Police(s)
09H37 - mercredi 9 mars 2016

Pourquoi le Front national séduit-il tant les policiers ?

 

Vent de panique général lorsqu’on a découvert dans une étude du Cevipof de novembre 2015 que plus de 51 % des policiers et des gendarmes s’apprêtaient à glisser un bulletin FN dans les urnes des Régionales. Comment expliquer cette montée du vote frontiste dans les rangs des forces de l’ordre ?

Marine Le Pen à la rencontre des policiers municipaux - Crédit photo : Tous droits réservés

Marine Le Pen à la rencontre des policiers municipaux – Crédit photo : Tous droits réservés

 

Le FN n’a jamais autant séduit les policiers et les gendarmes. Ce phénomène n’est pourtant pas nouveau. Cela fait plus de vingt ans que le FN laboure le terrain, écumant les commissariats et les abords des brigades de gendarmerie. Vingt ans à labourer un terrain propice avec en face pratiquement aucune offre politique vraiment séduisante pour les fonctionnaires chargés de la sécurité des Français.

 

Un pouvoir qui a mal à sa police

Pour la gauche, et le PS en tête, la sécurité n’est arrivée que très tardivement dans la liste des priorités politiques. Malgré un réel attachement des dirigeants de gauche comme Pierre Joxe, Jean-Pierre Chevènement, Gilbert Bonnemaison, Julien Dray ou plus récemment Manuel Valls et Jean-Jacques Urvoas, à la notion de police républicaine, les questions de police et de sécurité étaient plutôt l’apanage de la droite. Cette dernière, depuis vingt ans, ne cessait de prôner une police d’ordre mais sans réellement lui donner les moyens d’agir. La gauche, en 1998, avait imaginé une police de proximité, remettant près de 20 000 policiers sur le terrain. Des postes de police ont été ouverts, des moyens ont été alloués dans le cadre de cette nouvelle police qui avait entre autres objectifs de rapprocher les policiers des citoyens. La droite, elle, s’était émue que cette politique de proximité n’apporte aucun résultat probant et pire que le nombre de faits constatés était en forte augmentation. Mal à l’aise avec la question policière, le PS et le Premier ministre de l’époque, Lionel Jospin, n’avaient pas su répliquer à leurs détracteurs alors qu’il aurait été tellement simple d’expliquer aux électeurs qu’il est logique de constater plus de faits lorsqu’on dispose de 20 000 policiers de plus sur le terrain … Les faits constatés augmentent tout comme le taux d’élucidation des affaires !

 

Les policiers, dindons de la farce ?

Lorsque la droite revient aux affaires, elle dissout rapidement la police de proximité et ferme les postes les uns après les autres. À Paris, ce sont près de 30 unités de police de quartiers et vigie qui fermeront en dix ans de gouvernements de droite, détruisant au passage… des milliers de postes.

Les policiers aujourd’hui se sentent malaimés par le pouvoir, qu’il soit de gauche ou de droite, mais surtout ils reprochent à ce pouvoir qu’il protège un manque de considération et de soutien. Ce que le Front national a depuis très longtemps compris. Le changement de ligne politique prôné par Marine Le Pen a lui aussi joué chez nombre de fonctionnaires d’administrations régaliennes : en passant d’un discours populiste anti-fonctionnaire, très tendance du temps de son père, à une défense totale des services publics. Seul, le Front national semble s’intéresser aux problèmes rencontrés par les policiers sur le terrain. On ne compte plus à l’Assemblée nationale le nombre d’interpellations, de questions orales ou écrites au gouvernement liées à la détresse ou au manque de moyens des policiers.

 

Stratégie corporatiste payante

Le FN s’intéresse à tous les tracas de la vie quotidienne des policiers. Le 3 novembre dernier, Gilbert Collard interpellait le ministre de l’Intérieur sur « l’état d’exaspération » des CRS qui n’ont eu qu’une dérisoire augmentation de 9 euros de leur indemnité d’absence temporaire (IJAT) depuis trois ans. Quelques jours plus tôt, Marion Maréchal-Le Pen s’émouvait encore de la situation précaire des gardiens de la paix demandant au passage d’appliquer la présomption de légitime défense pour les forces de police. Faisant parfois écho à des revendications syndicales, le FN montre qu’il s’intéresse réellement aux difficultés quotidiennes des policiers : rationnement des cartouches tirées lors des séances d’entraînement, remplacement des matériels vieillissants ou obsolètes, protection des policiers ciblés par les islamistes à leur domicile, défense du statut des psychologues de la police… Le Front national n’a pas peur de relayer des revendications parfois très corporatistes d’autant que cette stratégie semble payer.

Dans l’étude du Cevipof, Luc Rouban le confirme : «Le gel du point d’indice et la réduction régulière des effectifs, notamment dans la fonction publique d’État, ont créé des tensions fortes à l’égard d’un gouvernement de gauche», et insiste sur le ressenti d’une grande partie des fonctionnaires qui «souffrent du décalage entre les discours, sur la République et la laïcité, et les pratiques du terrain où les demandes communautaires se multiplient. »

Anonymat des policiers : ça commence mal

Lors de la cérémonie d’hommage aux deux fonctionnaires de Magnanville, assassinés à leur domicile, le président Hollande avait promis d’améliorer la protection de l’anonymat des policiers. Deux semaines plus tard, une fâcheuse…
Omri Ezrati