Congo
17H31 - jeudi 16 juin 2016

Leçon 6 : Prendre son rival en otage

 

Sitôt la date annoncée de la rencontre entre Alain Mabanckou – romancier, journaliste franco-congolais, professeur au Collège de France – et le président François Hollande pour aborder la situation postélectorale au Congo, Denis le maléfique a mis son rival politique, le général Jean-Marie Michel Mokoko, en état d’arrestation afin de définitivement l’écarter, lui qui a le front de nier sa victoire électorale (on croit rêver !).

Le Général Mokoko dans la foule - Capture d'écran

Le Général Mokoko dans la foule – Capture d’écran

Denis le susceptible n’aime pas les ingérences dans sa gestion dictatoriale de l’empire du Congo. Aussi, l’entrevue entre Alain Mabanckou et le chef, légitime lui, de l’État français a-t-elle suscité son irritation. En effet, cette réunion du 14 juin faisait suite à la lettre ouverte, le 10 mai, de l’écrivain congolois demandant à François Hollande de ne pas reconnaître l’élection de Denis n’a-honte-de-rien. Ce même 14 juin, le général Jean-Marie Michel Mokoko recevait sa quatrième convocation au siège de la direction générale de surveillance du territoire (DGST), pour a priori aborder une fois encore l’affaire de la vidéo de 2007 dans laquelle il apparaît en train de préparer un coup d’État.

La concomitance de cette convocation et de la rencontre élyséenne ne doit rien au hasard. Si Denis le stressé a aussitôt enjoint Pierre Mabiala, ministre de la Justice de sa république bananière, d’accélérer la procédure contre le général Mokoko, c’est bien pour s’affirmer en maître incontesté du jeu. Et, contrairement aux précédentes auditions, Jean-Marie Michel Mokoko n’est pas ressorti cette fois des locaux de la DGST, mais a été placé en garde à vue, à 18 h 45, heure locale.

Il paie la fermeté de ses accusations quant au hold-up électoral du 20 mars dernier, et, comme si son maintien en résidence surveillée depuis le scrutin présidentiel ne suffisait pas, Denis le triste despote a décidé de mettre son adversaire (une fois pour toute ?) hors d’état de nuire et de l’incarcérer, ce 16 juin, à la maison d’arrêt de Brazzaville.

 

Couper l’envie de s’ingérer dans les affaires congolaises

Alain Mabanckou a insisté sur « la nécessité d’un dialogue placé sous le patronage de la communauté internationale » et non sous la direction de Denis le stratège, pour sortir le Congo de la crise postélectorale.

Au terme de son entretien avec l’intellectuel congolois, le président français est resté sur une position toute diplomatique et la France s’est dite « attachée à un dialogue entre l’ensemble des sensibilités congolaises, dans l’objectif de permettre un large rassemblement et d’apaiser les tensions ».

En coulisses, deux émissaires français, Jean-Yves Ollivier (homme d’affaires français proche de Denis premier) et Jean-Pierre Vidon, actuel ambassadeur de France à Brazzaville, avaient au début du mois de juin tenté d’infléchir la position du général Jean-Marie Michel Mokoko, lui recommandant de reconnaître enfin la victoire de Denis l’indéboulonnable. Mais le général, toujours droit dans ses bottes, les a renvoyés à leurs postes.

Le placement en détention du général est un coup dur pour ceux des Congolais (une grande majorité) qui œuvrent à l’instauration d’une alternance démocratique et pacifique au Congo. En effet, face au régime tribalo-clanique de Denis le Machiavel, J3M semblait pouvoir garantir l’unité et la cohésion nationales. D’ailleurs le régime de Denis le chef de guerre ne s’y trompe pas. Dès la mise en détention du général, Brazzaville sera de nouveau quadrillée militairement afin de prévenir toute révolte populaire.

Le pouvoir ne s’embarrassant pas des principes universels de la procédure judiciaire, il est à craindre que J3M soit incarcéré ad vitam aeternam, voire « aidé » à  disparaître physiquement.

 

Chroniqueur Congo