Afriques demain
15H47 - dimanche 13 mars 2016

Présidentielle Bénin : à qui profitent les hésitations de la Cour constitutionnelle ?

 

1On y croyait. Puis, rien ! La Cour constitutionnelle et son président, Thédore Holo [photo], ne se sont toujours pas prononcés sur les résultats définitifs du premier tour de la présidentielle. Le terme du 12 mars 2016 à 20 heures ne tient plus. Alors les journalistes autoproclamés se déchaînent, investissent les réseaux sociaux et inondent les internautes d’informations fantaisistes. La nature ayant horreur du vide, ces dévoués de l’info occupent l’espace et répondent à une vraie attente de l’opinion. Des résultats circulent. Les gens commentent. Et tout le monde soupçonne tout le monde. Retard sur la proclamation des résultats, donc soucis ! « On nous prépare à un truc », disent les Béninois.

Jamais on n’a été aussi pendu aux lèvres de la Cour constitutionnelle. Les résultats tardant à être proclamés, la grosse thèse du complot réapparaît. C’est à qui trouvera le truc le plus compliqué, improbable. Des idées délirantes circulent. Première cible, Boni Yayi, le président sortant : il préparerait ses arrières. Il faut dire qu’il fait tout pour attirer les regards. À quelques semaines seulement de sa passation de pouvoir, il promeut des ministres d’État. Étonnant ! Le geste du Président pourrait n’être pourtant qu’un remerciement pour bons et loyaux services. Une manière de récompenser par une retraite honorable. Bref, les Béninois s’étonnent mais ne sont pas choqués.

Sur les réseaux sociaux, les nominations en cascade n’ont d’ailleurs pas suscité les foudres des bloggeurs. On n’y a pas trouvé beaucoup de grain à moudre. En revanche, un scénario fait son chemin dans les esprits, celui d’une manigance du président sortant. Il aurait monté de toutes pièces sa rivalité à mort avec son ami Talon pour le rendre célèbre. Car ce dernier serait en fait son vrai choix masqué pour le Bénin. Rappelons que le président Yayi avait accusé Patrice Talon de tentative d’empoisonnement à son encontre. Une affaire perdue dans les méandres de la justice et de la politique. Talon, qui avait fui en France, était rentré au pays pour se lancer en politique, contre son vieil ami. Une bonne intrigue pour séries américaines. Selon les théoriciens de ce complot dans le complot : « Nous sommes les dindons de la farce, les compères se jouent de nous ».

« Non, invraisemblable ! » rétorquent ceux qui croient plutôt en une manipulation dont la Cour constitutionnelle se rendrait aujourd’hui coupable. Elle serait de mèche avec le pouvoir, parce derrière tout cela, il y aurait la France. Alors on invente des raisons, des liens et on démontre l’inexplicable. Le complot est partout. « Ils ont déjà décidé pour nous ! » Quant aux spéculations au sujet de Lionel Zinsou, qui serait le choix de la France (les observateurs qui connaissent le personnage et les conditions de son engagement savent que cette rumeur n’est qu’une rumeur…), elles aussi ont vécu. Cette théorie, qui faisait couler beaucoup d’encre, n’effraie plus. Les Béninois, sur ces mêmes réseaux, ont une réponse imparable : « Et alors ! »

Les lignes bougent sur Internet et l’idée de certaines manœuvres pour nuire au peuple béninois ont fait tout simplement pschitt.

Le complot permanent n’emballe plus les foules. Après les égarements, les petits montages, les uns plus farfelus que les autres, la raison reprend ses droits. Et finalement, on attend la Cour constitutionnelle pour ne plus jouer à se faire peur.

Didier Samson

Didier Samson est journaliste. A Radio France internationale (RFI) pendant 22 ans, il y a parcouru la plupart des rédactions. Aujourd’hui entre la France et le Bénin, Didier Samson intervient à l'Institut supérieur des métiers de l'audiovisuel à Cotonou comme directeur des études.