Macron pour financer la lutte contre le réchauffement climatique.

Cette exposition est organisée conjointement par le Ministère du Commerce de la Chine et le gouvernement populaire municipal de Shanghai avec le soutien de l’OMC, de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) et de l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI). 

« La Chine a une classe moyenne importante et elle deviendra le plus grand marché de consommation du monde dans quelques années. Si nous augmentons les importations en provenance d’autres pays, cela aidera les pays impliqués dans l’initiative one Belt and one Road à participer à la croissance rapide de la Chine. » dit ZHANG Jianping, président de l’Académie Chinoise du Commerce International et de la Coopération Economique du Ministère du Commerce de la Chine.

Pour ces quelques raisons, et beaucoup d’autres, – 500 millions de chinois vont pouvoir voyager dans le monde -, la France peut jouer en Europe un rôle majeur, avant-gardiste dans le développement des échanges économiques et commerciaux qui déboucheront sur des partenariats stratégiques mondiaux partagés avec la Chine.

 

Patrice Cristofini

https://www.linkedin.com/in/cristofinipatrice1/

avec Haitang Daisy Ding

 

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