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12H07 - vendredi 9 mai 2014

« Il faut poser les bases d’un processus vérité et réconciliation »

 

Gervais Lakosso est membre du Conseil National de Transition (CNT). En tant qu’artiste et directeur d’une ONG (Cercle de Recherche et d’Education par les Arts – CREA), il accorde une importance toute particulière à ce que la société civile soit partie prenante à l’élaboration des réponses que son pays doit trouver pour sortir d’une situation catastrophique. Coordonateur du Groupe de Travail de la Société Civile sur la crise en Centrafrique, il partage sa vision aussi bien sur le diagnostic de cette crise que sur les solutions envisageables pour la résoudre.

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Comment décririez-vous la situation en RCA ?

La situation s’est améliorée mais, en même temps, elle demeure complexe. La solution primordiale, selon le bon sens, est le désarmement systématique de tous les détenteurs illégaux d’armes. Mais ceux qui sont chargés de le faire trouvent des milliers de prétextes pour ne pas le faire.

Et il n’y a pas non plus de réponse du côté du gouvernement !


Pourquoi cette recrudescence de la violence ?

Je ne saurai l’expliquer. Le moins que je puisse en dire est que les gens ne sont toujours pas revenus à la raison et continuent de se laisser manipuler par les partisans de la violence, ceux qui ont des agendas cachés et qui évoquent des raisons vagues pour justifier la violence.


Quelle est la situation des Forces Armées Centrafricaines ?

C’est l’impasse. Il y a 3000 militaires cantonnés au camp Kassaï qui attendent d’entrer en action. Là encore, on trouve des milliers de raisons pour ne pas les mettre en fonction. Et le gouvernement centrafricain qui se croit très sage, accepte tout, même les instructions qui vont à l’encontre contre l’intérêt national. L’armée centrafricaine doit être opérationnelle quels que soient ses défauts. Cela n’est pas négociable, à moins que l’on veuille cesser d’être un pays.


Comment envisagez-vous leur reprise de fonction ?

Elle doit être sans conditions. Nous devons faire confiance à notre armée tout en l’aidant à corriger ses imperfections. Cela ne peut en être autrement.


Que pensez-vous de cette transition ?

La transition suit son cours malgré ses manquements. Elle ne devrait pas s’éterniser afin que le pays retourne rapidement à la légalité constitutionnelle. Mais à mon avis, l’exécutif ne fonctionne pas encore comme il se doit. Nous sommes dans une situation exceptionnelle et les gens semblent se comporter comme en situation normale.


Est-ce qu’un remaniement serait suffisant pour marquer le ton et poser des actes concrets ?

Peut-être, surtout si au lieu de recomposer les différentes tendances et la famille, l’on faisait la place aux plus compétents parmi nous, cela résoudrait beaucoup de problèmes. Je crois qu’il y a assez de ressources humaines dans ce pays. Il suffit de faire un bon casting.


Vous êtes un Conseiller National, estimez-vous que le CNT est légitime pour modifier la Constitution ?

Bien évidemment, sinon quelle institution ou quelle entité devrait le faire ? La constitution de 2004 a été élaborée par le CNT de l’époque. Nous sommes en transition, rien n’est normal. Dans cette situation exceptionnelle, le CNT est la seule institution habilitée à rédiger le projet de la constitution que le peuple validera par référendum. N’oublions pas que le CNT est parlementaire et constituant en même temps. Il faut que les Centrafricains arrêtent de faire de l’opposition partout et soient réalistes.


Est-ce que nous pouvons parler de la nécessité d’aller au dialogue aujourd’hui en RCA ?

Oui, si ce n’est pas pour refaire les mêmes comédies du passé, où hommes politiques et intellectuels se sont retrouvés pour développer des théories en se contentant de trinquer à la fin. Une assise au cours de laquelle on peut poser les bases d’un processus vérité et réconciliation est importante. Il y a trop de mensonges en Centrafrique. Il faut qu’un jour la vérité triomphe pour que le peuple retrouve le chemin du développement.


Vous venez d’arriver en France, vous êtes en tournée, parlez-nous en ?

Si je suis en tournée, c’est pour présenter mon album spécial Paix Lêgë tî Sîrîrî (La route de la paix) et mobiliser des ressources pour soutenir le programme de médiation créative pour la paix et la cohésion sociale que j’ai lancé avec mon ONG CREA à Bangui et en province.


Quel est votre message pour les lecteurs d’Opinion Internationale ?

La paix et l’espoir sont toujours possibles en Centrafrique, mais ils attendent que les Centrafricains leur tendent sincèrement la main pour qu’ils s’installent. Si chacun fait sa part, tout sera possible.

Propos recueillis par Lydie Nzengou

Journaliste, chef de la rubrique Centrafrique

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