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11H51 - mardi 18 août 2015

Thaïlande : la démocratie fait la moue au pays du sourire 

 

Lundi 17 août, un attentat a eu lieu a Bangkok, capitale de la Thaïlande dans un sanctuaire. Pour le moment le bilan fait état de 21 décès et de 140 blessés. Si l’auteur de l’explosion n’a pas encore été identifié, il s’agirait selon le pouvoir en place d’un opposant à la junte qui gouverne actuellement le pays. Une nouvelle explosion a eu lieu ce mardi 18 août à proximité d’une station de métro mais n’aurait fait aucun blessé. Retour sur les tensions qui animent le pays.

 

Manifestation en Thaïlande - Crédit : hurtingbombz / Flickr CC

Manifestation en Thaïlande – Crédit : hurtingbombz / Flickr CC

 

Rien ne va plus en Thaïlande. Le 22 mai 2014, un énième coup d’Etat ébranlait le pays. L’armée renversait le gouvernement de Yingluck Shinawatra, première ministre élue et sœur de Thaksin Shinawatra, lui-même premier ministre renversé en 2006 par la junte militaire. Cependant, depuis le mois de mai dernier, on assiste à une escalade de la répression organisée par l’armée dirigée par Prayuth Chan-ocha. Premier ministre auto-proclamé, ce dernier s’accroche au pouvoir de façon inquiétante.  

 Thaïlande made in Shinawatra

La junte militaire est au pouvoir depuis qu’elle a écarté, par un coup d’Etat militaire le 22 mai 2014 et après des mois de blocage politique, Yingluck Shinawatra, première ministre élue et sœur de Thaksin Shinawatra, lui-même premier ministre renversé en 2006 par la junte militaire.

Les événements se suivent et se ressemblent au pays du sourire. En accédant au pouvoir en 2011, Yingluck Shinawatra avait suivi le chemin de son frère. Sitôt élue, elle entame une série de réformes. Parmi lesquelles, la rationalisation de l’article 112 de la Constitution qui porte sur la condamnation pour lèse majesté qui punit (sévèrement) toute critique à l’encontre de la famille royale. Si l’article 112 ne passe pas à la trappe, la première ministre veille à ce que son utilisation soit pondérée – notamment et surtout par l’opposition, qui l’utilisait jusqu’à présent comme un instrument politique. 

Sur le plan économique, Yingluck Shinawatra, tout comme son frère avant elle, s’est distinguée par la mise en place d’une politique favorable aux intérêts des ménages les plus modestes, essentiellement ruraux. Le gouvernement achète ainsi la récolte de riz des producteurs thaïlandais à un prix bien supérieur à celui du cours du moment, adopte un plan d’aide d’achat d’une première voiture et d’un premier bien immobilier. En termes de politique étrangère, elle resserre les liens de la Thaïlande avec le Laos, le Cambodge ou encore Bahreïn. 

 Un gouvernement militaire

Depuis le départ forcé de la première ministre en 2014 au profit de la junte militaire, la situation s’est détériorée. Economiquement, d’abord. Le secteur touristique, véritable moteur de la croissance, tourne toujours au ralenti, et après une année 2014 noire (0,7 % de croissance, contre 2,3, % en 2013 et 6,4 % en 2012) les prévisions de croissance pour 2015 viennent d’être revues à la baisse, passant de 3,9 % à 3,7 %, ce qui a entraîné une baisse du taux directeur par la banque centrale thaïlandaise, plafonnant à 1,50 %, son plus bas niveau depuis 2010, selon le site d’information www.thailande-fr.

Sur le plan démocratique, c’est encore pire. La junte militaire, affiliée au mouvement des « chemises jaunes », militants conservateurs ultraroyalistes représentant les classes aisées de Bangkok et du sud du pays, réprime tous ceux qui ressemblent de près ou de loin à des « chemises rouges », le clan adverse, populaire et pro-démocratie. 

La loi martiale qui avait été instaurée en 2013, alors que les rues de Bangkok s’embrasaient, a été remplacée dans la Constitution par « l’article 44 » qui fait l’objet des pires craintes de la part des militants des droits de l’homme. L’article controversé interdit en substance les rassemblements de plus de cinq personnes ainsi que « la diffusion de livres, de documents imprimés ou de n’importe quel média comportant des messages provoquant la peur ou relayant des informations déformées ou créant le malentendu ». Il donne également des pouvoirs quasi-illimités au premier ministre, dont les décrets sont considérés comme « automatiquement légaux et constitutionnels ».  

Droits humains et démocratie en péril

Le crime de lèse-majesté, lui, est de nouveau invoqué à tout bout de champ. En mars 2015, un homme d’affaires écopait de 25 ans de prison pour la publication de commentaires jugés insultant à l’encontre du roi sur sa page Facebook. Deux mois plus tard, une femme de 65 ans atteinte de troubles psychiatriques, a été condamnée à un an de prison ferme pour « comportement inapproprié envers un portrait du roi »…

Exil forcé

Pour tous ceux qui refusent encore de faire allégeance à la junte, la seule solution face à la prison est désormais l’exil. Une option prise par de nombreux intellectuels du pays, à l’instar de Jarahn Ditapichai. L’ancien membre du parti communiste et militant thaïlandais des droits de l’homme, qui a trouvé refuge à Paris, a dû s’exiler alors qu’une de ses pièces de théâtre été jugée « hostile au régime ». Il dénonce aujourd’hui depuis la capitale française ce retour des « chemises jaunes » au pouvoir alors que deux étudiants qui participaient à sa pièce ont été condamnés à plusieurs années de prison ferme.

Tout récemment, le 26 juin dernier, 14 étudiants étaient incarcérés pour avoir manifesté pacifiquement leur opposition au régime en place. Ils encourent sept ans de prison pour «sédition». Une situation qui ne laisse cette fois pas indifférente la communauté internationale. Union européenne et Etats-Unis ont en effet qualifié ces arrestations d’« inquiétantes ». Un peu partout dans le monde, de Paris à Los Angeles, des rassemblements ont eu lieu réclamant la libération des 14 étudiants. Même son de cloche du côté d’Amnesty International, qui vient d’ « exhorter les autorités à relâcher immédiatement et sans condition les 14 étudiants susmentionnés et à abandonner toutes les charges », et invite le gouvernement thaïlandais à abroger les « décrets et lois qui restreignent arbitrairement le droit à la liberté de réunion pacifique ».

Cette pression internationale sera-t-elle suffisante ? La junte militaire en place, régime officiellement transitoire, vient pourtant de repousser de nouveau les élections à septembre 2016, peaufinant en attendant la rédaction d’une nouvelle Constitution permettant à un Premier ministre non élu de diriger le pays et diminuant l’influence des partis politiques au profit des bureaucrates et des militaires. Une Constitution que Chaturon Chaisang, ancien ministre du gouvernement Shinawatra, qualifie déjà de « prison », ajoutant : « Elle est tout simplement antidémocratique. Elle ne donne pas le pouvoir au peuple, mais établit une sorte de dictature permanente.»

 

Damien Ledoux

 

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