Europes
10H00 - mardi 27 mai 2014

Gueule de bois européenne : les partis europhobes à la charge de l’UE

 

Journée morose au lendemain des élections… Comment ne pas retenir le score du Front national ? Son succès incontestable (24,85%) devant l’UMP (20,80%) et très loin devant le PS (13,98%), le parti au gouvernement, est repris et commenté par toute la presse européenne et internationale. La métaphore de la catastrophe naturelle prévaut : « séisme », « avalanche »…

Jean-Claude Juncker, le candidat du Parti Populaire Européen (PPE) à la présidence de la Commission européenne cherche à tempérer cette percée historique du FN, il veut « que l’on n’examine pas le résultat final comme […] le résultat français ». Nous aurions pourtant tort de croire que les résultats en France sont dus aux seuls enjeux nationaux ou que ceux qui décrient l’Union Européenne ne se cantonnent qu’à l’hexagone. Les europhobes ont percé dans de nombreux pays de l’UE. 

ukip posters

Partout des poussées europhobes et séismes au Royaume-Uni et au Danemark

Certes, dans la plupart des Etats membres les partis europhiles ont remporté le scrutin. Le Parlement européen reste largement aux mains des conservateurs du PPE (213 sièges) et des socialistes du PSE (190), mais deux autres séismes s’ajoutent à la convulsion française : au Royaume-Uni et au Danemark, le UKIP et le Parti du peuple danois (Dansk Folkepartis – DF) arrivent en tête dans leurs pays respectifs…

Nigel Farage a en effet réussi à faire de UKIP le premier parti britannique au Parlement européen. En obtenant 27,5% des voix, il devance largement les travaillistes (25,4%) et les conservateurs (23,9%). Au Danemark, le Parti du peuple distance de 5 points les sociaux-démocrates au pouvoir.

Ailleurs, en Suède, en Grèce, en Autriche, les europhobes et les partis d’extrême-droite obtiennent des scores importants même s’ils n’arrivent pas en tête. En Hongrie, dans un pays déjà très à droite où le scrutin a été largement dominé par le parti conservateur Fidesz du Premier ministre Viktor Orban (51%), le Jobbik, formation d’extrême-droite xénophobe, a encore progressé avec près de 15% des suffrages. Il devance désormais les socialistes dans ce pays.

En Italie, le Président du conseil de centre gauche, Matteo Renzi, arrive largement en tête avec 41% mais avec ses 21%, le parti inclassable de Beppe Gillo, le Mouvement 5 Etoiles qui mêle des thèmes d’extrême droite, libertaires et de gauche, pourra envoyer une vingtaine de députés au Parlement européen.

En outre, et pour tempérer la métaphore de la catastrophe naturelle, les Pays-Bas et la Finlande représentent les deux seuls pays dans lesquels une forte poussée populiste était attendue mais n’a pas eu lieu. Aux Pays-Bas, l’allié privilégié de Marine Le Pen, le Parti pour la liberté de Geert Wilders, a reculé par rapport à 2009 et à Helsinki, les Vrais Finlandais ne se classent qu’en troisième position, alors que certains sondages les plaçaient en tête.

Hétéroclite mais tous europhobes et contre l’immigration

Alors que les principaux bénéficiaires du scrutin, à part la Grèce où une formation de gauche radicale devance la droite au pouvoir, sont des partis se situant à droite de l’échiquier politique, ils sont de natures très différentes. Entre les souverainistes de l’UKIP de Nigel Farage qui, jusqu’ici, a toujours refusé de siéger avec le FN à cause de ses racines antisémites, le Jobbik hongrois ouvertement d’extrême-droite et le PVV néerlandais de Geert Wilders à la tête d’un électorat ultra-libéral très en faveur du mariage gay et islamophobe, les divergences semblent prendre le pas sur les raisons de constituer un groupe commun au Parlement.

Des caractéristiques communes traversent pourtant cet ensemble hétéroclite : l’europhobie et surtout, la détestation de l’immigration, qu’elle soit intra ou extra-européenne. Ils partagent tous cette même obsession. Geert Wilders a été jusqu’à promettre à ses partisans de « s’occuper » des « Marocains » présents aux Pays-Bas. L’immigration intra-européenne en provenance de nouveaux Etats membres inquiète elle aussi. Les affiches de UKIP interrogeaient les électeurs : « Vingt-six millions de personnes en Europe cherchent du travail. Et quels emplois veulent-ils prendre ? ». De nombreux partis dont le Parti populaire danois ont insisté dans leurs campagnes sur les avantages sociaux accordés aux citoyens de l’UE.

La tentation est grande de voir dans la crise économique que traverse l’Europe la raison de ce repli et ce rejet radical de l’immigration. Elle n’explique pourtant pas tout. En Allemagne, c’est une situation économique perçue comme satisfaisante pour la majorité des Allemands qui aurait motivé un vote modéré. Les conservateurs et leur figure de proue, la chancelière Angela Merkel, terminent en tête (36%) suivis par des sociaux-démocrates en hausse (27,5). Or, la poussée populiste est la plus forte dans les pays prospères comme l’Autriche et surtout le Danemark. En Espagne, au Portugal et en Irlande, les partis extrémistes restent marginaux alors que ces pays sortent du programme d’assistance de la zone Euro et du FMI.

Partout les partis europhobes et d’extrême-droite ont, semble-t-il, aboutit à ce que la perception de l’Europe se réduise à celle de libre circulation et de grand marché. Ils sont parvenus à imposer le cadre du débat en le résumant à une seule question « pour ou contre l’Europe ? ». Il était alors facile de prospérer sur le thème de l’immigration et de l’Union comme source de tous les maux.

Si la question « quelle Europe voulons-nous ? » s’était davantage imposée, si les partis politiques traditionnels et les médias avaient su repolitiser le débat, peut-être alors que le score des partis europhobes mais aussi l’abstention, qui reste partout – ne l’oublions pas – le grand vainqueur de cette élection (57% pour les l’ensemble des votants), auraient été moindres.  

Stéphane Mader
Rédacteur en chef - Chief Editor

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