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12H58 - mercredi 6 septembre 2017

«Plan Santé connectée France» : propositions pour convertir la France à la e-santé en cinq ans, par Patrice Cristofini, Chairman et fondateur du club e-santé du CEPS

 

Le CEPS  et son board, par la voie de son Président, proposent 5 mesures concrètes et un Plan Santé connectée France pour que la France rattrape son retard dans la e-santé.

Face à l’allongement de la durée de la vie et à la formidable révolution technologique que nous vivons, la médecine et l’ensemble des politiques de santé connaissent un changement total de paradigme. L’heure n’est plus à s’interroger sur le bien-fondé de ce changement, mais d’en prendre acte, de le maîtriser, de l’encadrer, de l’accompagner pour le plus grand bénéfice du patient et du bien-portant qui en est le pilier majeur.

Autrefois, le médecin détenait un quasi-monopole de la connaissance médicale. C’était le pouvoir du sachant. Aujourd’hui, notamment grâce à la révolution digitale et à l’usage massif d’ internet, mais aussi parce que l’individu s’approprie  la gestion de son capital santé, le patient, de plus en plus souvent, arrive chez son médecin avec déjà en tête des idées sur quelles pourraient être les causes de son mal voire les remèdes à lui administrer. La relation du patient au médecin a changé. Et la technologie est au cœur de cette relation nouvelle, avec en filigrane, une première crainte : le patient devra-t-il se fier à un ordinateur intelligent ou un robot plein d’intelligence artificielle plutôt qu’à son médecin ? Devra-t-il faire confiance à internet ? En vérité, l’ordinateur et internet ne sont que des interfaces, des outils, des moyens. Si le médecin répond à l’internaute en ayant des éléments de diagnostic suffisant, rien ne s’oppose à ce que le patient lui fasse confiance. Mais il est vrai aussi que demain, l’intelligence artificielle basée sur l’ensemble des connaissances médicales permettra d’améliorer considérablement la pertinence dudit diagnostic. 

Déjà se profilent d’autres craintes : saurons-nous avoir confiance dans un médecin qui nous opère à distance voire confier l’intervention à un robot ? Il n’y a pas encore très longtemps, l’idée d’un métro, d’un train, d’une voiture sans conducteur semblait ahurissante. Et pourtant… . Déjà la chirurgie a franchi le cap dans de nombreux domaines où le robot assiste le chirurgien dans son acte.

Que ce soit en matière de recherche médicale pure ou de prise en charge sanitaire des malades, l’offre de soins s’étend et se diversifie, ce facteur systémique contribuant largement aux progrès de notre santé. Ne prenons qu’un exemple : le digital permet de mieux gérer les prises de rendez-vous médical et devrait permettre d’améliorer la gestion des urgences, souvent très tendues et douloureuses pour les patients comme pour les personnels médicaux.

Et pourtant, malgré toutes ces évolutions en marche, la France, vantée pour son modèle de santé parmi les meilleurs au monde, prend du retard et a perdu des places dans les classements internationaux.

Les raisons sont multiples mais l’une des principales tient, selon nous, à ce que le système de santé français a manqué sa révolution digitale. Alors que des pays comme la Chine, les Etats-Unis et l’Estonie en Europe misent sur la santé connectée, la France, dotée pourtant de toutes les solutions technologiques, de start-up à l’avant-garde, de grands groupes industriels du domaine de l’informatique et des meilleurs médecins et chercheurs, n’a pas investi de manière industrielle dans les enjeux de la santé connectée. La télémédecine, les applications sur mobile, la mise en réseau connectée des professionnels pour soigner à distance ou gérer des informations médicales, la France entre à peine dans cette nouvelle ère.

C’est pour rattraper ce retard que nous proposons une alliance entre les pouvoirs publics et les acteurs de la santé, y compris les industriels investis, pour lancer un vaste plan «Santé connectée France». Quelques mesures fortes, opérationnelles, permettraient en un quinquennat à la France de reprendre son leadership :

1 La formation doit être une priorité : 

– l’enseignement de la e-santé devrait être obligatoire dans toutes les formations des futurs professionnels de santé, des aides-soignants aux infirmiers, des médecins aux dentistes et pharmaciens. Actuellement il n’y a aucune formation officielle sur ces nouvelles technologies. Nous proposons au minimum 20 heures par an de cours sur la santé digitale ;

– la formation continue, notamment pour réduire le gouffre entre les jeunes médecins et ceux qui ont plus de 50 ans, permettrait aux professionnels de se mettre au goût du jour de cette révolution technologique (diplôme universitaire, campus santé numérique…) ;

– chaque professionnel de santé dans ses études pourrait faire un stage validant dans sa formation pendant 6 mois dans une entreprise la e-santé qui ne demandent qu’à pouvoir disposer d’une telle ressource pour les accompagner dans leur développement.

2 Dans les priorités d’investissement, le gouvernement pourrait inciter, encourager à la signature de volets santé spécifiques et tracés dans les contrats Etats – régions. L’approche doit favoriser le lien entre la performance et le financement autour notamment de la prévention de l’ambulatoire et de l’observance en particulier dans les maladies chroniques. 

3 La mise en place d’ un tiers de confiance national  à parité public – privé associant des professionnels de santé pour organiser l’accès aux données d’usage de santé.

4 Pour remédier à l’absence d’organisation institutionnelle de la e-santé, nous proposons une Haute Autorité pour la e-santé, une structure qui pourrait piloter les acteurs du secteur et assurer le lien avec l’ensemble de l’éco-système de la santé. Cette Autorité pourrait notamment labelliser, certifier et réguler toutes les innovations qui explosent en ce moment, faciliter la cohérence des parcours de soins au regard des technologies pour industrialiser l’offre et sa réplication, gérer et informer les acteurs des nombreuses obligations juridiques spécifiques au monde de la santé issues tant de la loi du 26 janvier 2016 que du Règlement européen sur la protection des données personnelles entrant en vigueur en mai 2018 .

5 Enfin, sur le plan européen, une Agence Européenne de la e-santé s’impose pour mieux encadrer la collecte des données de santé, point crucial qui inquiète à juste titre les patients qui savent sans savoir que des grands groupes stockent à leur insu des informations innombrables, notamment sur leur santé. Cette question délicate ne peut être appréhendée efficacement qu’au niveau européen. Un besoin de benchmark  et de partage des pratiques pour arriver à une harmonisation rapide des pratiques est indispensable.

Plus encore que ces mesures utiles, un Plan Santé connectée France permettrait de lever les obstacles culturels, psychologiques et juridiques des professions de santé  alors  que les Français craignent de moins en moins d’entrer de plain-pied dans ce nouveau monde. La e-confiance sera la clé de ce virage stratégique que nous appelons de nos vœux. 

Il y a urgence : ce nouveau monde, dans la santé comme dans tous les corps de la société, n’est pas pour demain ! Nous y sommes déjà aujourd’hui ! Nous avons tout à gagner à être l’une des locomotives de ce train du changement inéluctable et tout à perdre à le rater. Car il avancera, avec ou sans nous. Il avance déjà…

Patrice Cristofini

Ancien Interne des hôpitaux de Paris (AIHP), Chairman et fondateur du club e-santé du CEPS

Lire également de Patrice Cristofini : https://www.opinion-internationale.com/2017/04/22/la-france-doit-enfin-relever-le-defi-de-la-sante-connectee-sans-a-priori_50478.html 

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